Résolution
du parlement Européen sur la Birmanie
Le Parlement européen,
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vu ses résolutions antérieures sur la Birmanie,
notamment celle du 11 avril 2002,
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vu la position commune 96/635/PESC du Conseil relative à
la Birmanie/au Myanmar du 28 octobre 1996 et la position commune
2002/831/PESC du 21 octobre 2002 la prorogeant, ainsi que la
déclaration 6474/03 du 18 février 2003,
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vu le règlement (CE) n° 552/97 du Conseil du 24 mars
1997 retirant temporairement au Myanmar le bénéfice
du système des préférences tarifaires généralisées
de l'Union,
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vu le règlement (CE) n° 1081/2000 du Conseil du 22
mai 2000 concernant l'interdiction de la vente, de la fourniture
et de l'exportation à la Birmanie/au Myanmar de materiel
susceptible d'être utilisé à des fins de
répression interne ou de terrorisme, et le gel des fonds
appartenant à certaines personnes ayant un lien avec
d'importantes functions gouvernementales dans ce pays,
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vu le rapport établi par la troïka de l'UE à
la suite de sa visite en Birmanie du 8 au 10 septembre 2002,
A. considérant
que l'assignation à domicile de Aung San Suu Kyi, qui
est entrée en pourparlers avec le Conseil national pour
la paix et le développement (SPDC) au pouvoir en octobre
2000 pour résoudre les problèmes politiques du
pays, a été levée en mai 2002 mais qu'elle
est l'objet de harcèlement et d'intimidations croissantes
de la part des autorités birmanes, de même que
ceux qui souhaitent la voir ou l'écouter,
B. considérant
que plus de 1 200 prisonniers politiques demeurent détenus
dans diverses prisons de Birmanie, qu'ils sont en butte à
diverses formes de mauvais traitements et de tortures et que
l'accès à une nourriture suffisante et à
des soins de santé leur est dénié,
C. considérant
que les récentes arrestations effectuées dans
le pays avaient clairement un motif politique, notamment celles
du Secrétaire général de la Ligue des nationalités
shan pour la démocratie et de plusieurs membres de la
Ligue nationale pour la démocratie (NLD), le parti d'Aung
San Suu Kyi,
D. considérant
qu'en novembre 2002, l'Assemblée générale
des Nations unies a demandé instamment au SPDC de veiller
à ce que les contacts pris avec Aung San Suu Kyi et d'autres
dirigeants de la Ligue nationale pour la démocratie se
transforment sans délai en un dialogue substantiel et
structuré visant à la démocratisation et
la réconciliation nationale, et a déploré
la poursuite des violations des droits de l'homme, notamment
à l'endroit des personnes appartenant à des minorités
ethniques et religieuses et des femmes en Birmanie, ainsi que
le refus de la liberté de religion,
E. considérant
que l'Organisation internationale du travail (OIT) a pu ouvrir
un bureau de liaison à Rangoon en octobre 2002,
F. considérant que rien ne s'est passé depuis
que l'envoyé spécial des Nations unies, Tan Sri
Razali Ismail, a été informé par le SPDC
en juillet 2002 que des pourparlers débuteraient bientôt
avec Aung San Suu Kyi,
G. considérant que l'armée birmane se livre encore
à de graves violations des droits de l'homme à
l'encontre des populations civiles de nationalité ethnique,
telles que les peoples arakan, chin, kachin, karen, karenni,
shan et môn, de tels abus prenant la forme de passages
à tabac, de viols, de destruction des denrées
alimentaires, de réinstallation forcée, de travail
forcé, de torture, d'exécutions sommaires extrajudiciaires
et de disparitions,
H. considérant
que les dirigeants des nationalités ethniques ont à
nouveau propose conjointement en septembre 2002, à Copenhague,
de conclure un cessez-le-feu dans tout le pays et de négocier
un règlement politique pacifique avec la NLD et le SPDC
sur la base d'un "dialogue tripartite" fondé
sur les principes de l'accord de Panglong de 1947, à
savoir l'égalité, la participation volontaire
et la démocratie,
I.
