15
ans de dictature en Birmanie
Mael Raynaud
Au moment où le monde se souvient avec émotion du trentième anniversaire
du coup d'Etat chilien, les birmans fêtent dans une indifférence quasi générale
les quinze ans d'un autre coup d'Etat qui devait mettre fin au mouvement
démocratique de 1988. Cette année là, les étudiants avaient manifesté dés
le mois de mars, rejoints au cours des mois suivants par l'ensemble de la
population. A tel point que le 25 juillet, le vieux dictateur, Ne Win , au
pouvoir depuis 1962 (grâce à un coup d'Etat, déjà), abdiquait. Un vent de
liberté inespéré souffla alors sur le pays, qui s'imaginait être enfin libéré
des militaires. Malgré des manifestations écrasées dans le sang (il y eu 10
000 morts), comme celle du 8 août, le fameux 8-8-88 qui demeure mythique pour
les démocrates birmans, le pays vécu quelques semaines d'euphorie pendant
lesquelles tout semblait possible. C'est d'ailleurs au plus fort de ce mouvement,
le 26 août, que la fille du héros de l'indépendance, Aung San, s'adressa à
une foule de 500 000 personnes pour déclarer son soutien aux aspirations démocratiques
de ses concitoyens. Le mouvement venait de se trouver un leader, Aung San
Suu Kyi, prix Nobel de la paix 1991, une femme qui aujourd'hui encore symbolise
l'espoir du peuple birman. Mais le 18 septembre, l'armée referma la parenthèse
libertaire en instaurant le SLORC (Conseil d'Etat pour le Rétablissement de
la Loi et de l'Ordre), une junte qui sévit toujours actuellement.
Le Premier Ministre birman
en exil demande des sanctions européennes
The Irish Times, 18 septembre 2003
L'Union Européenne se voit demander d'imposer des sanctions économiques
contre le gouvernement militaire birman dans le but d'assurer la libération
d'Aung San Suu Kyi et l'application de la feuille de route pour la démocratie.
L'appel vient du premier ministre birman en exil, le Docteur Sein Win, qui
était en visite à Dublin hier, où il a rencontré des officiels du Département
des Affaires Etrangères. Le Docteur Sein Win, s'adressant aujourd'hui au
Comité des Affaires Etrangères, a déclaré que la situation des droits de l'homme
en Birmanie ne fait qu'empirer depuis la dernière arrestation de Suu Kyi
en Mai dernier. " L'intervention de la communauté internationale est nécessaire
de toute urgence pour aider la Birmanie à prévenir une confrontation sanglante
imminente.", a averti le docteur Win. Selon lui, puisque le gouvernement birman,
le Conseil d'Etat pour la paix et le développement (SPDC), refuse que même
les représentants des Nations Unies rendent visite à Suu Kyi, il est temps
pour l'Union Européenne d'appliquer des sanctions "ciblées" contre les industries
contrôlées par les militaires. Insistant sur le fait " qu'il n'y a aucun
modérés dans les généraux au sommet", le Docteur Win pense que le seul moyen
de persuader le gouvernement du besoin de démocratie est une pression internationale
concertée. Il serait nécessaire d'accorder un mandat plus important aux Nations
Unies, pour que ce corps international ait un rôle de "médiateur" et ne servent
pas seulement à faciliter les négociations. " L'Irlande sera bientôt présidente
de l'Union Européenne, ainsi il est très important pour nous qu'elle initie
d'ores et déjà quelque chose. Le processus des Nations Unies (visant à établir
le dialogue) commencé il y a trois ans n'a abouti à rien. Nous avons besoin
d'un grand coup de pouce, d'actions concrètes." Le Docteur Win, élu premier
ministre de la coalition du gouvernement de 1990 (le NCGUB) et destitué par
les militaires, a dit qu'il était "très inquiet" de la santé de Suu Kyi (58
ans). Le Docteur Thaung Htun, un représentant du NCGUB qui se trouvait à
Dublin avec Sein Win, a dit que, selon lui, l'attention que porte le gouvernement
à l'opinion internationale peut se voir dans la récente visite du Ministre
des Affaires Etrangères à New York chargé de photographies de Suu Kyi assignée
à résidence en bonne santé. Ce qui est inquiétant, a t-il dit, c'est que
ces photographies montraient la leader de l'opposition pro-démocratique "très
mince". Selon le Docteur Htun: " La situation actuelle en Birmanie est la
pire jamais connue en 14 ans. Après le 30 Mai (lorsque Suu Kyi fut arrêtée),
les militaires ont assigné à résidence ou emprisonné tout les leaders du
mouvement démocratique. Environ 100 personnes ont été tuées. Certains ont
fuit à la frontière et d'autres sont toujours cachés." Le Docteur Win d'ajouter:
" Nous sommes en train de reculer, peut-être en train de faire un pas en
arrière en Birmanie. Nous parlons encore aujourd'hui de liberté depuis l'arrestation,
plutôt que de dialogue et de réconciliation nationale.. l'idée d'un dialogue
politique inscrit dans un processus interne n'est plus valide."
