Birmanie>Net Hebdo n° 30
La lettre d'information hebdomadaire d'Info Birmanie


Sommaire

Edito

Alors que l’on vient à peine de feter le treizième anniversaire des élections du 27 mai 1990, les militaires birmans viennent à nouveau de montrer leur absence totale de volonté de voir un jour la Birmanie se tourner vers un régime démocratique en arrêtant à nouveau Aung San Suu Kyi.
Mais penser que l’on vient d’assister à un énième épisode d’une histoire qui ne cesse de se répéter serait largement sous estimer la gravité de ce qui vient de se passer. La situation actuelle est très inquiétante, et nul ne peut dire ce que seront les prochains jours, les prochaines semaines.
Pour comprendre les évènements récents, il faut reprendre le fil de ces six derniers mois. Depuis l’automne dernier, jugeant que la pression de la communauté internationale, qui avait permis la libération du prix Nobel de la paix, s’affaiblissait un peu, la Birmanie et ses voisins ont commencé à durcir leur attitude face aux victimes et aux opposants de la junte militaire. Depuis fin octobre, le commerce s’est accéléré entre la Birmanie et le Bangladesh, l’Inde et la Thaïlande, pendant que les réfugiés birmans dans ces pays voyaient l’attitude des autorités se durcir à leur encontre. Net Hebdo a rapporté a plusieurs reprises la dégradation des conditions de vie des réfugiés birmans sur les frontières des pays précédemment cités. Dans le même temps, les provocations et les entraves mises par les militaires à la libre circulation d’Aung San Suu Kyi se multipliaient. A tel point qu’il y a un mois, celle-ci décidait de durcir le ton face à une junte qui ne semamblait en rien souhaiter aboutir à quoi que ce soit dans les négociations que la communauté internationale lui avait imposé. Depuis lors, les militaires n’ont eu de cesse, à travers l’USDA, parti-milice à leurs ordres ( et apparemment " renforcée " récemment de prisonniers de droit commun sortis des prisons pour accomplir la sale besogne), de bousculer le soutien populaire apporté à la Dame de Rangoun.
Jusqu’à ce " vendredi noir ", comme le désignent déjà les démocrates en exil en Thaïlande. Aung San Suu Kyi blessée et emprisonnée pour la première fois de l’histoire birmane – elle n’avait jusqu’alors été " que " placée en résidence surveillée -, sans doute deux cent morts, tous les responsables de la NLD en résidence surveillée, les universités fermées, une échappe de plomb terrible posée sur l’ensemble du pays, le tableau peut sembler assez noir en effet.
S’il est certain qu’il faudra attendre pour connaître toute la vérité et l’ampleur du drame qui se joue actuellement en Birmanie, on peut d’ores et déjà en tirer quelques enseignements. D’abord, ceux qui pensaient (malgré les nombreux avertissements, dont les nôtres) que la situation etait en train de s’améliorer, reçoivent là un démenti cinglant. Ensuite, la communauté internationale peut y voir une preuve évidente de l’importance de la pression qu’elle peut exercer sur la junte. Enfin, il paraît aujourd’hui très délicat pour les tenants de l’engagement constructif de défendre le bilan d’une politique condamnée dés le départ par les démocrates birmans et tous ceux quami les soutiennent, à commencer par Aung San Suu Kyi elle-même. Ceux qui ont réagi ces derniers jours en condamnant l’arrestation du prix Nobel de la paix auront-ils le cynisme de continuer à mener la politique qui l’a permis ? Le moment n’est pas opportun pour clamer " qu’on l’avait bien dit ", ou pour désigner ceux qui collaborent, au sens qu’à ce mot en France depuis un demi-siècle, avec la junte. Ce serait indécent, et l’urgence est ailleurs. Mais comment ne pas voir que c’est le soutien financier apporté aux militaires qui leur donne une telle force ?

Devant une situation encore difficile à appréhender, nous vous proposons une sélection d’articles qui réunissent les informations dont on peut disposer à l’heure où ces lignes sont écrites, et des analyses qui traduisent bien l’importance du moment que la Birmanie est en train de vivre.

