Birmanie,
la peur est une habitude
Le 14 avril a paru le livre “Birmanie, la peur est une
habitude”, du nom du projet commun à Info Birmanie
et Khiasma, une association dont le but est de faire passer
des messages politiques via des évènements culturels.
Ce livre, dont la parution ouvre un nouveau cycle de rencontres
autour de la crise birmane, regroupe textes, témoignages
et bandes dessinées d’auteurs. Le lancement du
livre se déroulera à la Maroquinerie le 19 Avril
prochain. La veille, c’est la librairie Super Héros
qui le mettra à l’honneur avec une rencontre dédicace.
Vous pouvez vous procurer ce livre auprés d'Info Birmanie,
au prix de 19 euro
Vendredi 18 Avril Dédicace Rencontre
le vendredi 18 avril 2003 de 17H à 20H00 à la
librairie Super Héros 175 rue St Martin 75003 Paris
(M° Rambuteau). Retrouvez Sylvain Victor, Sera et Olivier
Bramanti, trois des auteurs de bande dessinée du livre
autour d’une dédicace. L’occasion d’échanger
avec eux sur les motivations de leur engagement sur ce projet
et la construction de leur récit.
Samedi 19 Avril Lecture-débat
Le travail forcé : un outil du développement économique
de la dictature ?
le samedi 19 avril 2003 de 15h30 à 18h à la Maroquinerie,
23 rue Boyer 75020 Paris M° Gambetta (sortie Martin Nadaud)
En Birmanie, le recours au travail forcé par la junte
au pouvoir est généralisé, couvrant divers
domaines d’activité de la réalisation de
travaux agricoles ou forestiers à l’édification
de l’infrastructure touristique. Une pratique que les
autorités militaires du pays n’hésitent
cependant pas à présenter comme une particularité
culturelle : "C’est une coutume bouddhiste (...)
Si j’avais une maison et qu’elle ait besoin de réparations,
tout le voisinage viendrait m’aider sans attendre de rémunération".
Intervenants :
Max Kern, juriste, ancien responsable de la commission d’enquête
“travail forcé” à l’O.I.T.
Dora Valayer, de l’association Transverses, qui travaille
sur le tourisme responsable
Mael Raynaud, d’Info Birmanie
Frédéric Debomy, scénariste, coordinateur
du projet “Birmanie, la peur est une habitude”
Le débat sera précédé d’une
lecture d’extraits du livre par Nelly Costecalde, comédienne
et membre d’Amnesty International.
Retrouvez le projet “Birmanie, la peur est une habitude”
sur www.birmanie.org
Journal de Bord n°5 Spécial Birmanie, journal
gratuit de Khiasma (Disponible sur simple demande)
Aung
San Suu Kyi et la junte ne se parlent pas
Près d'un an après la libération d'Aung
San Suu Kyi, les espoirs de voir la dissidente et la junte entamer
un dialogue politique en vue d'une démocratisation en
Birmanie ont été douchés: l'opposante et
les généraux ne se parlent pas.
6 mai 2002: le prix Nobel de la paix, femme frêle de 56
ans qui incarne tous les espoirs de liberté du peuple,
voit lever son assignation à résidence et retrouve
les Birmans dans la liesse, devant les journalistes de la presse
internationale. Depuis ce geste symbolique salué dans
toutes les grandes capitales, Aung San Suu Kyi n'a toujours
pas pu ouvrir le dialogue politique qu'elle imaginait alors
commencer "dans quelques semaines".
Des discussions secrètes "d'instauration de la confiance"
ouvertes fin 2000 entre les militaires et leur ancienne bête
noire grâce à l'émissaire onusien Razali
Ismail étaient censées avoir préparé
le terrain. "Il n'y a pas eu de contact substantiel depuis
sa libération", indique un
diplomate occidental à Rangoun, "le processus a
calé, les généraux sont totalement retranchés".
"Il est possible que rien ne se passe pendant des
mois, voire des années". "Il y a une sorte
de vide dans leurs relations, c'est clairement l'impasse",
confirme un diplomate asiatique.
