Edito
Source :Democratic Voice of Burma, 4 janvier
2003
Nous avons publié la semaine dernière de la déclaration
d’Aung San Suu Kyi pour l’anniversaire de l’indépendance
de la Birmanie, le 4 janvier 1948. Elle y exhortait la population
à conserver son esprit d’indépendance, justement,
comme ce qu’elle avait de plus précieux. Elle y
remerciait également la jeunesse pour le soutien qu’elle
lui a apporté lors de ses récents déplacements
à l’intérieur du pays, assurant que celle-ci
lui avait donné " du courage et de l’espoir
pour l’avenir du pays ". Elle appelait enfin à
ce qu’on lui accordât (à la jeunesse, donc)
plus de considération, " afin qu’elle puisse
participer plus largement au devenir du pays ". On ne sera
pas surpris de constater qu’au même moment les militaires
au pouvoir en appelaient au " devoir de préserver
le patriotisme " des nouvelles générations,
ce qui, comme la suite du discours devait le confirmer, signifie
conserver la situation politique en l’état. En
effet, nulle mention n’a été faite d’une
éventuelle transition démocratique, ni du dialogue
entamé avec Aung San Suu Kyi, ni du prix Nobel de la
paix elle-même. On pourrait philosopher à l’infini
sur cette indépendance conquise par l’armée
dirigée par le Général Aung San, et sur
le fait qu’aussi bien les militaires au pouvoir que l’opposition
démocratique emmenée par la propre fille d’Aung
San s’en revendiquent. Mais on ne peut que voir que les
deux camps qui partagent cet héritage n’ont guère
que lui en commun. La démocratie birmane, née
du combat des trente camarades, et de leur chef, Aung San, a
connu des débuts prometteurs. De 1948 à 1962,
le pays connut un réel développement, qui devait
être stoppé net par l’arrivée au pouvoir
des militaires, suite au coup d’Etat du 2 mars 1962. La
Birmanie est aujourd’hui dans une situation catastrophique,
aussi bien sur le plan des droits Humains, que sur celui de
la situation humanitaire et écologique.
Le rapport annuel de l’ONG Human Rights Watch, publié
le mardi 14 janvier, vient de le répéter une nouvelle
fois. D’après ce rapport, la population Birmane
subit des atteintes continuelles à ses droits fondamentaux,
civils et politiques, les minorités ethniques étant
particulièrement touchées (on le voit, les dénonciations
perpétuelles de la junte ont une constance qui n’a
d’égale que la violence de la junte elle-même).
Ce rapport précise que si 300 prisonniers politiques
ont été libérés cette année,
à la suite d’Aung San Suu Kyi, plus d’un
millier d’autres restent derrière les barreaux,
que les militaires ont ignoré la demande des Nations
Unies de libérer tous les prisonniers politiques, et
que de nouvelles arrestations ont eu lieu. Un autre fort accent
est mis sur le travail forcé (qui concerne parfois des
enfants de sept ans), les déplacements de population,
l’enrôlement de force d’enfants dans l’armée,
les violations des droits religieux (une cérémonie
de conversions au Bouddhisme a eu lieu récemment en pays
Naga au cours de laquelle 100 Nagas, traditionnellement animistes,
furent contraints de se convertir à la religion majoritaire
en Birmanie), et les diverses atrocités, dont le viol,
commises par l’armée à l’encontre
des minorités ethniques. Encore une fois, ce qui frappe
le plus dans cette énonciation qui ressemble à
une liste exhaustive des crimes possibles, c’est qu’on
finirait presque par trouver la rengaine ennuyeuse tant on l’entend
régulièrement, sans que la réalité
sur le terrain ne change d’un yota. Cependant, ce rapport
met également en exergue deux problèmes qui bien
qu’eux aussi récurrents, connaissent une actualité
particulière. D’abord, du fait de la lutte mondiale
engagé contre le terrorisme, la répression que
subit la minorité musulmane de l’Arakan, les Rohingyas,
s’est accentuée, sans pour autant qu’aucun
lien ait jamais été établi avec Al Qaeda,
voire même au contraire alors que les Rohingyas semblent
être oubliés même des islamistes les plus
communautaristes de la planète. Ensuite, la Thaïlande
est épinglée pour ne pas être toujours suffisamment
claire dans la protection qu’elle accorde aux réfugiés
Birmans (voire l’article du Bangkok Post). On ne peut
pourtant pas dire que la situation actuelle laisse penser que
la junte assouplisse ses relations avec ceux qui s’opposent
à elle.