considérant que le 28 janvier 2003, l'UE a invité
le vice-ministre des affaires étrangères du SPDC,
Khin Maung Win, à assister à la réunion
des ministres UE-ANASE à Bruxelles,
J. considérant
que, le 11 février 2003, le Premier ministre thaïlandais,
Thaksin Shinawatra, a annoncé au retour d'une visite
à Rangoon que le général en chef, Than
Shwe, avait accepté l'offre de la Thaïlande de tenter
de persuader les nationalités ethniques en lutte contre
Rangoon de s'asseoir à la table des négociations,
K. considérant
que le 18 février 2003, la présidence de l'UE
a déclaré que la répression, les arrestations
politiques et les détentions s'étaient accrues
en Birmanie, en dépit de la presence de l'OIT, des tentatives
de l'envoyé spécial des Nations unies en vue de
faciliter le dialogue et de la visite d'Amnesty International,
L. considérant
que la Birmanie est actuellement confrontée à
une crise bancaire provoquée par des pratiques obscures
et un capitalisme teinté de népotisme, et que
les investissements européens en Birmanie sont importants,
notamment dans les secteurs pétrolier et gazier,
M. considérant que
la majorité des investissements étrangers récents
en Birmanie empruntent le canal de sociétés soutenues
par les militaires et que la Fédération internationale
des syndicats des travailleurs de la chimie, de l'énergie
et des mines a demandé aux sociétés d'extraction
pétrolière et gazière de suspendre leurs
investissements en Birmanie tant que perdurera le recours au
travail forcé,
N. considérant
que la Confédération internationale des syndicats
libres (CISL) a demandé l'imposition de sanctions économiques
à la Birmanie et a fait paraître une liste de sociétés
investissant en Birmanie,
O. considérant
que le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés,
chargé de la protection et du soutien des réfugiés
musulmans rohingya au Bangladesh, a décidé de
cesser progressivement ses activités dans ce pays à
compter de juin 2003 et, finalement, d'y fermer son bureau,
P. rappelant
à nouveau qu'il condamne le non-respect des résultats
des élections de mai 1990 ainsi que le maintien de l'autorité
militaire, et déplorant que la commission représentant
le parlement populaire, créée en 1998 pour représenter
le parlement élu en 1990, n'ait toujours pas été
autorisée à se réunir,
1. demande
instamment au SPDC de relancer le processus de dialogue avec
Aung San Suu Kyi, en vue de résoudre les nombreux problèmes
cruciaux auxquels la Birmanie est actuellement confrontée,
notamment la crise bancaire;
2. demande
au SPDC de montrer son engagement envers l'instauration du dialogue
politique en mettant un terme au harcèlement et aux intimidations
que l'Association pour l'union, la solidarité et le développement
fait subir à Aung San Suu Kyi, à ceux qui souhaitent
la voir ou l'écouter et au mouvement démocratique
birman en général;
3. exhorte
le SPDC à faire preuve, de manière convaincante,
de son intention d'aboutir à une réconciliation
nationale en soutenant pleinement les efforts de médiation
entre le SPDC et les nationalités ethniques consentis
par le Premier ministre thaïlandais, Thaksin Shinawatra;
4. encourage
le gouvernement royal thaïlandais à faciliter les
négociations en permettant aux dirigeants des nationalités
ethniques de se réunir en Thaïlande pour débattre
de leur avenir et élaborer une réponse à
l'offre de médiation faite par le Premier ministre thaïlandais;
5. prie
instamment le SPDC de réagir notamment à la proposition
de cessez-le-feu national et de négociation d'un règlement
politique de la part des chefs des nationalités ethniques,
sur la base des principes de l'accord de Panglong de 1947;
6. prie
instamment le SPDC de libérer sans délai et sans
condition Sai Nyunt Lwin, secrétaire général
de la Ligue des nationalités shan pour la démocratie,
qui a été arrêté le 6 février
2003, et de mettre un terme aux restrictions imposées
à la liberté de mouvement et d'association d'autres
dirigeants politiques de nationalité birmane ou ethnique;
7. enjoint
le gouvernement militaire de libérer tous les prisonniers
politiques encore incarcérés sans condition préalable,
à commencer par ceux qui ont déjà purgé
leur peine;
8. exhorte
le SPDC à améliorer les conditions dramatiques
qui règnent dans les prisons et les camps de travail,
et à veiller à ce que les prisonniers bénéficient
d'une alimentation suffisante et de l'accès aux soins
de santé;
9. souligne
la nécessité d'appliquer scrupuleusement la loi
d'octobre 2000 interdisant le recours au travail forcé
et de faire en sorte que cette pratique générale
soit réellement abandonnée, et prie instamment
le SPDC d'autoriser l'OIT à accéder sans limite
aux régions du pays où l'on rapporte que le travail
forcé est pratiqué;
10. prie instamment le SPDC de
mettre un terme à l'utilisation systématique du
viol comme moyen de répression à l'encontre des
femmes des minorités ethniques; demande à la Commission
de soumettre ces cas aux Nations unies et de demander l'ouverture
d'une enquête menée par des experts internationaux
indépendants;
11. demande à la Commission
de veiller à ce qu'un soutien à la délivrance
de l'aide humanitaire aux régions qui en ont le plus
besoin soit accordé sans immixtion politique des militaires,
et que des ONG internationales y participent;
12. prie instamment le SPDC de
mettre un terme immédiat à toutes les violations
des droits de l'homme perpétrées par l'armée
birmane, les services de renseignement militaires, la police
et les autres forces de sécurité, notamment la
pratique généralisée de la torture, les
réinstallations forcées, le travail forcé,
ainsi que les exécutions sommaires et extrajudiciaires,
et l'exhorte à traduire leurs auteurs en justice;
13. souligne que le régime
militaire de Rangoon doit comprendre que l'UE ne considère
pas des concessions minimales comme un signe de changement réel
et insiste pour que la position commune de l'UE soit renforcée
en avril 2003, en lui adjoignant une interdiction des investissements
étrangers et d'autres mesures;
14. invite la Commission à
saisir l'Organisation mondiale du commerce du problème
du recours généralisé et permanent au travail
forcé en Birmanie, cette organisation s'étant
engagée dans sa déclaration ministérielle
de Singapour, en décembre 1996, en ces termes: "Nous
renouvelons notre attachement au respect des normes de travail
fondamentales, internationalement reconnues. L'Organisation
internationale du travail a toute competence pour élaborer
et arrêter ces normes.";
15. invite la Commission à
faire en sorte qu'il n'y ait pas de rapatriement forcé
des musulmans rohingya en Birmanie et à presser le SPDC
de mettre immédiatement un terme à toutes les
violations des droits de l'homme perpétrées dans
l'État de Rakhine;
16. charge son Président
de transmettre la présente résolution au Conseil,
à la Commission, aux États membres de l'ANASE,
aux gouvernements de la République de l'Inde, de la République
populaire de Chine et du Japon, à la NLD et à
Aung San Suu Kyi, au SPDC, aux dirigeants des nationalités
ethniques de Birmanie et au Secrétaire général
des Nations unies.
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