Birmanie>Net Hebdo n° 16
La lettre d'information hebdomadaire d'Info Birmanie


Sommaire
> Edito
> SIDA: la Birmanie menacée de catastrophe
> Les activistes pro-démocratie, menacés d'être arrêtés et déportés.
> Charlie Hebdo et la Birmanie (suite)

Edito
Source :Democratic Voice of Burma, 4 janvier 2003

Nous avons publié la semaine dernière de la déclaration d’Aung San Suu Kyi pour l’anniversaire de l’indépendance de la Birmanie, le 4 janvier 1948. Elle y exhortait la population à conserver son esprit d’indépendance, justement, comme ce qu’elle avait de plus précieux. Elle y remerciait également la jeunesse pour le soutien qu’elle lui a apporté lors de ses récents déplacements à l’intérieur du pays, assurant que celle-ci lui avait donné " du courage et de l’espoir pour l’avenir du pays ". Elle appelait enfin à ce qu’on lui accordât (à la jeunesse, donc) plus de considération, " afin qu’elle puisse participer plus largement au devenir du pays ". On ne sera pas surpris de constater qu’au même moment les militaires au pouvoir en appelaient au " devoir de préserver le patriotisme " des nouvelles générations, ce qui, comme la suite du discours devait le confirmer, signifie conserver la situation politique en l’état. En effet, nulle mention n’a été faite d’une éventuelle transition démocratique, ni du dialogue entamé avec Aung San Suu Kyi, ni du prix Nobel de la paix elle-même. On pourrait philosopher à l’infini sur cette indépendance conquise par l’armée dirigée par le Général Aung San, et sur le fait qu’aussi bien les militaires au pouvoir que l’opposition démocratique emmenée par la propre fille d’Aung San s’en revendiquent. Mais on ne peut que voir que les deux camps qui partagent cet héritage n’ont guère que lui en commun. La démocratie birmane, née du combat des trente camarades, et de leur chef, Aung San, a connu des débuts prometteurs. De 1948 à 1962, le pays connut un réel développement, qui devait être stoppé net par l’arrivée au pouvoir des militaires, suite au coup d’Etat du 2 mars 1962. La Birmanie est aujourd’hui dans une situation catastrophique, aussi bien sur le plan des droits Humains, que sur celui de la situation humanitaire et écologique.
Le rapport annuel de l’ONG Human Rights Watch, publié le mardi 14 janvier, vient de le répéter une nouvelle fois. D’après ce rapport, la population Birmane subit des atteintes continuelles à ses droits fondamentaux, civils et politiques, les minorités ethniques étant particulièrement touchées (on le voit, les dénonciations perpétuelles de la junte ont une constance qui n’a d’égale que la violence de la junte elle-même). Ce rapport précise que si 300 prisonniers politiques ont été libérés cette année, à la suite d’Aung San Suu Kyi, plus d’un millier d’autres restent derrière les barreaux, que les militaires ont ignoré la demande des Nations Unies de libérer tous les prisonniers politiques, et que de nouvelles arrestations ont eu lieu. Un autre fort accent est mis sur le travail forcé (qui concerne parfois des enfants de sept ans), les déplacements de population, l’enrôlement de force d’enfants dans l’armée, les violations des droits religieux (une cérémonie de conversions au Bouddhisme a eu lieu récemment en pays Naga au cours de laquelle 100 Nagas, traditionnellement animistes, furent contraints de se convertir à la religion majoritaire en Birmanie), et les diverses atrocités, dont le viol, commises par l’armée à l’encontre des minorités ethniques. Encore une fois, ce qui frappe le plus dans cette énonciation qui ressemble à une liste exhaustive des crimes possibles, c’est qu’on finirait presque par trouver la rengaine ennuyeuse tant on l’entend régulièrement, sans que la réalité sur le terrain ne change d’un yota. Cependant, ce rapport met également en exergue deux problèmes qui bien qu’eux aussi récurrents, connaissent une actualité particulière. D’abord, du fait de la lutte mondiale engagé contre le terrorisme, la répression que subit la minorité musulmane de l’Arakan, les Rohingyas, s’est accentuée, sans pour autant qu’aucun lien ait jamais été établi avec Al Qaeda, voire même au contraire alors que les Rohingyas semblent être oubliés même des islamistes les plus communautaristes de la planète. Ensuite, la Thaïlande est épinglée pour ne pas être toujours suffisamment claire dans la protection qu’elle accorde aux réfugiés Birmans (voire l’article du Bangkok Post). On ne peut pourtant pas dire que la situation actuelle laisse penser que la junte assouplisse ses relations avec ceux qui s’opposent à elle.
La situation humanitaire est au moins aussi grave. On sait que les taux de sida en Birmanie dépassent de loin ceux généralement constatés dans la région, et se rapprochent plus de ceux de certains pays africains (il semble cependant que la Chine et la Thaïlande tendent à partager ce triste privilège). Cette proximité avec l’Afrique se retrouve aussi dans les chiffres de la mortalité infantile, où seuls l’Irak, l’Afghanistan, le Cambodge et la Birmanie partagent le triste honneur de beaucoup de pays africains de dépasser les 120 décès d’enfants de moins de 5 ans pour mille naissances. La Birmanie fait également partie des pays où le paludisme et la malaria sont le plus répandus. Sans parler de l’explosion de la prostitution ou du nombre d’avortements. Nous publions ici un article qui, s’il est daté (2000), fait un point clair sur la pandémie de sida en Birmanie.


