Birmanie>Net Hebdo n° 19
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> Situation sur la frontière entre la Birmanie et le Bangladesh

Après l'article de la semaine dernière sur le sort des réfugiés Birmans en Thailande, nous publions cette semaine et la semaine prochaine un point sur la situation à l'ouest du pays. Nous remercions l'ONG Forum Asia qui a bien voulu mettre ce texte à notre disposition.

Situation sur la frontière entre la Birmanie et le Bangladesh
Forum Asia, Bangkok, 11 décembre 2002

1) A l'intérieur de la Birmanie - Etat Arakan

Depuis un an, la situation a continué à se dégrader en Arakan. Les conséquences des attentats du 11 septembre 2001 et de la campagne anti-terroriste engagée au niveau mondial ont été très lourdes pour les communautés musulmane de Birmanie, et sur la minorité Rohingya du Nord de l'Arakan en particulier. Le premier août 2002, le SPDC signait la déclaration commune Etats-Unis/ASEAN de coopération dans la lutte internationale contre le terrorisme. Le nettoyage ethnique que subit la minorité Rohingya semble avoir récemment été consacré comme étant une "lutte contre le terrorisme".
De nouvelles politiques sont mises sur pied par le régime militaire pour consolider la frontière avec le Bangladesh, officiellement pour protéger le pays d'une éventuelle infiltration de militants islamistes et pour contrôler les activités et les mouvements de Rohingya en Arakan. Les premières conséquences directes de cette politique ont été le renforcement des forces armées dans la région et la construction de nouveaux "villages modèles". Dans les deux cas, le travail forcé a augmenté, et les confiscations de terres se sont accélérées.

Renforcement militaire et expansion


La présence des camps déjà existant de l'armée et de la NaSaKa (la police aux frontières) est devenue, du fait du comportement des soldats eux-mêmes, une véritable plaie pour les villageois. De plus la dernière mode semble être à l'établissement de nouvelles bases de ces deux corps, pour lesquelles les villageois doivent non seulement fournir du travail, mais aussi des matériaux de construction, alors même que la saison sèche est en cours, et qu'ils sont occupés par les travaux des champs. Les femmes elles aussi sont réquisitionnées, ce qui est inhabituel dans la communauté Rohingya.

Mise en place de la politique des "Villages Modèles"


La conséquence visible de la visite du Général Khin Nyunt dans le nord de l'Arakan à la fin de l'année dernière a été la création de nouveaux "Villages modèles" pour déplacer des bouddhistes et les installer dans les zones musulmanes. Le but de ces déplacements de population est visiblement de mieux contrôler la zone frontalière. Cette politique n'est pas nouvelle - il y a déjà 26 villages de ce type dans la partie musulmane de l'Arakan, composés d'à peu prés 100 maisons chacun - mais les installations avaient diminué depuis quelques années. Depuis mai 2002, la " colonisation " à repris, et des témoignages citant des lieux de construction nous parviennent régulièrement.
A ce jour, nous avons réuni des preuves importantes que deux villages de 50 maisons chacun ont été construits pendant l'été 2002, en faisant appel à un travail forcé intensif des Rohingya locaux. L'un de ces villages a été construit pour réhabiliter plus de 220 membres (et leurs familles) d'une faction rebelle, l'Arakan Army, ayant signé un cessez-le-feu avec la junte en avril 2002. L'autre, tout proche de la frontière avec le Bangladesh, a été lui aussi construit par des travailleurs forcés, et des familles y ont été installées. Parmi elles, 13 familles de Birmans déplacés de la plaine centrale, et, apparemment, des Kachin issus d'un autre groupe ayant signé un cessez-le-feu, peut-être pour les utiliser comme force paramilitaire de surveillance de la frontière. En plus du travail forcé, la construction de ces villages à entraîné la confiscation des terres et a exacerbé les tensions entre les communautés.Racket
Des villageois se sont également plaints d'une augmentation significative du racket et des taxes illégales. La tactique consistant à arrêter des gens pour des fais mineurs tels que la présence, de nuit, dans la rue, et de leurs demander ensuite de l'argent pour les libérer semble être devenue une pratique courante.

Atteintes à la liberté de circulation


Les atteintes graves à la liberté de circulation sont resté le lot quotidien des Rohingya depuis février 2001. Ils ne peuvent par exemple toujours pas obtenir de visas pour se rendre à Sittwe, la principale ville de l'Arakan.

Expropriations


Le nouveau commandant de zone du nord de l'Arakan, en poste depuis le mois d'avril a mis en place une politique foncière très stricte, menant notamment à un certain nombre d'expropriations. A cause de l'augmentation de la population, certaines familles se sont installées sur des terres répertoriées comme rizières il y a plusieurs dizaines d'années. Elles ont été récemment reçus des avis d'expulsion et été forcées de détruire leur maison. De la même façon, certaines fermes ont été détruites, car construites sur des zones répertoriées pour d'autres usages.