Thaïlande: des militants
arrêtés le jour de l'anniversaire du Coup d'Etat
Source: The Irrawaddy, 18 septembre 2003
La police thaïlandaise a arrêté quinze militants birmans manifestant devant
l'ambassade de Birmanie à Bangkok aujourd'hui même, date du 15ème anniversaire
du coup d'Etat qui installa la junte au pouvoir. La police dispersa la manifestation
tôt ce matin et rassembla les participants, qui représentaient plusieurs
organisations birmanes différentes. Ceux arrêtés furent immédiatement envoyés
au siège du Centre de détention des Immigrés, selon les dires de Aung Nai
Htwe, le porte-parole du Comité d'Action commune pour la Démocratie, qui fut
arrêté et contacté au centre par téléphone. Selon Aung Nai Htwe les manifestants
essayaient de faire entendre la nécessité de renverser le régime militaire
birman et d'appeler à la libération de la leader de l'opposition Aung San
Suu Kyi ainsi que des autres prisonniers politiques. Cependant, les autorités
Thaïlandaises ont arrêté les participants quelques minutes après qu'ils soient
arrivés à l'ambassade. Les manifestants avaient prévenu hier le Ministère
de l'Intérieur Thaïlandais et le Conseil National de Sécurité que la manifestation
aurait lieu mais ne menacerait en rien la sécurité thaïlandaise, a dit Aung
Nai Htwe. Bangkok est sous très haute sécurité du fait qu'elle se prépare
à accueillir le sommet de l' Asia-Pacific Economic Cooperation le mois prochain.
Après leur arrivée au centre de détention des immigrés, les autorités thaïlandaises
ont informé ceux qui étaient arrêtés qu'ils seraient transférés dans un centre
de détention spécial dans l'Académie de police de Bang Khen dans le nord
de Bangkok. Tous ceux qui ont été arrêtés sont considérés par le Haut Commissariat
des Nations Unies pour les réfugiés comme des personnes d'intérêt. Un officiel
des nations Unies a ditaux détenus que l'organisation ne jouissait d'aucune
autorité pour obtenir leur libération. Pendant ce temps, environ 60 dissidents
birmans organisaient une cérémonie pour l'anniversaire du coup d'Etat dans
un temple bouddhiste de la capitale thaïlandaise. En Juin dernier, 11 militants
birmans pro-démocrates avaient été arrêtés en Thaïlande par les autorités
thaïlandaises, accusés de vouloir organiser une manifestation devant l'ambassade
de Birmanie à Bangkok le 30 Juin, date anniversaire du premier mois de détention
de Aung San Suu Kyi.
Des prisonniers assassinés
à la prison de Bassein
Source: Democratic Voice of Burma, 16 septembre
2003
Les forces de sécurité du SPDC ont ouvert le feu sur les prisonniers de
la prison de Bassein (Sud de la Birmanie) qui avaient entamé une grève de
la faim pour la libération d'Aung San Suu Kyi. Au moins quatre prisonniers
sont morts et de nombreux autres sont dits blessés. Personne ne sait réellement
combien de prisonniers politiques ont été tués ou blessés. Selon un communiqué
du NCGUB, le gouvernement en éxil, des prisonniers ordinaires avaient rejoint
les prisonniers politiques dans leur grève de la faim. Les forces de sécurité
s'étant rendus à la prison lundi ont brutalement réprimé la "rébellion".