Mael Raynaud


Le processus de démocratisation stoppé
Source : Le Figaro, 02 juin 2003

C'est la morale de l'histoire birmane : "Négocier avec les généraux, c'est comme jouer de la harpe à des buffles." La junte militaire birmane, cédant à ses instincts répressifs, a muselé samedi de façon très abrupte l'opposition démocratique. Quelques jours avant la dixième visite de Razali Ismail, émissaire du secrétaire général de l'ONU. On est bien loin des promesses d'"une nouvelle ère" ou même d'"un dialogue entre la junte et l'opposition devant rétablir un régime civil", faites par les généraux birmans au monde entier, il y a un peu plus d'un an lors deam la libération de la célèbre dissidente Aung San Suu Kyi.

Alors qu'elle achevait une tournée en province d'un mois, la "Dame de Rangoon" a été "placée sous la protection des autorités locales". Traduire : jetée dans des geôles du nord du pays, interdite de communications avec l'extérieur. Cette arrestation est intervenue à la suite de violents affrontements entre 5 000 miliciens progouvernementaux armés et 20 000 sympathisants venus apercevoir celle qu'ils surnomment "la lumière dans les ténèbres". Ces heurts ont fait quatre morts et cinquante blessés.

Aujourd'hui, le parti du Prix Nobel de la Paix, la Ligue nationale pour la démocratie (NLD), est paralysé : toute la direction a été arrêtée ou placée en résidence surveillée et la plupart des permanences de province ont été fermées. Le quartier général de Rangoon, un bâtiment grisâtre aux murs lépreux qui donne sur l'une des artères les plus fréquentées du nord de la capitale, a été cadenassé et le drapeau rouge frappé du paon combattant, symbole de l'opposition, arraché. A la frontière thaïlando-birmane, les rumeurs parlent même d'une "tentative d'assassinat d'Aung San Suu Kyi" et d'"impacts de balles dans son véhicule". Car, hier, son sort demeurait incertain. "On se dirige vraisemblablement vers une troisième assignation à résidence", selon un diplomate en poste à Rangoon.

Ses relations avec le régime militaire ont toujours été malaisées. Mais devant l'absence de dialogue, Aung San Suu Kyi est sortie d'une réserve qu'elle s'était imposée depuis sa libération. "Nous sommes oblig&eacutame;s de mettre en doute la sincérité du gouvernement. Il ne s'intéresse pas à la réconciliation nationale", a-t-elle osé affirmer le 23 avril dernier, un an après la levée de son assignation à résidence. Le mois dernier encore, à Kale, dans un Etat reculé de l'ouest du pays, elle exhortait 35 000 personnes, massées devant elle malgré les mises en garde des officiers de renseignement : "Libérez-vous de votre peur. Je ne peux rien faire sans votre soutien. Pour réussir, il faut que le peuple me suive." Encore plus audacieux, le 27 mai dernier, à l'occasion du treizième anniversaire des élections remportées haut la main par son parti mais annulées par la junte, elle déclarait : "Ignorer le résultat de ces élections, c'est insulter le peuple."

Mais voilà, on ne défie pas impunément les généraux birmans. La presse, porte-voix du régime, qui avait mis en sourdine ses attaques, estimait vendredi que "la gamine avait un comportement non démocratique". "Elle n'accepte pas que le peuple ne soutienne pas son parti", estime le Miroir en oubliant de dire que le SPDC organise quotidiennement des manifestations à sa propre gloire où des milliers de Birmans sont obligés de dénoncer les "éléments destructeurs".

Pour justifier le sort réservé à la fille d'Aung San, fondateur de l'indépendance birmane, Than Tun, porte-parole du Conseil d'Etat pour la paix et le développement (SPDC, acronyme de la junte), accuse : "Ses discours enflammés et ses critiques de la junte incitent les gens à la violence." Tinn Win, ministre du Travail, estime qu'elle ne provoque qu'"indignation parmi la population".

