Birmanie>Net Hebdo n° 26
La lettre d'information hebdomadaire d'Info Birmanie


Sommaire


Birmanie, la peur est une habitude

Le 14 avril a paru le livre “Birmanie, la peur est une habitude”, du nom du projet commun à Info Birmanie et Khiasma, une association dont le but est de faire passer des messages politiques via des évènements culturels. Ce livre, dont la parution ouvre un nouveau cycle de rencontres autour de la crise birmane, regroupe textes, témoignages et bandes dessinées d’auteurs. Le lancement du livre se déroulera à la Maroquinerie le 19 Avril prochain. La veille, c’est la librairie Super Héros qui le mettra à l’honneur avec une rencontre dédicace. 
Vous pouvez vous procurer ce livre auprés d'Info Birmanie, au prix de 19 euro
Vendredi 18 Avril Dédicace Rencontre
le vendredi 18 avril 2003 de 17H à 20H00 à la librairie Super Héros 175 rue St Martin 75003  Paris (M° Rambuteau). Retrouvez Sylvain Victor, Sera et Olivier Bramanti, trois des auteurs de bande dessinée du livre autour d’une dédicace. L’occasion d’échanger avec eux sur les motivations de leur engagement sur ce projet et la construction de leur récit.
 
 Samedi 19 Avril Lecture-débat
      
Le travail forcé : un outil du développement économique de la dictature ?
le samedi 19 avril 2003 de 15h30 à 18h à la Maroquinerie, 23 rue Boyer 75020 Paris M° Gambetta (sortie Martin Nadaud) En Birmanie, le recours au travail forcé par la junte au pouvoir est généralisé, couvrant divers domaines d’activité de la réalisation de travaux agricoles ou forestiers à l’édification de l’infrastructure touristique. Une pratique que les autorités militaires du pays n’hésitent cependant pas à présenter comme une particularité culturelle : "C’est une coutume bouddhiste (...) Si j’avais une maison et qu’elle ait besoin de réparations, tout le voisinage viendrait m’aider sans attendre de rémunération".
 Intervenants :
Max Kern, juriste, ancien responsable de la commission d’enquête “travail forcé” à l’O.I.T.
Dora Valayer, de l’association Transverses, qui travaille sur le tourisme responsable
Mael Raynaud, d’Info Birmanie
 Frédéric Debomy, scénariste, coordinateur du projet “Birmanie, la peur est une habitude”
Le débat sera précédé d’une lecture d’extraits du livre par Nelly Costecalde, comédienne et membre d’Amnesty International.
Retrouvez le projet “Birmanie, la peur est une habitude” sur www.birmanie.org
 Journal de Bord n°5 Spécial Birmanie, journal gratuit de Khiasma (Disponible sur simple demande)