L'explication de l'enlisement est à trouver du côté
du numéro un du régime. Le généralissime
"Than Shwe est un gros obstacle" au dialogue, explique
un autre diplomate, il "n'est pas prêt à avancer,
c'est de plus en plus clair". "Les choses ont viré
en août quand (le Premier ministre malaisien) Mahathir
est venu. Depuis, tout s'est asséché". La
junte avait refusé à Mahathir Mohamad, pourtant
l'un de ses rares alliés, une rencontre avec Mme Suu
Kyi. "Than Shwe a compris que si on pouvait faire ça
à Mahathir, alors...", dit un analyste, selon lequel
M. Mahathir a dit à M. Razali après sa dernière
visite qu'il "doutait de la sincérité de
la junte". Depuis mai 2002, la junte s'est contentée
de laisser Mme Suu Kyi librement sillonner le pays pour reconstruire
son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (NLD)
-- tout en harcelant ses militants récemment. Elle a
aussi libéré, à un rythme ralenti, des
prisonniers politiques. Tout en procédant à de
nouvelles arrestations. En ce moment, la junte, qui "a
toujours joué la montre", n'est pas mécontente
de voir la guerre en Irak monopoliser l'attention de la communauté
internationale. M. Razali, qui a déjà effectué
neuf missions en Birmanie, a tenté de revenir à
Rangoun quatre fois depuis le début de l'année
pour s'entendre répondre que ses hôtes "étaient
occupés". Occupée, la junte l'était,
par une offensive de charme diplomatique auprès de ses
voisins avec des échanges de visite de haut niveau: Chine,
Vietnam, Bangladesh ou Thaïlande. Une manière de
dire, selon cet analyste: "On n'est pas des pestiférés,
on peut oublier l'Occident". Aung San Suu Kyi, de son côté,
a assoupli sa position notamment sur l'aide étrangère,
après avoir constaté la misère de beaucoup
de Birmans lors de ses tournées en province. Et elle
a encore récemment tendu la main aux militaires en insistant
sur le rôle que conserverait l'armée dans une Birmanie
démocratique. "Elle a fait des ouvertures. la NLD
a fait plus de la moitié du chemin", estime un diplomate
occidental. Mais "le choix de la non-violence fait qu'elle
ne peut pas appeler à la révolte", ajoute
l'analyste pour qui elle "a une marge de manoeuvre limitée".
Certains experts estiment que la junte pourrait tenter de marginaliser
Mme Suu Kyi au fil des mois en faisant des ouvertures vers les
minorités
ethniques --partenaires incontournables de toute évolution
vers une démocratie. "La situation est bien bloquée",
estime en conclusion un autre diplomate, "tout ce qui a
été fait depuis 10 ou 15 ans, les sanctions, les
pressions, ne donne rien ou pas grand chose". Pas plus
que la politique "d'engagement constructif" prônée
par les partenaires de Rangoun dans l'Association des nations
d'Asie du Sud-Est (ASEAN).
Le
généralisme Than Shwe, seul à la barre
de la Birmanie
Derrière la glaciation politique et le marasme économique
qui affligent la Birmanie, diplomates et experts en poste à
Rangoun devinent la silhouette d'un homme, un seul: le généralissime
Than Shwe, numéro un du régime militaire. Le pays
est officiellement dirigé par un triumvirat composé
de Than Shwe, président du Conseil d'Etat pour la paix
et le développement (SPDC - gouvernement), du général
Maung Aye, vice-président du SPDC et numéro deux
des forces armées, et du général Khin Nyunt,
premier secrétaire du SPDC et chef des renseignements
militaires. Mais dans le monde totalement opaque qu'est la politique
birmane, les analystes décèlent de plus en plus
de preuves que Than Shwe est bien l'homme des décisions
ultimes et, au final, le seul à la barre de la Birmanie.
Il avait été donné partant par la rumeur
en raison de son âge --70 ans-- et surtout de ses problèmes
de santé. Mais "Than Shwe a tout pris en main",
estime un analyste en poste à Rangoun pour qui le refus
de l'ouverture d'un dialogue avec l'opposante Aung San Suu Kyi
porte indéniablement sa marque. D'autres experts évoquent
aussi la politique désastreuse d'autosuffisance économique,
le choix d'une diplomatie limitée aux voisins asiatiques
et franchement pro-chinoise, ou même la stupéfiante
liquidation de l'héritage de Ne Win. L'ancien dictateur,
auquel Than Shwe doit son ascension, est mort en décembre
dans l'humiliation de la résidence surveillée
tandis que son gendre et ses trois petits-fils croupissent en
prison pour tentative de renversement du
régime. Contrairement au général Khin Nyunt,
qui fait l'interface avec les interlocuteurs étrangers,
Than Shwe, dépourvu de tout charisme, reste dans l'ombre.