A Rangoon, une directive du "centre de guerre" du 24 maami dernier place en "état d'urgence" toutes les organisations armées du pays et notifie aux fonctionnaires civils et militaires de "travailler à plein temps et d'éviter les déplacements", selon des sources militaires. Les généraux ont également créé une milice Swan Arr Shin, des hommes armés de couteaux, cannes de bambou et lance-pierres chargés de perturber depuis décembre les voyages de l'opposante et de harceler ses militants. Enfin, les miliciens de l'Association du développement et de la solidarité (USDA, milice politique du régime rassemblant 8 millions de personnes), ont menacé à plusieurs reprises de foncer sur le cortège de sympathisants prodémocratiques avec leur voiture et de les écraser.


La junte birmane a de nouveau arrêté Aung San Suu Kyi
Source : Le Monde, 2 juin 2003

Les dirigeants de son parti démocratique ont été interpellés et les universités ont été fermées

Aung San Suu Kyi, la très populaire opposante au pouvoir militaire en Birmanie, a de nouveau été arrêtée vendredi 30 mai. La plupart des autres dirigeants de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) se retrouvent également en prison ou assignés à résidence. La rentrée universitaire, prévue lundi, a été reportée, sans doute pour éviter toute protestation publique. Mme Suu Kyi, qui effectuait une tournée dans le nord du pays, aurait été ramenée dimanche à Rangoun et internée, selon l'AFP, dans les locaux des services de renseignements de l'armée.

Ce dernier tour de vis de la junte n'&eamacute;tait pas inattendu mais il est particulièrement brutal. Placée à deux reprises et pendant plus de sept ans en résidence surveillée depuis que les généraux ont repris le pouvoir en 1988, Mme Suu Kyi avait été libérée voilà un an, à la suite de négociations impliquant un "facilitateur" nommé par le secrétaire général de l'ONU. Cette décision devait s'accompagner de l'ouverture d'un dialogue politique entre les militaires en place et le Prix Nobel de la paix 1991.

La célèbre opposante – "entièrement libre de ses mouvements" , selon la junte – avait alors entrepris de remettre sur pied la LND et atténué ses critiques du régime en attendant une négociation avec des militaires qui ont régné sans partage (à une année près) depuis 1962.

Ces négociations n'ont jamais eu lieu. En revanche, Mme Suu Kyi a multiplié les tournées en province. Après avoir exprimé pour la première fois sa "déception" à l'égard de la junte, elle est partie, le 6 mai– premier anniversaire de sa dernière libération – pour un mois dans le nord du pays où ses apparitions ont été saluées par des foules croissantes de sympathisants.

"DISCOURS ENFLAMMÉS"

Du coup, un mouvement de masse pro-gouvernemental a organisé des contre-manifestations et, vendredi 30 mai, des affrontements ont officiellement fait quatre morts et une cinquantaine de blessés. La junte a aussitôt "placé temporairement sous la protection des autorités" l'opposante et procédé à l'arrestation des huit autres membres du Comité exécutif central de la Ligue.
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Mme Suu Kyi se retrouve donc, au moins "temporairement", paralysée. Mais que peuvent gagner les généraux à ce nouveau cavalier seul ? Alors que Paris réclame la libération "sans délai" de Mme Suu Kyi et que Londres condamne sans réserve la junte, Kofi Annan s'est contenté d'estimer que "les développements récents soulignent la nécessité urgente d'une réconciliation nationale" et a renouvelé son appel aux deux parties "pour qu'elles entament un dialogue consistant aussi rapidement que possible".

Sur le plan pratique, l'envoyé spécial de l'ONU, le Malaisien Razali Ismaïl, attendu à Rangoun vendredi pour une mission reportée déjà à plusieurs reprises par la junte, peut-il s'y rendre si l'opposante et ses principaux collaborateurs ne sont pas libérés entre-temps ? La presse birmane, contrôlée par le pouvoir, a repris ses critiques de Mme Suu Kyi. Un porte-parole de la junte a accusé l'opposante d'avoir prononcé, dans le nord du pays, des "discours enflammés". Tous les établissements d'enseignement supérieur ont été fermés.

En 1990, les généraux avaient déjà annulé des élections qu'ils avaient eux-mêmes organisées et que la LND avait remportées haut la main en dépit de l'assignation à résidence de Mme Suu Kyi. Depuis quinze ans, les universités n'ont été autorisées à fonctionner que deux années sur trois.