Aung San Suu Kyi et la junte ne se parlent pas

Près d'un an après la libération d'Aung San Suu Kyi, les espoirs de voir la dissidente et la junte entamer un dialogue politique en vue d'une démocratisation en Birmanie ont été douchés: l'opposante et les généraux ne se parlent pas.
6 mai 2002: le prix Nobel de la paix, femme frêle de 56 ans qui incarne tous les espoirs de liberté du peuple, voit lever son assignation à résidence et retrouve les Birmans dans la liesse, devant les journalistes de la presse internationale. Depuis ce geste symbolique salué dans toutes les grandes capitales, Aung San Suu Kyi n'a toujours pas pu ouvrir le dialogue politique qu'elle imaginait alors commencer "dans quelques semaines".
Des discussions secrètes "d'instauration de la confiance" ouvertes fin 2000 entre les militaires et leur ancienne bête noire grâce à l'émissaire onusien Razali Ismail étaient censées avoir préparé le terrain. "Il n'y a pas eu de contact substantiel depuis sa libération", indique un
diplomate occidental à Rangoun, "le processus a calé, les généraux sont totalement retranchés". "Il est possible que rien ne se passe pendant des
mois, voire des années". "Il y a une sorte de vide dans leurs relations, c'est clairement l'impasse", confirme un diplomate asiatique.
L'explication de l'enlisement est à trouver du côté du numéro un du régime. Le généralissime "Than Shwe est un gros obstacle" au dialogue, explique un autre diplomate, il "n'est pas prêt à avancer, c'est de plus en plus clair". "Les choses ont viré en août quand (le Premier ministre malaisien) Mahathir est venu. Depuis, tout s'est asséché". La junte avait refusé à Mahathir Mohamad, pourtant l'un de ses rares alliés, une rencontre avec Mme Suu Kyi. "Than Shwe a compris que si on pouvait faire ça à Mahathir, alors...", dit un analyste, selon lequel M. Mahathir a dit à M. Razali après sa dernière visite qu'il "doutait de la sincérité de la junte". Depuis mai 2002, la junte s'est contentée de laisser Mme Suu Kyi librement sillonner le pays pour reconstruire son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (NLD) -- tout en harcelant ses militants récemment. Elle a aussi libéré, à un rythme ralenti, des prisonniers politiques. Tout en procédant à de nouvelles arrestations.  En ce moment, la junte, qui "a toujours joué la montre", n'est pas mécontente de voir la guerre en Irak monopoliser l'attention de la communauté internationale. M. Razali, qui a déjà effectué neuf missions en Birmanie, a tenté de revenir à Rangoun quatre fois depuis le début de l'année pour s'entendre répondre que ses hôtes "étaient occupés". Occupée, la junte l'était, par une offensive de charme diplomatique auprès de ses voisins avec des échanges de visite de haut niveau: Chine, Vietnam, Bangladesh ou Thaïlande. Une manière de dire, selon cet analyste: "On n'est pas des pestiférés, on peut oublier l'Occident". Aung San Suu Kyi, de son côté, a assoupli sa position notamment sur l'aide étrangère, après avoir constaté la misère de beaucoup de Birmans lors de ses tournées en province. Et elle a encore récemment tendu la main aux militaires en insistant sur le rôle que conserverait l'armée dans une Birmanie démocratique. "Elle a fait des ouvertures. la NLD a fait plus de la moitié du chemin", estime un diplomate occidental. Mais "le choix de la non-violence fait qu'elle ne peut pas appeler à la révolte", ajoute l'analyste pour qui elle "a une marge de manoeuvre limitée".
Certains experts estiment que la junte pourrait tenter de marginaliser Mme Suu Kyi au fil des mois en faisant des ouvertures vers les minorités
ethniques --partenaires incontournables de toute évolution vers une démocratie. "La situation est bien bloquée", estime en conclusion un autre diplomate, "tout ce qui a été fait depuis 10 ou 15 ans, les sanctions, les pressions, ne donne rien ou pas grand chose". Pas plus que la politique "d'engagement constructif" prônée par les partenaires de Rangoun dans l'Association des nations d'Asie du Sud-Est (ASEAN).