La situation humanitaire est au moins aussi grave. On sait que
les taux de sida en Birmanie dépassent de loin ceux généralement
constatés dans la région, et se rapprochent plus
de ceux de certains pays africains (il semble cependant que
la Chine et la Thaïlande tendent à partager ce triste
privilège). Cette proximité avec l’Afrique
se retrouve aussi dans les chiffres de la mortalité infantile,
où seuls l’Irak, l’Afghanistan, le Cambodge
et la Birmanie partagent le triste honneur de beaucoup de pays
africains de dépasser les 120 décès d’enfants
de moins de 5 ans pour mille naissances. La Birmanie fait également
partie des pays où le paludisme et la malaria sont le
plus répandus. Sans parler de l’explosion de la
prostitution ou du nombre d’avortements. Nous publions
ici un article qui, s’il est daté (2000), fait
un point clair sur la pandémie de sida en Birmanie.
SIDA:
la Birmanie menacée de catastrophe
Source : AFP, 16 novembre 2000
La Birmanie sera le prochain pays d'Asie à subir une
épidémie dévastatrice de VIH/SIDA si la
junte militaire au pouvoir continue d'ignorer l'ampleur du problème,
avertissent les experts occidentaux. L'état actuel de
la pandémie en Birmanie, alimentée par de l'héroïne
bon marché et une prostitution en plein essor, est l'objet
de polémiques virulentes entre les autorités de
Rangoun et les organisations internationales. La querelle autour
des chiffres est à cet égard significative. Le
gouvernement s'en tient à 40.000 séropositifs
depuis 1985, alors que l'ONU cite un bilan au moins dix fois
plus élevé. Frank Smithuis, de Médecins
Sans Frontières-Hollande, basé à Rangoun
depuis plus de six ans, parle prudemment d'un "chiffre
situé quelque part entre 200.000 et un million".
L'ONUSIDA à Bangkok de 530.000 cas. Pour une population
de 48 millions.
A titre de comparaison, l'Inde voisine compte près de
5 millions de patients, la Thaïlande 1 million, le Cambodge
170.000 (sur une population de 12 millions) et le Vietnam 100.000
(pour 80 millions). Pour le vice-ministre de la Santé,
Mya Oo, les chiffres de Birmanie sont délibérément
exagérés par les "éléments
réactionnaires" opposés au régime,
et les pays occidentaux qui les soutiennent, pour des "raisons
politiques". M. Mya Oo accuse les organisations internationales
d'"extrapoler" à partir de poches spécifiques,
là où l'on se drogue et se prostitue le plus,
le long de la frontière thaïlandaise et à
Rangoun et Mandalay, les deux métropoles. Il se retranche
aussi derrière les "valeurs birmanes". "Le
sexe en dehors du mariage est rare ici et pour les femmes, notre
valeur culturelle c'est la virginité", explique-t-il
à l'AFP. Ce qui est sans doute vrai à Rangoun,
dans la petite bourgeoisie, mais pas forcément ailleurs,
répond le représentant de MSF.
En outre, déplore la junte, les sanctions des pays occidentaux
--qui punissent les violations des droits de l'homme-- aggravent
le sous-développement du pays, un des plus pauvres de
la planète, même si en principe elles n'affectent
pas l'aide humanitaire. La junte ne décolère pas
depuis que l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS)
a placé "injustement" la Birmanie à
l'avant-dernier rang (190ème) dans son classement par
pays des meilleurs soins de santé dans le monde. "On
nous insulte", se fâche le vice-ministre. Au delà
de la controverse, "le plus préoccupant est que
les chiffres sont élevés, qu'ils augmentent, et
que personne (au gouvernement) ne fait grand-chose", estime
le médecin néerlandais à Rangoun. "De
tous les pays d'Asie du Sud-Est, la Birmanie est celui qui agit
le moins pour répondre au VIH," accuse Chris Beyrer,
directeur du programme d'éducation anti-SIDA de l'institution
américaine Johns Hopkins. Outre les junkies et les prostituées,
les groupes les plus exposés sont les soldats et leurs
compagnes, les ouvriers des mines de rubis, de saphir et de
jade, dans le nord --dont on dit qu'ils se piquent avant de
travailler--, les camionneurs, les marins et autres migrants.
Les experts occidentaux s'accordent néanmoins à
détecter un récent changement d'attitude "encourageant"
des autorités à l'égard du SIDA --"quelques
signes positifs". Les autorités ont ainsi mis en
place 22 "sites sentinelles" dans les régions
sensibles afin de surveiller la propagation de l'épidémie,
qui est au troisième rang des priorités médicales
du pays (derrière le paludisme et la tuberculose). "Il
y a une tendance positive, mais il faut aller beaucoup plus
vite", plaide M. Smithuis. "Ils (les généraux)
ont conscience qu'il y a un problème mais ils ne veulent
pas que le reste du monde le sache".
La dirigeante de l'opposition démocratique, Aung San
Suu Kyi, a appelé elle même à ouvrir un
débat public sur la montée du SIDA et, de fait,
la menace grandissante et la nécessité de la combattre
pourraient être l'un des rarissimes sujets de consensus
en Birmanie.