Ces précédents laissent penser que les militaires feront difficilement marche arrière, même si de nouvelles sanctions économiques leur sont imposées. Sur ce plan, les mesures que la junte vient de prendre interviennent amà un mauvais moment : le secrétaire d'Etat américain Colin Powell est attendu à Phnom Penh à la mi-juin pour y participer à une conférence régionale dont la Birmanie est membre.

Jean-Claude Pomonti


la junte affirme que Aung San Suu Kyi va bien
Source : AFP, le 3 juin 2003

Le gouvernement militaire birman a ignoré mardi l'avalanche de protestations internationales et d'appels à la libération de l'opposante Aung San Suu Kyi, se contentant d'assurer qu'elle "va bien" et que les mesures répressives contre son parti ne sont que "temporaires".

La junte n'a donné donné aucune précision sur l'endroit où se trouvait Mme Suu Kyi ni le sort qu'elle lui réservait, alors que tous les autres dirigeants de son parti ont été placés en résidence surveillée et que les permanences de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) ont été fermées dans le pays.

"Ils disent qu'elle va parfaitement bien et que les informations selon lesquelles elle aurait été blessée sont fausses", a déclaré un diplomate présent à un briefing donné par le vice-ministre des Affaires étrangères Khin Maung Win pour le corps diplomatique à Rangoun. "Mais on ne voit pas comment on pourrait en être sûr, puisque personne n'a pu la voir", a ajouté ce diplomate.

Le gouvernement en exil en Thaïlande avait affirmé que Mme Suu Kyi avait été sérieusement blessée à la tête lors des affrontements qui ont fait officiellement quatre morts et 50 blessés dans le nord du pays entre ses partisans et ceux de laam junte vendredi dernier. Le fait que Mme Suu Kyi, ramenée de force à Rangoun et détenue depuis par les renseignements militaires, n'ait pas été vue en public a contribué aux inquiétudes sur son état de santé, qu'ont officiellement exprimées plusieurs gouvernements occidentaux.

"La question est: dans quel état est Suu Kyi", a estimé un autre diplomate, jugeant "bizarre qu'elle n'ait pas été ramenée à sa résidence où elle est facile à surveiller". Concernant la LND, "le gouvernement dit que les permanences ont été fermées temporairement car si elles restaient ouvertes cela pourrait provoquer d'autres incidents", a poursuivi le premier diplomate. Les universités, qui devaient rouvrir lundi pour le nouveau semestre, sont restées fermées sur ordre du gouvernement dans la crainte de mouvements de protestation après la vague de répression contre la Ligue.

"Ils ont insisté sur le fait que ces mesures avaient une nature temporaire", a poursuivi le diplomate, "mais quand nous avons demandé ce que signifiait +temporaire+, nous n'avons obtenu aucune réponse". L'ONU, les Etats-Unis, l'Union européenne, l'Australie, le Japon et de nombreuses organisations de défense des droits de l'Homme ont exprimé leur inquiétude et appelé la junte à libérer l'opposante et les membres de son parti. Dans un communiqué diffusé à Charm el-Cheikh (Egypte), où il se trouvait depuis lundi soir pour participer à un sommet avec des dirigeants arabes, le président américain George W. Bush, "profondément préoccupé", a demandé à Rangoun "de libérer immédiatement Aung San Suu Kyi et ses partisans et d'autoriser la réouverture du sièam;ge de leur parti".

A Kuala Lumpur, l'émissaire de l'ONU Razali Ismail qui était attendu à Rangoun pour une visite prévue à partir de vendredi prochain, a indiqué qu'il souhaitait "des éclaircissements sur la situation" avant de se déplacer. Des sources informées ont indiqué qu'il ne ferait pas le voyage s'il ne pouvait voir Mme Suu Kyi. Sur cette question, Khin Maung Win a laissé entendre que M. Razali n'aurait pas la garantie de pouvoir rencontrer l'opposante, comme il le fait à chacune de ses missions.

