Birmanie>Net Hebdo n° 18
La lettre d'information hebdomadaire d'Info Birmanie


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> La Thaïlande expulse les birmans

Edito
Source :Democratic Voice of Burma, 4 janvier 2003

Comme chaque année à la même époque, l’armée birmane a lancé il y a quelques semaines son " offensive de la saison sèche " contre les quelques groupes armés qui lui résistent encore. Ceux-ci, de leur côté, ont décidé d’opposer un front uni à l’armée régulière et à son alliée Wa, c’est-à-dire les 20 000 hommes qui contrôlent la plus grande partie de la production et du trafic de drogue du triangle d’or. Mais, plus que jamais, le combat est inégal. L’armée birmane bénéficie de nouveaux armements venus de Chine et de dix avions de combat supplémentaires (des mig 29 russes). Comme à leur habitude, les militaires ont forcé les populations locales à travailler à la construction de nouvelles infrastructures (notamment un héliport dans la zone sensible du pipeline de Total) et à porter leur matériel. La Shan State Army (SSA), l’armée rebelle la plus emblématique avec la Karen National Union (KNU), a proposé à la junte de se rendre, pourvu que ses soldats soient protégés par les Nations Unies. Une proposition que la junte ne devrait pas accepter, pour ne pas nuire au trafic de drogue, intense dans la région. Mais le plus inquiétant, c’est sans doute la création de sept nouveaux bataillons sur les frontières, alors même que le Bangladesh et la Thaïlande semblent décidés à renvoyer chez eux les milliers de birmans qui ont fui leur pays (lire l’article qui suit en ce qui concerne la Thaïlande et le dossier sur la situation des deux cotés de la frontière entre le Bangladesh et la Birmanie que nous publions la semaine prochaine). Les espoirs d’amélioration de la situation politique en Birmanie nés au lendemain de la libération d’Aung San Suu Kyi se sont définitivement envolés. Au contraire, tous les éléments sont réunis pour qu’un regain de violence survienne tout au long des frontières. D’abord, comme on l’a vu, l’armée lance une nouvelle offensive contre les groupes rebelles. Ce qui signifie, outre les combats, une aggravation, si c’est encore possible, des atteintes aux droits de l’Homme dans ces régions : viols des femmes, enrôlement de force des enfants dans l’armée, enrôlement des hommes comme porteurs, et des centaines de villageois venant s’ajouter aux milliers de " déplacés de l’intérieur " (Internaly Displaced People) qui survivent comme ils peuvent dans la jungle. À ces derniers, il faudra donc ajouter aussi les clandestins refoulés, pour qui les sept nouveaux bataillons ne sont pas la dernière des menaces. En particulier, comme le rappelle le nouvel Observateur du16 janvier, pour " les paysans qui ont fui l’enrôlement forcé sur le chantier du gazoduc de TotalFinaElf et qui ont décidé de témoigner des violations des droits de l’homme dont ils ont été l’objet ". Le fait que dans le même temps la Petroleum Authority of Thailand signe quatre contrats avec la Birmanie n’a de ce point de vue rien de rassurant.
C’est dans ce contexte tendu que la junte birmane poursuit son opération séduction. Après la Chine, l’Inde, la Thaïlande, le Bangladesh, le Japon et l’Australie, c’est au tour de l’Union Européenne de recevoir un représentant officiel de la junte. Le vice-ministre des Affaires Etrangères, Khin Maung Win, a en effet été autorisé à participer à une rencontre UE-ASEAN cette semaine à Bruxelles. L’interdiction de visas à l’encontre des représentants du pouvoir militaire birman a été temporairement levée, et la fermeté vis-à-vis de l’ASEAN sur la question birmane mise de côté. Il s’agit lors de cette rencontre de se consacrer au commerce et à la lutte antiterroriste. C’est au nom de cette dernière que les militaires birmans justifient la répression aveugle dont sont victimes les Rohingya, minorité musulmane de l’Arakan. Là encore, rien de rassurant. D’autant que les Etas-Unis eux-mêmes semblent reculer dans leur dénonciation du régime birman. Il n’est pas très surprenant dans ces conditions d’apprendre que le général Soe Min ait pu déclarer devant un parterre de fonctionnaires : " le SPDC ne dialoguera jamais avec la NLD, et il n’y aura jamais de transfert de pouvoir vers la NLD dans le futur ". Il devait ensuite conseiller à son auditoire de s’abstenir d’adhérer à ce parti. La fin de sa déclaration clarifie s’il en etait besoin le problème birman : " il n’y aura pas ici de situation à l’Irakienne, où les USA cherchent à remplacer le régime, parce que la Birmanie est un ami de la Chine ".


