Birmanie>Net Hebdo n° 33
La lettre d'information hebdomadaire d'Info Birmanie


Sommaire

  • Quinze ans d'enfer pour les birmans
  • Le parti d'Aung San Suu Kyi sous une chape de plomb 
  • Campagne officielle contre Aung san Suu Kyi
  • Déclaration officielle de M. De Villepin
  • La Birmanie conjugue ses efforts pour promouvoir le transport aérien


Quinze ans d'enfer pour les birmans
Rebonds- Liberation du mardi 12 aout 2003

 La junte militaire au pouvoir à Rangoon se maintient depuis 1988 grâce au soutien tacite de ses voisins, dont la Chine, et aussi du groupe pétrolier Total. Le gouvernement français n'a jamais tenté de convaincre Total de suspendre son aide aux généraux de Rangoon.

 Par Ko AUNG et Thiri THINN et CHIT HTOO et KYI SAI SOE

 Aung Ko est le représentant en France du gouvernement birman en exil, Htoo Chit, Thinn Thiri et Sai Soe Kyi sont des dissidents birmans réfugiés en France.

 Le 8 août 1988, l'armée birmane réprimait dans le sang les manifestations en faveur de la démocratie. Tous ceux qui, parmi nous, ont vécu cet enfer se rappellent les corps ensanglantés de lycéens, de travailleurs ou de moines jonchant les rues de Rangoon. Plus de cinq mille morts. Mais jamais un bilan exact n'a pu être établi. Quinze ans plus tard, nous sommes toujours en enfer. Peu d'entre nous ont
eu la chance de trouver asile en Europe. Nos familles et amis sont soit piégés enBirmanie, soit parqués à la frontière thaïe. Quinze ans plus tard, la communautéinternationale n'a toujours pas trouvé une solution pour aider la Birmanie à s'engager dansla voie de la démocratie. Pourtant, nous sommes prêts. Aung San Suu Kyi et les partisd'opposition ne cessent de proposer des solutions concrètes aux problèmes dramatiques de notre pays :la pauvreté, la crise du système bancaire, l'épidémie de sida, le fléau de ladrogue, l'échec du système éducatif ou les conflits ethniques. Mais la junterefuse toute ouverture. Aung San Suu Kyi a même été de nouveau emprisonnée après queplusieurs dizaines de militants démocrates ont été assassinés, en mai dernier, par les nervis de la junte. Plus de 1 500 militants politiques sont détenus dans des conditions difficiles. Depuis 1988, Aung San Suu Kyi symbolise la résistance à l'oppression.
Arrivée à Rangoon quelques semaines avant le massacre d'août 1988, au chevet de sa mère mourante, Aung San Suu Kyi va bloquer le scénario des généraux de Rangoon. Fille du père de l'Indépendance, le général Aung San, elle s'engage aux côtés des manifestants. Elle crée un parti, la Ligue nationale pour la démocratie, et commence à mener campagne pour des élections promises par les généraux. Bien entendu, Aung San Suu Kyi gagne les elections haut la main, plus de 80 % des sièges. Mais les militaires refusent de reconnaître leur
défaite et placent la Dame de Rangoon en résidence surveillée pendant plusieurs années. Elle ne cessera de nous rappeler : "La peur est une habitude. Elle ne me fait paspeur."
 Quinze ans que la Birmanie s'enfonce chaque jour davantage dans larépression et la misère. Comment des généraux ont-ils pu mettre à genoux un pays qualifié avant l'indépendance de "perle de l'empire britannique" ? En s'appuyant sur un régime de terreur, doté d'une armée surpuissante et d'une police politique impitoyable. Un régime de propagande où les médias d'Etat sont à la gloire des généraux,