Le généralisme Than Shwe, seul à la barre de la Birmanie

Derrière la glaciation politique et le marasme économique qui affligent la Birmanie, diplomates et experts en poste à Rangoun devinent la silhouette d'un homme, un seul: le généralissime Than Shwe, numéro un du régime militaire. Le pays est officiellement dirigé par un triumvirat composé de Than Shwe, président du Conseil d'Etat pour la paix et le développement (SPDC - gouvernement), du général Maung Aye, vice-président du SPDC et numéro deux des forces armées, et du général Khin Nyunt, premier secrétaire du SPDC et chef des renseignements militaires. Mais dans le monde totalement opaque qu'est la politique birmane, les analystes décèlent de plus en plus de preuves que Than Shwe est bien l'homme des décisions ultimes et, au final, le seul à la barre de la Birmanie. Il avait été donné partant par la rumeur en raison de son âge --70 ans-- et surtout de ses problèmes de santé. Mais "Than Shwe a tout pris en main", estime un analyste en poste à Rangoun pour qui le refus de l'ouverture d'un dialogue avec l'opposante Aung San Suu Kyi porte indéniablement sa marque. D'autres experts évoquent aussi la politique désastreuse d'autosuffisance économique, le choix d'une diplomatie limitée aux voisins asiatiques et franchement pro-chinoise, ou même la stupéfiante liquidation de l'héritage de Ne Win. L'ancien dictateur, auquel Than Shwe doit son ascension, est mort en décembre dans l'humiliation de la résidence surveillée tandis que son gendre et ses trois petits-fils croupissent en prison pour tentative de renversement du
régime. Contrairement au général Khin Nyunt, qui fait l'interface avec les interlocuteurs étrangers, Than Shwe, dépourvu de tout charisme, reste dans l'ombre. Il apparaît seulement pour les occasions officielles comme la Journée des forces armées, en mars, où il prononce un discours convenu sur les risques de "chaos et d'instabilité" qui traduit son obsession sécuritaire. "Quand George Bush manque d'avaler un bretzel, la terre entière est au courant, Than Shwe, les gens ne savent même pas combien il a d'enfants!", remarque un homme d'affaires. Mais il ne faut pas s'y méprendre. "On sait bien qu'il n'y a que Than Shwe qui compte", déclare-t-il. Pour un diplomate occidental, Than Shwe est bien "le chef de la Nation" et "il se rend inaccessible, à la manière d'un roi". The Irrawaddy, magazine de la dissidence birmane en exil, faisait la couverture
de son dernier numéro avec un dessin du généralissime habillé de vêtements traditionnels et installé dans un trône avec ce titre: "Le règne de Than Shwe". Le généralissime détient les postes les plus élevés du régime: Premier ministre et commandant en chef de la Tatmadaw, l'une des plus grosses armées d'Asie. Il est aussi ministre de la Défense. Sur le plan politique, Than Shwe est considéré par tous les experts interrogés comme "le gros obstacle" au démarrage d'un dialogue politique avec Aung San Suu Kyi, dont il avait pourtant ordonné la levée de l'assignation à résidence en mai 2002. "Il a peut-être compris qu'elle était plus populaire que lui", explique un diplomate au sujet des tournées en province lors desquelles la dissidente attire des foules de sympathisants. Than Shwe, dit-on, déteste Suu Kyi. "Elle est la seule personne qui peut lui
contester le pouvoir", explique un expert. Sur le plan économique, le généralissime passe pour être peu éclairé. "Than  Shwe aime ce qu'il entend, c'est-à-dire des statistiques fausses et des projections de croissance irréalistes", affirme l'Irrawaddy. Than Shwe ne disposerait pas des éléments pour apprécier la gravité de la crise bancaire qui secoue la Birmanie. "On pense que les généraux haut placés savent très bien ce qui se passe", dit un homme d'affaires occidental, "mais qu'ils sont réticents à faire remonter les informations jusqu'au généralissime: il n'aime pas les mauvaises nouvelles".

 

Prolongation des sanctions de l’UE contre la Birmanie

Les ministres des Affaires étrangères des Quinze ont décidé lundi 14 avril à Luxembourg de prolonger d’un an les sanctions de l'Union européenne contre la Birmanie qui devraient de surcroît être renforcées dans les six mois à venir, selon les conclusions de leur réunion. Les sanctions européennes contre la Birmanie venaient théoriquement à expiration le 29 avril. Outre un embargo sur les armes, elles impliquent notamment l'interdiction de séjour et le gel des fonds dans tous les pays de l'UE de plusieurs dizaines de membres ou proches du régime. Leur renforcement passera par l'allongement de la liste des responsables birmans interdits d'entrée et dont les avoirs seront gelés dans l'UE et un
durcissement de l'embargo sur les armes. Ce renforcement entrera en vigueur au plus tard le 29 octobre 2003. Au moment de le mettre en œuvre, les Européens examineront aussi la possibilité de "mesures économiques ciblées" contre la Birmanie, selon les conclusions des ministres. Entre-temps, une mission ministérielle de l'UE devrait se rendre à Rangoun pour faire passer le message.
Les chefs de la diplomatie des Quinze ont de nouveau égrené lundi la longue liste de leurs griefs en matière de droits de l'homme à l'égard du régime de Rangoun. "Le Conseil ne peut trouver de raison crédible pour justifier l'absence de volonté politique des autorités birmanes à s'entendre sur un calendrier définitif pour le retour à la démocratie", ont-ils souligné.



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