La Thaïlande expulse les birmans
Source : AFP, 23 janvier 2003

L'armée thaïlandaise effectue depuis un mois des opérations d'arrestations et de rapatriement forcé d'immigrés illégaux et les Birmans qui avaient fui en Thaïlande la répression dans leur pays affirment avoir peur pour leur vie. L'armée a commencé le mois dernier à arrêter des dizaines de clandestins birmans --dont des militants politiques-- dans la petite ville de Sangkhlaburi, dans la province occidentale de Kanchanaburi, qui fait face à la pointe sud de la Birmanie. Un responsable de district a indiqué à l'AFP qu'une nouvelle campagne de cinq jours avait été lancée lundi afin de renvoyer chez eux des immigrés clandestins et que sept dissidents avaient été arrêtés. Selon la presse, un tribunal a jugé que ces dissidents devaient être renvoyés en Birmanie, pays tenu d'une main de fer par une junte. L'organisation de défense des droits de l'Homme Amnesty International s'est alarmée devant les risques de "détention arbitraire et mauvais traitements" qu'encourent les dissidents à leur retour.
"Nous leur avons ordonné de fermer leurs bureaux et de quitter le pays sous 48 heures", a expliqué un officier thaïlandais au sujet des Birmans expulsés le mois dernier. "C'étaient des militants (pro-démocratiques), mais c'est la politique du gouvernement, nous devons renvoyer tous les immigrants illégaux ou toute personne n'ayant ni papiers d'identité, ni permis de travail", a poursuivi l'officier sous couvert d'anonymat, "même s'ils ne posent pas de problèmes". Peu après ces expulsions, un porte-parole de l'armée a expliqué que la Thaïlande ne pouvait plus tolérer que des groupes étrangers utilisent son sol pour des activités hostiles à un Etat voisin. Il s'agit d'appliquer les lois de l'immigration et non pas de faire plaisir à la Birmanie, a-t-il assuré, rejetant les critiques selon lesquelles ces opérations sont destinées à amadouer Rangoun, avec lesquelles les relations ont connu une longue crise l'an dernier après des accrochages frontaliers. Les observateurs notent aussi que le Premier ministre Thaksin Shinawatra doit se rendre début février en visite officielle en Birmanie, voisin traditionnellement ombrageux. Si l'armée n'a pas donné d'indications sur le nombre de personnes rapatriées de force, selon Kyaw Kyaw Htet, président du groupe dissident Front du peuple démocratique, environ 60 militants sur les 100 vivant à Sangkhlaburi ont été renvoyés en Birmanie. Des dizaines de membres des minorités birmanes mon et karen qui séjournaient clandestinement en Thaïlande à la recherche d'un emploi ont aussi été expulsés. Les campagnes de "ramassage" de clandestins ne sont pas inédites en Thaïlande, mais jusqu'à présent les interventions des organisations de défense des droits de l'Homme évitaient généralement aux Birmans arrêtés un rapatriement forcé. "On a perdu le sommeil la dernière semaine de décembre, explique Min Zaw, un militant pro-démocratie, qui a quitté la zone de la frontière. "Je suis sûr que nous risquons la mort ou des décennies en prison si la Thaïlande nous rapatrie". Beaucoup de ces Birmans vivent en Thaïlande depuis des années, certains même depuis 1988, année de la sanglante répression de manifestations pro-démocratiques par l'armée à Rangoun. "Nous ne nous sommes jamais cachés en Thaïlande. Les autorités locales ont depuis des années des photographies de nous et des renseignements personnels", dit Kyaw Kyaw Htet. Une dizaine de bureaux d'où les militants poursuivent leur campagne contre les généraux de Rangoun ont été fermés et le matériel et les documents qu'ils contenaient confisqués, ajoute-t-il. Les dissidents qui restent à Sangkhlaburi et autres localités frontalières
sont inquiets. "Nous avons décidé d'adopter un profil bas et d'appeler la communauté internationale et les groupes de défense des droits de l'Homme à se pencher sur notre situation", dit Aung Moe Zaw, secrétaire général du Conseil National de l'Union de la Birmanie (NCUB).




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