notamment le premier d'entre eux, Than Shwe. Un régime d'exploitation où le travail forcé fait encore rage malgré les multiples condamnations de l'Organisation mondiale du travail. Un régime de corruption à tous les niveaux de la société grâce auquel les généraux et leurs proches se sont enrichis. L'opposition birmane ne cesse de lutter autour et derrière Aung San Suu Kyi. Combat politique non-violent qui demande que simplement le respect de la volontépopulaire. Mais la junte birmane compte encore des soutiens. En premier lieu, laChine populaire qui investit et distribue très généreusement des aides et des armes aux généraux. La junte militaire a ainsi pu importer pour deux milliards d'euros d'armes pendant les années 1990. Le régime de Pékin a encore récemment déclaré que la
détention d'Aung San Suu Kyi était un "problème interne". La dictature birmane peut également compter sur le soutien complice de ses voisins asiatiques, Malaisie, Vietnam, Singapour ou Bangladesh par exemple, qui, eux aussi, ont toujours vu d'un mauvais oeil la
communauté internationale s'intéresser à leur politique intérieure. Plus étonnant, la Thaïlande du Premier ministre Thaksin Shinawatra ne cesse de dévier l'attention de la communauté internationale du drame birman. Devant ses alliés américains, le Premier ministre soutient la demande de libération d'Aung San Suu Kyi, mais de retour à Bangkok, il expulse des centaines de réfugiés birmans de Thaïlande et poursuit ses investissements en Birmanie.  Les soutiens de la Birmanie se comptent également en Europe. Le premier d'entre eux est
 l'entreprise pétrolière française Total, qui exploite le gaz de Birmanie. Accusé de fermer les yeux sur le travail forcé, Total est une source de financement non négligeable pour les généraux birmans. Une rente annuelle estimée à plus de 150 millions d'euros qui finit plus souvent dans les poches des tyrans que dans la construction d'écoles ou d'hôpitaux. Le gouvernement français n'a jamais tenté de
convaincre Total de suspendre son aide aux généraux de Rangoon. Quinze ans d'enfer pour un peuple pourtant imprégné de compassion
bouddhiste. Le gouvernement birman en exil se félicite du renforcement des sanctions européennes et américaines à l'encontre de la junte birmane, mais souhaite que les démocraties s'emploient plus fermement à convaincre leurs alliés asiatiques et les
multinationales occidentales de cesser leur soutien au régime birman. Nous demandons également aux Français de ne pas se rendre en Birmanie sans s'être informés sur la situation dans le pays. Aung San Suu Kyi elle-même a appelé au boycott touristique estimant
que la majorité de l'argent des visiteurs étrangers aboutit dans les poches des proches des généraux.
 Les généraux birmans n'ont pas d'armes de destruction massive, mais ils ont détruit massivement leur pays et massivement violé les droits de l'homme pendant plus de quarante ans.
 N'est-ce pas une raison suffisante pour que la communauté internationale intervienne plus fortement en faveur d'un retour de la démocratie ?.