Les activistes pro-démocratie, menacés
d'être arrêtés et déportés.
Source : Bangkok Post, 23 décembre 2002
Les activistes pro-démocratie (birmans et des minorités
ethniques) qui se réfugient en Thaïlande, sont menacés
d'être arrêtés et déportés
dans la Birmanie militarisée. La 9ème division
de l'armée thaïlandaise a ordonné à
tous les activistes pro-démocratie de Sangkhla Buri de
quitter la Thaïlande en dépit du fait qu'il est
probable que les activistes soient persécutés
s'ils sont repoussés vers la Birmanie. Vendredi, six
membres d'un groupe estudientin issue d'une des minorités
ethniques ont été arrêtés et envoyés
de l'autre côté de la frontière thaïlando-birmane.On
aurait dit aux membres de la MAPO (Mon Youth Progressive Organization)
que "la frontière serait désormais, et de
façon permanente, fermée pour tous les groupes
anti-SPDC". Vendredi, le Commandant de la 9ème Division
dirigeait un groupe de soldats qui a transmis des ordres à
différents organismes qui travaillent pour les droits
de l'Homme et la démocratie en Birmanie (ABSDF/Mon Youth/MYPO/PDF)
basés sur la frontière thaïlando-birmane.
Les ordres sont, pour les membres de ces organismes et leurs
familles, de quitter la Thaïlande sous deux jours sans
quoi ils risquent d'être arrêtés et déportés.
On a demandé aux activistes pro-démocratie s'ils
préféraient "aller dans une prison birmane
ou dans une prison thaïlandaise".
Toutes ces personnes seront persécutées par le
SPDC si l'armée thaïlandaise les repousse en Birmanie.
Après l'incident de Sarykhla Buri, FORUM-ASIA craind
de nouvelles mesures de repression envers les activistes pro-démocratie
et les groupes de minorités ethniques à Bangkok,
Chiang Mai, Chiang Rai, Mae Hong Son and Tak.
Charlie Hebdo et la Birmanie (suite)
L'hebdomadaire
publie cette semaine la suite de l'article de Frederic Laudet
intitulé "Blanchiment de fossiles en Birmanie".
Rappel des faits:
"En fevrier 1997, le Général Khin Nyunt,
chef des renseignements, ordonne le ratissage des fossiles de
la formation géologique de Pondaung, célèbre
pour avoir livré par le passé des restes de singes
agés de 40 millions d'années".
" Khin Nyunt dévoile alors les raisons d'un tel
engouement pour la paléontologie: dans un discours, il
déclare qu'il posséde désormais les preuves
que l'humanité et la civilisation ont leurs racines en
Birmanie ! Les fossiles illustreraient meme "la grandeur
de la nation" et la supériorité de la culture
Birmane par "son existence depuis des temps immémoriaux".
Extraits:
" A ce jour, seul un anthropologue anglais spécialiste
de la question Birmane dénonce la symbiose entre les
scientifiques et le programme politique de l’une des pires
dictatures. Mais alimenter une idéologie raciste, un
révisionnisme paléontologique et archéologique,
de même que cautionner une parodie d’Université,
ne pèse apparemment pas lourd quand on aligne les publications
et que les crédits affluent. Au vu des pratiques locales,
tel le travail forcé (cf. Total et son gazoduc), on peut
aussi s’interroger sur la motivation des civils qui ont
parfois ramassé les fossiles en compagnie des soldats
et des scientifiques. De même, faut-il préciser
que les militaires et leur logistique tant appréciée
sont en partie financés par le trafic de drogue ? "
" Et désormais, face à une communauté
internationale presque unanime quand il s’agit de sanctionner
la junte, les généraux en quête des respectabilité
peuvent prétendre qu’il aident à déterrer
les origines de l’homme pour faire oublier qu’ils
en enterrent constamment les droits ".
" La complaisance universitaire n’est pas générale.
En décembre 1998, l’Université Catholique
de Louvain (UCL) nomme docteur honoris causa le prix Nobel de
la paix Aung San Suu Kyi, la plus fervente opposante des généraux.
Et quand, au même moment, François Cornélis,
président de son conseil d’administration, est
nommé vice-président de Total (déjà
célèbre pour ses exploits en Birmanie), 150 chercheurs
lui réclament des mesures concrètes en faveur
du peuple birman. Arguant de sa méconnaissance du dossier,
Cornélis joue la montre, mais les universitaires maintiennent
la pression durant plus d’un an et l’accusent de
complicité passive avec la junte. En février 2000,
Cornélis finit donc par bouger…En démissionnant
du conseil d’administration de l’UCL sous le prétexte
d’activités pétrolières trop lourdes
".
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