L'Association des Nations d'Asie du Sud-Est (ASEAN), dont est membre la Birmanie, a aussi indiqué être dans le noir le plus complet sur les derniers événements, tout en s'abstenant de porter un jugement critique. "Nous devons parler d'une manière interne à nos collègues et comprendre ce qui se passe", a déclaré le secrétaire général Ong Keng Yong à l'agence malaisienne Bernama. Mardi la presse birmane officielle, qui ne parlait plus de Mme Suu Kyi depuis des mois, a accusé la LND "d'avoir violé les accords avec les autorités militaires" et "de déclarer la guerre au peuple" par son comportement "antidémocratique".



Des affrontemements qui auraient fait des  dizaines de morts
Source : AFP, le 4 juin 2003-06-04

La dirigeante de l'opposition birmane Aung San Suu  Kyi a été blessée lors de violents affrontements vendredi dernier entre ses  sympathisants et ceux de la junte qui auraient fait des dizaines de morts, a indiqué mercredi une source informée à l'AFP, contredisant totalement la version  officielle. "Elle a été blesséam;e par des fragments de vitres de sa voiture, au visage et à  l'épaule", a indiqué cette source précisant que Mme Suu Kyi, qui n'a pas été  vue en public depuis, se trouve détenue "dans un camp militaire à 40 km de Rangoun". Les blessures de l'opposante, prix Nobel de la paix 1991, ne semblent pas mettre ses jours en danger "sinon elle ne serait pas dans un camp militaire" mais hospitalisée, a poursuivi cette source.Mardi, le vice-ministre des Affaires étrangères Khin Maung Win avait assuré que Mme Suu Kyi "va bien" et que les informations selon lesquelles elle aurait été blessée étaient fausses, dans un briefing aux diplomates à Rangoun décrit mercredi comme étant "pathétique" par l'un d'entre eux. La version officielle selon laquelle les violences avaient fait quatre morts et 50 blessés dans le nord du pays "est complètement en dessous de la réalité", a poursuivi la source informée. "Le bilan est probablement bien plus proche des 70 à 80 morts qui a été cité" par la dissidence en exil sur la foi de témoignages directs, a poursuivi cette source. La dissidence avait indiqué ces derniers jours que des hommes déguisés en bonzes et soutenus par des prisonniers sortis de leurs cellules et "recrutés" avec des promesses d'amnistie, avaient attaqué le convoi d'une dizaine de voitures dans lequel circulait Mme Suu Kyi, qui effectuait une tournée politique dans le nord. Selon l'un de ces rapports qui font état d'une rare violence, des hommes, dont certains avaient l'air sous l'emprise de drogues, ont attaqué à jets de pierre la voiture de Mme Suu Kyi, que des membres de son parti, la amLigue nationale pour la démocratie (LND), ont tenté de protéger. Par ailleurs le sort de Tin Oo, vice-président septuagénaire de la LND qui accompagnait Mme Suu Kyi dans sa tournée, suscitait de vives inquiétudes. "On n'a aucune nouvelle de lui, on ne sait pas s'il est vivant ou mort", a déclaré cette source à l'AFP. "Si on ne veut pas que la vérité soit dévoilée, tout témoin direct est en danger". Mme Suu Kyi, que la junte avait ramenée de force dimanche à Rangoun, se  trouvait dans un camp militaire à 40 km de la capitale, après avoir été apparemment  séparée des autres membres de la LND ramenés avec elle du Nord du pays et qui étaient internés à Insein, vaste prison de macabre réputation, dans les faubourgs de Rangoun. "On peut se faire beaucoup de souci pour eux tous et pour elle", a indiqué cette source, "on peut la maintenir au secret des années".  Tous les autres dirigeants de la LND ont été placés en résidence surveillée au cours du week-end et les permanences de la ligue ont été fermées dans l'ensemble du pays. Les universités, qui devaient rouvrir lundi pour le nouveau semestre, sont restées fermées sur ordre du gouvernement dans la crainte de mouvements de protestation. Mercredi, Rangoun était toujours calme. L'émissaire de l'ONU, le Malaisien Razali Ismail, était attendu vendredi en Birmanie pour une 10e mission destinée à "faciliter le dialogue" entre la junte et l'opposition en vue d'une démocratisation. Cette visite semblait compromise mercredi, la junte ayant laissé entendre qu'elle laisserait venir le diplomate, mais sans lui amgarantir une rencontre avec Mme Suu Kyi, qu'il voit à chacune de ses missions. "M. Razali prendra la décision (de venir ou non) à la dernière minute", a ajouté cette source.