Le parti d'Aung San Suu Kyi sous une chape de plomb
Source: AFP, 16 juillet 2003

 Pendant que l'opposante Aung San Suu Kyi était arrêtée et mise au secret, une chape de plomb s'est abattue sur son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), aujourd'hui moribond. Grâce à la levée un an plus tôt de l'assignation à résidence de sa  charismatique dirigeante qui s'était attelée à sa reconstruction, le principal parti d'opposition avait rouvert des centaines de permanences dans tout le pays, ravivé la flamme de ses militants et repris des couleurs en dépit de l'absence de progrès politiques. Mais après les violences meurtrières du 30 mai avec l'embuscade tendue par la junte au convoi de Mme Suu Kyi, l'opposante a été arrêtée ainsi que son numéro deux, Tin Oo. Les autres dirigeants du parti ont été placés en résidence surveillée --hommes armés devant chez eux et téléphone coupé--,  des dizaines de militants arrêtés et le siège de Rangoun et toutes les permanences de la Ligue fermés. "L'opposition, elle n'existe plus!", estime un diplomate à Rangoun. "Tous nos interlocuteurs sont arrêtés ou assignés à résidence, on ne peut pas les voir, le siège du parti est fermé, les militants sont en prison ou pourchassés". Un cadre de la Ligue confie à l'AFP que "avec les dirigeants arrêtés et les permanences fermées, on ne peut pas faire grand'chose. Et les militaires continuent de rafler des militants". "Tout ce que je peux dire c'est que la répression continue", confirme un militant NLD, "toute personne assez folle pour manifester serait immédiatement arrêtée". Selon les diplomates à Rangoun et la dissidence en exil, la répression contre l'opposition se poursuit en effet, et les arrestations continueront jusqu'à ce que la junte estime que la situation est "normalisée". Pour l'heure, "la préoccupation essentielle (des militants) est d'échapper aux poursuivants", note le diplomate qui admet: "Nous n'avons aucune idée du nombre de gens arrêtés". Le Conseil national de l'Union birmane (NCUB), l'un des groupes dissidents en exil, fait état de "patrouilles en armes, coupures de lignes téléphoniques, installation de barrages" à l'entrée de localités et d'arrestations de militants. Le NCUB a aussi donné cette semaine des informations, invérifiables, sur l'arrestation et la torture pendant 24 jours d'un député de la LND, Soe Win. Avare comme toujours d'explications, la junte s'est bornée à indiquer dans un  éditorial du New Light of Myanmar qu'elle avait choisi "la voix la mieux adaptée" pour s'assurer du maintien de la loi et de l'ordre "souhaité par la majorité". Des "mesures préventives" ont été prises contre les "éléments destructeurs", a expliqué le numéro trois du régime, le général Khin Nyunt. D'ailleurs Mme Suu Kyi elle-même n'est-elle pas détenue au terme de la Loi de protection de l'Etat contre les éléments destructeurs? Vu l'anéantissement dans lequel se trouve la LND, d'aucuns n'excluent pas à terme une interdiction pure et simple du parti prodémocratique. "Tout peut arriver", note le diplomate, "il y avait déjà des rumeurs en 2000, lorsque l'USDA (ndlr: organisation de masse) avait appelé à la suppression de la LND lors de rassemblements orchestrés par le pouvoir". Pour la Ligue, victime d'une féroce répression après son raz-de-marée électoral de 1990 qui n'a jamais été reconnu par les généraux, c'est le retour aux années de plomb. Le parti --l'un des rares au monde à n'avoir aucune idée du nombre de ses adhérents mais qui jouit d'un fort soutien populaire-- avait lancé en novembre une campagne d'adhésion de plusieurs mois.  "Nous sommes de nouveau sur pied", se félicitait alors son porte-parole, U LWin, interrogé par l'AFP. "Il y a de plus en plus de gens qui veulent nous rejoindre". A la faveur du léger dégel, le vieil U Lwin était devenu depuis un an le  chouchou des journalistes, qui pouvaient l'appeler à tout heure du jour à Rangoun. Aujourd'hui, son téléphone est coupé.


Campagne officielle contre Aung san Suu Kyi
Libération, lundi 7 juillet 2003

La presse officielle birmane est engagée depuis trois jours dans une campagne contre Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix et leader de l'opposition emprisonnée depuis le 30 mai. Cette photo non datée, publiée samedi par le journal gouvernemental "Nouvelle Lumière du Myanmar", montre la militante des droits de l'homme serrant la main de Than Shwe, le chef de la junte au pouvoir. A nouveau dimanche, puis lundi, le quotidien a publié en "Une" sa photo alors qu'elle n'avait pas eu les honneurs de la presse depuis le milieu des années 90. L'image publiée lundi la montre assise dans un salon de réception avec Than Shwe. Suivait cette légende: "Bien que Aung San Suu Kyi ait eu l'occasion d'avoir des discussions franches et ouvertes avec le chef de l'Etat, le généralissime Than Shwe, elle n'a pas pu contribuer à une transition pacifique pour l'avenir de la Nation". L'article revient ensuite sur les violents incidents survenus entre les partisans de Aung San Suu Kyi et la junte lors d'une tournée politique dans le nord du pays qui ont conduit à son arrestation, sa mise au secret "pour sa propre protection", selon le régime. La chef de file de l'opposition avait ouvert avec la junte des discussions politiques en octobre 2000 mais sa "disparition" a mis un brutal coup d'arrêt à ce processus. Depuis la junte n'a donné depuis aucun signe de l'imminence d'une libération de l'opposante.