Crise économique


La Birmanie a fait face à un important manque de riz pendant l'automne, particulièrement dans le nord de l'Arakan. Cette région, déjà touchée par une pénurie alimentaire, souffre d'autant plus que les importations en provenance du reste du pays y sont interdites. Le prix du riz a explosé ces derniers mois, mettant des familles vulnérables dans une situation difficile, et augmentant encore le flux de migrants vers le Bangladesh.

Ailleurs en Arakan


Le travail forcé a également augmenté dans les autres régions de l'Arakan. Il concerne des villageois Arakanais bouddhistes. Les habitants des villages longeant la route Sittwe-Rangoun ont été particulièrement sollicités pour la réparer, et pour construire des écoles. De leur coté, les habitants de Sittwe ont été forcés à construire des trottoirs et à creuser des fossés devant leurs maisons.

2) Sur la frontière

A l'heure actuelle, 21 500 réfugiés Birmans se partagent entre deux camps au Bangladesh. Les nouveaux arrivants se sont vu refuser l'entrée du camp depuis 1995 et on estime entre 100 000 et 200 000 le nombre de réfugiés Rohingya vivants en dehors des camps. Comme en Birmanie, la situation s'est dégradée au Bangladesh depuis septembre. Le Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies a annoncé un plan visant à réactiver le retour des réfugiés et se retirer à partir de juin 2003, alors même que le nouveau gouvernement du Bangladesh, qui souhaite pourtant améliorer les relations de son pays avec la junte brmane, a également déclaré son intention de renvoyer les Rohingya chez eux. Le SPDC semble prêt à les recevoir.

Rapatriement forcé


Un total de 253 personnes ont été rapatriées en Birmanie en octobre, alors qu'elles avaient été 324 entre janvier et septembre. Dans le même temps, des manœuvres de rapatriement de force ont été signalées dans les camps. Le Bangladesh met une forte pression sur les Birmans pour qu'ils repartent. On ne permet plus aux réfugiés de cultiver un petit jardin autour de leur maisons, les marchés qui s'etaient ouverts ont du fermer, et les réfugiés se plaignent d'être mis en prison quand ils refusent de rentrer chez eux. Et dans ce cas, ils ne sont libérés que s'ils acceptent le rapatriement. Des réfugiés ont été littéralement mis de force dans des camions qui les ont reconduit à la frontière. Un certain nombre d'hommes ont fui, et leurs femmes ont du repartir seules avec leurs enfants. Certains ont même du laisser derrière eux des membres de leur famille trop malades pour partir. Les gens ont peur d'être vu en train de parler aux membres du HCR. Il y a des plaintes disant que l'équipe locale du HCR elle même met la pression sur les réfugiés pour qu'ils repartent. Les officiels arrivent à la dernière minute quand on renvoie des réfugiés par bateau. Quand ils demandent à ces derniers s'ils sont d'accord pour partir, il est trop tard pour dire non. On ne sait toujours pas ce qu'il advient des réfugiés une fois du coté birman. Mais les dernières informations semblent montrer que beaucoup ne sont pas acceptés, et sont renvoyés. D'autres sont déjà revenus au Bangladesh, et ont même réintégré les camps. Ils auront simplement perdu leurs maisons.

Un exode beaucoup plus important en dehors des camps


Pendant la saison des pluies, le flux de réfugiés a augmenté considérablement. Des sources officielles reconnaissent que 4 000 nouveaux arrivants se sont installés dans la seule ville de Teknaf. Nos enquêteurs ont visité plusieurs points de passages à la frontière et ont confirmé l'accélération de l'exode, du à l'explosion du prix du riz combiné au travail forcé et au sous emploi qui a mené tant de famille à la famine. Certains se sont installé prés de Teknaf, d'autres se sont installé illégalement dans les camps et il apparaît que nombreux sont ceux qui sont allé au nord de Cox'Bazar, là où la répression se fait moins sentir.

Evacuation à Teknaf


Le 9 novembre, la police locale a évacué les clandestins (des Rohingya) de Teknaf et arrêté les propriétaires qui leur louaient des terres. Des centaines de Rohingya furent expulsés de leurs maisons et ont été vus sur la route avec le peu qu'ils possèdent. Entre 3 000 et 4 000 d'entre eux se sont réunis dans un champs et y campent depuis lors. Il y a parmi eux beaucoup d'enfants, mal nourris, et qui vivent sous des abris de fortune faits de toiles en plastique partagées par deux ou trois familles. Les conditions de survie dans ce camp sont effroyables. Les autorités ont installé des toilettes portables, mais la diarrhée fait déjà des dégâts. L'aide proposée par les ONG n'a pas été acceptée pour l'instant. Les autorités locales ont fait savoir que l'on expulserait bientôt tous ces réfugiés vers la Birmanie, alors même qu'il est évident qu'ils n'y seront pas acceptés.



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