SIDA: la Birmanie menacée de catastrophe
Source : AFP, 16 novembre 2000

La Birmanie sera le prochain pays d'Asie à subir une épidémie dévastatrice de VIH/SIDA si la junte militaire au pouvoir continue d'ignorer l'ampleur du problème, avertissent les experts occidentaux. L'état actuel de la pandémie en Birmanie, alimentée par de l'héroïne bon marché et une prostitution en plein essor, est l'objet de polémiques virulentes entre les autorités de Rangoun et les organisations internationales. La querelle autour des chiffres est à cet égard significative. Le gouvernement s'en tient à 40.000 séropositifs depuis 1985, alors que l'ONU cite un bilan au moins dix fois plus élevé. Frank Smithuis, de Médecins Sans Frontières-Hollande, basé à Rangoun depuis plus de six ans, parle prudemment d'un "chiffre situé quelque part entre 200.000 et un million". L'ONUSIDA à Bangkok de 530.000 cas. Pour une population de 48 millions.
A titre de comparaison, l'Inde voisine compte près de 5 millions de patients, la Thaïlande 1 million, le Cambodge 170.000 (sur une population de 12 millions) et le Vietnam 100.000 (pour 80 millions). Pour le vice-ministre de la Santé, Mya Oo, les chiffres de Birmanie sont délibérément exagérés par les "éléments réactionnaires" opposés au régime, et les pays occidentaux qui les soutiennent, pour des "raisons politiques". M. Mya Oo accuse les organisations internationales d'"extrapoler" à partir de poches spécifiques, là où l'on se drogue et se prostitue le plus, le long de la frontière thaïlandaise et à Rangoun et Mandalay, les deux métropoles. Il se retranche aussi derrière les "valeurs birmanes". "Le sexe en dehors du mariage est rare ici et pour les femmes, notre valeur culturelle c'est la virginité", explique-t-il à l'AFP. Ce qui est sans doute vrai à Rangoun, dans la petite bourgeoisie, mais pas forcément ailleurs, répond le représentant de MSF.
En outre, déplore la junte, les sanctions des pays occidentaux --qui punissent les violations des droits de l'homme-- aggravent le sous-développement du pays, un des plus pauvres de la planète, même si en principe elles n'affectent pas l'aide humanitaire. La junte ne décolère pas depuis que l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a placé "injustement" la Birmanie à l'avant-dernier rang (190ème) dans son classement par pays des meilleurs soins de santé dans le monde. "On nous insulte", se fâche le vice-ministre. Au delà de la controverse, "le plus préoccupant est que les chiffres sont élevés, qu'ils augmentent, et que personne (au gouvernement) ne fait grand-chose", estime le médecin néerlandais à Rangoun. "De tous les pays d'Asie du Sud-Est, la Birmanie est celui qui agit le moins pour répondre au VIH," accuse Chris Beyrer, directeur du programme d'éducation anti-SIDA de l'institution américaine Johns Hopkins. Outre les junkies et les prostituées, les groupes les plus exposés sont les soldats et leurs compagnes, les ouvriers des mines de rubis, de saphir et de jade, dans le nord --dont on dit qu'ils se piquent avant de travailler--, les camionneurs, les marins et autres migrants. Les experts occidentaux s'accordent néanmoins à détecter un récent changement d'attitude "encourageant" des autorités à l'égard du SIDA --"quelques signes positifs". Les autorités ont ainsi mis en place 22 "sites sentinelles" dans les régions sensibles afin de surveiller la propagation de l'épidémie, qui est au troisième rang des priorités médicales du pays (derrière le paludisme et la tuberculose). "Il y a une tendance positive, mais il faut aller beaucoup plus vite", plaide M. Smithuis. "Ils (les généraux) ont conscience qu'il y a un problème mais ils ne veulent pas que le reste du monde le sache".
La dirigeante de l'opposition démocratique, Aung San Suu Kyi, a appelé elle même à ouvrir un débat public sur la montée du SIDA et, de fait, la menace grandissante et la nécessité de la combattre pourraient être l'un des rarissimes sujets de consensus en Birmanie.