L'intégrité physique d'Aung San Suu Kyi, hantise de la junte
Source : AFP, le 4 juin 2003

Les généraux au pouvoir en Birmanie se sont retrouvés  depuis quinze ans dans une situation paradoxale: avoir à protéger  physiquement leur pire ennemie, l'infatigable opposante Aung San Suu Kyi, qui vient  pourtant d'être blessée lors d'affrontements meurtriers. La junte a toujours eu la hantise de l'intégrité physique de Mme Suu Kyi, fille du héros vénéré de l'Indépendance Aung San assassiné en 1947. Les généraux
au pouvoir vivent dans la crainte tenace que s'il arrivait quelque chose à Aung San Suu Kyi, celle-ci ne soit transformée en martyr et que la rue s'embrase. Pour la première fois depuis le début, en 1988, de son âpre combat pour la  démocratie, combat qui a vu bien des bras de fer avec la junte, Aung San Suu Kyi a été blessée vendredi dernier lorsque son convoi d'une dizaine de voitures est tombé dans une embuscade sur une route du nord du pays. Elle a été atteinte au visage et à l'épaule par des bris de vitre de sa voiture prise sous les jets de pierre d'hommes favorables au régime et décidés à arrêter sa tournée politique, a indiqué une source informée à l'AFP, ajoutant que la gravité de ses blessures n'était pas connue. Ces affrontements ont ét&ameacute; d'une grande violence, selon la même source, et ont fait "un nombre de morts probablement bien plus proche du chiffre des 70 à 80 morts qui a été cité" par la dissidence birmane que les quatre tués annoncés par la junte.Mme Suu Kyi, femme charismatique et immensément populaire, comme l'ont encore montré ses dernières tournées en province, est devenue une îcone du combat
prodémocratique en Birmanie, statut consolidé par son prix Nobel de la paix en 1991 qui l'a fait connaître, et reconnaître, du monde entier.
Depuis la levée de son assignation à résidence en mai 2002, cette femme frêle de 57 ans, a refusé d'être escortée par les services de sécurité, qui ont assuré une relative protection à distance. Cela a été le cas pendant ses huit voyages, souvent longs, sur de petites routes dans des provinces reculées. Pour Chayachoke Chulasiriwong, universitaire thaïlandais spécialiste de la Birmanie, "à l'évidence (la junte) ne s'attendait pas que la situation dégénère à ce point". "Ce n'est ni dans leur intérêt ni dans leur intention de blesser Suu Kyi, ce ne peut-être qu'une bavure", estime un diplomate qui se rallie à la thèse assez répandue selon laquelle les généraux "se sont pris les pieds dans le tapis" et ont été dépassés par la situation. "Leur pire angoisse, c'est qu'elle devienne un martyr", ajoute-t-il, "ça cristalliserait tout, au moins tant qu'elle est vivante ils peuvent négocier avec elle". Le fait que Mme Suu Kyi n'ait pas été vue en public depuis qu'elle a été arrêtéeam vendredi dernier alimente l'inquiétude. "Pourquoi ne pas la montrer si elle n'a rien?" , s'interroge le même diplomate. Visiblement embarrassé par la tournure des événements, le gouvernement avait convoqué mardi les diplomates pour leur affirmer que Suu Kyi allait bien. Pour Rangoun --qui s'offre à grands frais les services d'une firme de relations publiques américaine afin de redorer son blason-- des images de Mme Suu Kyi
blessée auraient un effet déplorable. Telles celles du Malaisien Anouar Ibrahim, vice-Premier ministre promis à un brillant avenir avant d'être déchu, et d'apparaître en public l'oeil tuméfié et portant une minerve. Rangoun était calme mercredi et certains se demandaient comment réagirait la population à toute annonce des blessures de Mme Suu Kyi. "On peut imaginer que dans certaines circonstances une étincelle peut suffire" estimait l'un d'entre eux, tandis qu'un autre soulignait qu'"un soulèvement populaire semble peu vraisemblable, car il serait vite réprimé".



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