Déclaration officielle de M. De Villepin
(Paris - Journal officiel, 28 juillet 2003)

BIRMANIE - DROITS DE L'HOMME

REPONSE DU MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES,
M. DOMINIQUE DE VILLEPIN, A UNE QUESTION ECRITE
A L'ASSEMBLEE NATIONALE

* * * * * * * * * *

En réponse aux atteintes aux Droits de l'Homme en Birmanie, la France et ses partenaires européens ont adopté, en octobre 1996, une position commune qui définit un ensemble de mesures restrictives. Cette position commune a été renforcée et prorogée à plusieurs reprises. Elle est toujours en vigueur et vient même d'être durcie, avec notre soutien, à la suite de l'arrestation le 30 mai de Mme Aung San Suu Kyi que les autorités françaises ont aussitôt condamnée. Lors du dernier renouvellement de la position commune, la France avait particulièrement insisté pour que cette possibilité de durcissement anticipé reste ouverte. La France partage l'indignation généralisée que suscite l'attitude du gouvernement birman. Le ministère des Affaires étrangères a convoqué l'ambassadeur de Birmanie à Paris les 3 et 24 juin pour faire connaître notre position, appeler à la libération de la secrétaire générale de la Ligue nationale pour la démocratie et à une amélioration du respect des Droits de l'Homme en Birmanie. L'ambassadeur de France à Rangoon a effectué plusieurs démarches pour soutenir Mme Aung San Suu Kyi. Avec ses partenaires européens, la France continue d'agir en ce sens, tant au niveau régional que dans le cadre de ses relations bilatérales avec la Birmanie et avec les différents pays de la région. Les représentants de la présidence européenne ont, par exemple, récemment effectué des démarches auprès de nombreuses capitales en Asie pour leur demander un engagement plus fort sur le dossier birman. Par ailleurs, la France appuie les résolutions présentées chaque année sur ce sujet, dans le cadre de l'Assemblée générale des Nations unies, de la Commission des Droits de l'Homme et de l'Organisation internationale du travail. Enfin, les quatre missions à Rangoon de la Troïka européenne ont permis de rappeler les préoccupations de l'Union et d'appeler les autorités birmanes à s'engager concrètement dans la voie de la démocratisation et du respect des Droits de l'Homme. La France a cependant toujours estimé que seul le dialogue pouvait débloquer la situation à Rangoon. Notre pays demeure ouvert à un véritable dialogue avec les autorités birmanes et, avec ses partenaires de l'Union européenne, continuera de soutenir Mme Aung San Suu Kyi, d'appuyer les efforts de M. Tan Sri Razali, l'envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies et de M. Pinheiro, rapporteur spécial pour les Droits de l'Homme en Birmanie, et d'œuvrer sans relâche en faveur de la restauration de la démocratie et du respect des Droits de l'Homme. Avec ses partenaires européens, la France reste vigilante et n'assouplira sa position qu'en réponse à des progrès significatifs.


La Birmanie conjugue ses efforts pour promouvoir le transport aérien
par xinhua

La Birmanie a conjugué ses efforts pour promouvoir le transport aérien, multipliant les infrastructures en la matière. Selon un rapport publié lundi par le ministre du Transport, cinq nouveaux aéroports ont été créés au cours des 15 dernières années, portant à 26 le nombre
d'aéroports en Birmanie. L'ouverture du nouvel aéroport international de Mandalay en septembre 2000 revêt une grande portée. Cet aéroport, précédé par l'aéroport international de Rangoon, est la seconde plaque tournante reliant le pays et le reste du monde.
Une autre nouvel aéroport international, l'aéroport international de Hantharwaddy à Bago, à 80 km au nord de Rangoon, est en construction depuis 1994 pour remplacer l'aéroport international de Rangoon dans le futur. Malgré l'ouverture des deux nouveaux aéroports internationaux en Birmanie, le nombre des vols internationaux qui y débarquaient n'atteint que 59 par semaine, contre 3.434 à l'aéroport de Changi, à Singapour. Un accord sur la création d'une nouvelle coentreprise aérienne, "United Myanmar Airlines", a été signé en juillet, dix ans après le lancement de la première coentreprise aérienne, "Myanmar Airways International". Les vols étrangers pour Rangoon sont assurés par les compagnies suivantes: Thai Airways international, Biman, Royal Brunei Airline, Air China, Malaysian Airline System et Silk Air.

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