Les activistes pro-démocratie, menacés d'être arrêtés et déportés.

Source : Bangkok Post, 23 décembre 2002

Les activistes pro-démocratie (birmans et des minorités ethniques) qui se réfugient en Thaïlande, sont menacés d'être arrêtés et déportés dans la Birmanie militarisée. La 9ème division de l'armée thaïlandaise a ordonné à tous les activistes pro-démocratie de Sangkhla Buri de quitter la Thaïlande en dépit du fait qu'il est probable que les activistes soient persécutés s'ils sont repoussés vers la Birmanie. Vendredi, six membres d'un groupe estudientin issue d'une des minorités ethniques ont été arrêtés et envoyés de l'autre côté de la frontière thaïlando-birmane.On aurait dit aux membres de la MAPO (Mon Youth Progressive Organization) que "la frontière serait désormais, et de façon permanente, fermée pour tous les groupes anti-SPDC". Vendredi, le Commandant de la 9ème Division dirigeait un groupe de soldats qui a transmis des ordres à différents organismes qui travaillent pour les droits de l'Homme et la démocratie en Birmanie (ABSDF/Mon Youth/MYPO/PDF) basés sur la frontière thaïlando-birmane. Les ordres sont, pour les membres de ces organismes et leurs familles, de quitter la Thaïlande sous deux jours sans quoi ils risquent d'être arrêtés et déportés. On a demandé aux activistes pro-démocratie s'ils préféraient "aller dans une prison birmane ou dans une prison thaïlandaise".
Toutes ces personnes seront persécutées par le SPDC si l'armée thaïlandaise les repousse en Birmanie. Après l'incident de Sarykhla Buri, FORUM-ASIA craind de nouvelles mesures de repression envers les activistes pro-démocratie et les groupes de minorités ethniques à Bangkok, Chiang Mai, Chiang Rai, Mae Hong Son and Tak.



Charlie Hebdo et la Birmanie (suite)

L'hebdomadaire publie cette semaine la suite de l'article de Frederic Laudet intitulé "Blanchiment de fossiles en Birmanie".

Rappel des faits:
"En fevrier 1997, le Général Khin Nyunt, chef des renseignements, ordonne le ratissage des fossiles de la formation géologique de Pondaung, célèbre pour avoir livré par le passé des restes de singes agés de 40 millions d'années".
" Khin Nyunt dévoile alors les raisons d'un tel engouement pour la paléontologie: dans un discours, il déclare qu'il posséde désormais les preuves que l'humanité et la civilisation ont leurs racines en Birmanie ! Les fossiles illustreraient meme "la grandeur de la nation" et la supériorité de la culture Birmane par "son existence depuis des temps immémoriaux".
Extraits:
" A ce jour, seul un anthropologue anglais spécialiste de la question Birmane dénonce la symbiose entre les scientifiques et le programme politique de l’une des pires dictatures. Mais alimenter une idéologie raciste, un révisionnisme paléontologique et archéologique, de même que cautionner une parodie d’Université, ne pèse apparemment pas lourd quand on aligne les publications et que les crédits affluent. Au vu des pratiques locales, tel le travail forcé (cf. Total et son gazoduc), on peut aussi s’interroger sur la motivation des civils qui ont parfois ramassé les fossiles en compagnie des soldats et des scientifiques. De même, faut-il préciser que les militaires et leur logistique tant appréciée sont en partie financés par le trafic de drogue ? "
" Et désormais, face à une communauté internationale presque unanime quand il s’agit de sanctionner la junte, les généraux en quête des respectabilité peuvent prétendre qu’il aident à déterrer les origines de l’homme pour faire oublier qu’ils en enterrent constamment les droits ".
" La complaisance universitaire n’est pas générale. En décembre 1998, l’Université Catholique de Louvain (UCL) nomme docteur honoris causa le prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi, la plus fervente opposante des généraux. Et quand, au même moment, François Cornélis, président de son conseil d’administration, est nommé vice-président de Total (déjà célèbre pour ses exploits en Birmanie), 150 chercheurs lui réclament des mesures concrètes en faveur du peuple birman. Arguant de sa méconnaissance du dossier, Cornélis joue la montre, mais les universitaires maintiennent la pression durant plus d’un an et l’accusent de complicité passive avec la junte. En février 2000, Cornélis finit donc par bouger…En démissionnant du conseil d’administration de l’UCL sous le prétexte d’activités pétrolières trop lourdes ".



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