Un habitant de Bassein a décrit l'incident à la DVB de la manière suivante:
"C'est vrai. J'ai entendu dire que 2 personnes avaient été tuées. C'est
arrivé il y a 3 ou 4 jours… J'avais entendu dire qu'il y avait de l'agitation
à l'intérieur de la prison et certains ont même entendu tirer des coups
de feu. Ca s'est passé à l'intérieur de la prison, on ne sait pas vraiment
ce qui s'est réellement passé. On m'a dit que des prisonniers qui devaient
être bientôt relâchés avaient aussi été tués. Je ne sais pas si se sont des
prisonniers politiques ou non… On m'a dit récemment que 4 personnes étaient
mortes et 10 autres ont été hospitalisées à l'hôpital de Bassein… En fait
ils ont ouvert le feu sur n'importe qui à leur portée".
Selon des dires non confirmés, 7 des blessés sont décédés plus tard à
l'hôpital. De plus, environ 150 prisonniers ont été enlevés de la prison
de Bassein dans deux camions, et personne ne sait où ils ont été emmenés.
7 prisonniers politiques avaient entamé une grève de la faim le 5 septembre
pour la libération de Aung San Suu Kyi, et avaient été suivis par des prisonniers
ordinaires le 8.
NDLR: il s'agit bien ici des prisonniers évoqués dans Net Hebdo n° 36
La junte militaire
organise des rassemblements pour gagner des soutiens à " la feuille de route
"
Source: Democratic Voice of Burma, 13 septembre 2003
Selon la radio Democratic Voice of Burma (DVB), des membres du NUP (Parti
de l’Union Nationale - anciennement le Parti du Programme Socialiste Birman)
commencent à réunir la population dans la ville de Patheingyi dans la division
de Mandalay, pour élargir le soutien populaire aux sept points de la feuille
de route du Général Khin Nyunt. Les habitants du village de Kyar-ni Kan dans
la commune de Patheingyi sont soumis a des pressions pour les inciter à
voter en faveur du Parti de l’Union Nationale lors de prochaines élections,
d’après le témoignage d’un membre de la Ligue Nationale pour la Démocratie
de Mandalay rapporté à la DVB. Selon un membre de la LND : "Il semble que
le comité organisateur du Parti pour l’Unité Nationale fait pression pour
les élections dans la commune de Patheingyi située dans la division de Mandalay.
Dans le village de Kyar-ni Kan appartenant à la commune de Patheingyi,
les organisateurs ont demandé à la population de voter pour le Parti de l’Unité
Nationale aux prochaines élections, leur promettant de répondre alors à
tous les besoins du village. Les organisateurs ont promis de demander aux
autorités de restituer les fermes et leurs terrains, réquisitionnés et transformés
en élevage de volailles et de poissons par U Than Aung, le ministre de la
coopération. Les villageois n’ont pas parut particulièrement intéressés et
sont même restés indifférents". De la même façon, un habitant de Pa-an,
affirmait que des rassemblements de masse en faveur des sept-points de la
feuille de route du SPDC ( Conseil pour la paix et le développement) se préparent
pour le 23 Septembre à Pa-an. Selon le témoignage d’un homme de Pa-an : "J’ai
entendu qu’ils se préparaient à organiser un rassemblement de masse le 23
Septembre comme pour montrer que la population soutient leur feuille de route.
Le fait est que ce genre de rassemblement ne peut être organisé que par les
autorités, personne d’autre ne le peut. Evidemment l’USDA (l'Association
pour l'Union et la Solidarité) peut être la meneuse de l’organisation. Lorsqu’ils
avaient tenu des rassemblements pour s’opposer à la LND, l’USDA s’occupait
avec eux de l’organisation. Ils peuvent augmenter le nombre de personnes,
chaque membre devant absolument assister au rassemblement". Il s’agissait
d’un témoignage d’un habitant de Pa-an selon lequel des rassemblements de
masse en faveur de la feuille de route du SPDC vont être tenus très prochainement
dans la ville de Pa-an, située dans l’Etat Karen. La même chose se prépare
pour le 20 Septembre dans la Division de Rangoon. Alors que des rassemblements
sont organisés pour soutenir sa feuille de route, le SPDC arrête, interdit,
harcèle et contraint les membres de la LND à céder les divisions de Tenasserim
et de Magwe. Le 28 Août, U Tin Maung Naing, le vice président de la LND de
la ville de Taungdwingyi et U Aung Ko, un membre de la LND, avait été convoqués
par les autorités et avaient été sommés de raconter leur biographie/ parcours
personnel.