Il apparaît seulement pour les occasions officielles comme
la Journée des forces armées, en mars, où
il prononce un discours convenu sur les risques de "chaos
et d'instabilité" qui traduit son obsession sécuritaire.
"Quand George Bush manque d'avaler un bretzel, la terre
entière est au courant, Than Shwe, les gens ne savent
même pas combien il a d'enfants!", remarque un homme
d'affaires. Mais il ne faut pas s'y méprendre. "On
sait bien qu'il n'y a que Than Shwe qui compte", déclare-t-il.
Pour un diplomate occidental, Than Shwe est bien "le chef
de la Nation" et "il se rend inaccessible, à
la manière d'un roi". The Irrawaddy, magazine de
la dissidence birmane en exil, faisait la couverture
de son dernier numéro avec un dessin du généralissime
habillé de vêtements traditionnels et installé
dans un trône avec ce titre: "Le règne de
Than Shwe". Le généralissime détient
les postes les plus élevés du régime: Premier
ministre et commandant en chef de la Tatmadaw, l'une des plus
grosses armées d'Asie. Il est aussi ministre de la Défense.
Sur le plan politique, Than Shwe est considéré
par tous les experts interrogés comme "le gros obstacle"
au démarrage d'un dialogue politique avec Aung San Suu
Kyi, dont il avait pourtant ordonné la levée de
l'assignation à résidence en mai 2002. "Il
a peut-être compris qu'elle était plus populaire
que lui", explique un diplomate au sujet des tournées
en province lors desquelles la dissidente attire des foules
de sympathisants. Than Shwe, dit-on, déteste Suu Kyi.
"Elle est la seule personne qui peut lui
contester le pouvoir", explique un expert. Sur le plan
économique, le généralissime passe pour
être peu éclairé. "Than Shwe
aime ce qu'il entend, c'est-à-dire des statistiques fausses
et des projections de croissance irréalistes", affirme
l'Irrawaddy. Than Shwe ne disposerait pas des éléments
pour apprécier la gravité de la crise bancaire
qui secoue la Birmanie. "On pense que les généraux
haut placés savent très bien ce qui se passe",
dit un homme d'affaires occidental, "mais qu'ils sont réticents
à faire remonter les informations jusqu'au généralissime:
il n'aime pas les mauvaises nouvelles".
Prolongation
des sanctions de l’UE contre la Birmanie
Les ministres des Affaires étrangères des Quinze
ont décidé lundi 14 avril à Luxembourg
de prolonger d’un an les sanctions de l'Union européenne
contre la Birmanie qui devraient de surcroît être
renforcées dans les six mois à venir, selon les
conclusions de leur réunion. Les sanctions européennes
contre la Birmanie venaient théoriquement à expiration
le 29 avril. Outre un embargo sur les armes, elles impliquent
notamment l'interdiction de séjour et le gel des fonds
dans tous les pays de l'UE de plusieurs dizaines de membres
ou proches du régime. Leur renforcement passera par l'allongement
de la liste des responsables birmans interdits d'entrée
et dont les avoirs seront gelés dans l'UE et un
durcissement de l'embargo sur les armes. Ce renforcement entrera
en vigueur au plus tard le 29 octobre 2003. Au moment de le
mettre en œuvre, les Européens examineront aussi
la possibilité de "mesures économiques ciblées"
contre la Birmanie, selon les conclusions des ministres. Entre-temps,
une mission ministérielle de l'UE devrait se rendre à
Rangoun pour faire passer le message.
Les chefs de la diplomatie des Quinze ont de nouveau égrené
lundi la longue liste de leurs griefs en matière de droits
de l'homme à l'égard du régime de Rangoun.
"Le Conseil ne peut trouver de raison crédible pour
justifier l'absence de volonté politique des autorités
birmanes à s'entendre sur un calendrier définitif
pour le retour à la démocratie", ont-ils
souligné.
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