Birmanie>Net Hebdo n° 42
La lettre d'information hebdomadaire d'Info Birmanie


Sommaire

  • Un ancien dirigeant de Total Birmanie entendu par un juge français
  • La Birmanie échappe à une condamnation, reçoit le soutien de l'Asie du Sud-Est
  • Le Japon s'oppose à la Birmanie lors du sommet régional à Bali
  • Aung San Suu Kyi prête à reparler de réformes politiques avec la junte 
  • Optimisme prudent après la visite de l'émissaire de l'ONU à Rangoun

Un ancien dirigeant de Total Birmanie entendu par un juge français
Source: AFP, 2 octobre 2003

 Un an après l'ouverture d'une enquête sur des accusations de travail forcé en Birmanie lors de la construction d'un gazoduc au cours des années 1990, un ancien directeur de la filiale birmane du groupe Total a été entendu jeudi par un juge de Nanterre (Hauts-de-Seine). Hervé Madéo, qui a dirigé Total Birmanie de 1992 à 1999, a été entendu en tant que témoin assisté pendant environ deux heures par la juge d'instruction Catherine Cornier, a-t-on appris de source proche du dossier. C'est la première fois qu'un cadre du groupe pétrolier français est appelé à s'expliquer dans ce dossier dans lequel aucune mise en examen n'a été prononcée. Le statut de témoin assisté est un statut hybride entre le témoin simple, contre lequel il n'existe a priori pas d'indice, et le mis en examen, contre lequel il existe "des indices graves ou concordants". Cette audition s'inscrit dans le cadre d'une information judiciaire ouverte le 9 octobre 2002 à la suite d'une plainte avec constitution de partie civile déposée par deux Birmans qui affirment avoir été contraints de travailler sur le chantier du gazoduc Yadana. Interrogé par l'AFP, l'un des avocats de M. Madéo, Me Jean Veil, a
affirmé que son client démontrera "que tout ce que lui reprochent des plaignants anonymes est infondé". "Tout comme les ONG, les groupes industriels et financiers et notamment Total font plus pour les populations locales en étant présents dans certains pays comme la Birmanie que ceux qui pérorent derrière les caméras de télévision", a-t-il ajouté. De leur côté, Mes William Bourdon et Bernard Dartevelle, avocats des plaignants à l'origine de cette procédure, ont estimé que l'audition de M. Madéo en qualité de témoin assisté démontrait "que le dossier repose sur des Eléments très sérieux". "A l'échelle des enjeux et des risques pour Total que représente cette procédure et à l'échelle de la situation précaire des plaignants, cette audition représente un pas très important", ont-ils expliqué. "Il y aura d'autres étapes et l'instruction sera longue et difficile", ont-ils ajouté. Le gazoduc Yadana, qui permet de transporter du gaz liquéfié depuis La mer d'Andaman au sud-est de la Birmanie jusqu'en Thaïlande a été construit à partir de 1994 par un consortium comprenant notamment Total et l'américain Unocal. Aux Etats-Unis, une cour d'appel fédérale a estimé en septembre 2002 qu'Unocal pouvait être poursuivi devant des juridictions fédérales pour des violations des droits de l'homme commises lors de la construction du gazoduc. Depuis le début de ce chantier, Total a été régulièrement accusé par des militants des droits de l'homme et par l'opposition politique à la junte militaire birmane d'avoir eu recours au travail forcé. Le groupe français a toujours rejeté ces accusations. En novembre 2002, son PDG, Thierry Desmarest, a notamment affirmé que Total n'avait "jamais recouru, directement ou indirectement, au travail forcé" en Birmanie. Une enquête de l'Organisation internationale du travail (OIT), menée en 1998, avait conclu que le recours au travail forcé était "généralisé et systématique" dans ce pays.


La Birmanie échappe à une condamnation, reçoit le soutien de l'Asie du Sud-Est
Source: AFP, 7 octobre 2003

La junte au pouvoir en Birmanie a échappé  mardi à une condamnation à Bali pour son traitement de l'opposante Aung San Suu Kyi et a reçu le soutien de ses partenaires d'Asie du Sud-Est dans sa volonté affichée de procéder à une transition démocratique. Les pays membres de l'Association des Nations d'Asie du Sud-Est (Asean)  réunis en sommet ont salué les "évolutions positives" récemment survenues en Birmanie et estimé que les sanctions internationales contre la junte de Rangoun ne favorisaient pas un changement démocratique. Les leaders de l'Asean se sont publiquement abstenus de toute critique alors que l'organisation avait réclamé la libération de Mme Suu Kyi avant ce sommet. La junte birmane a placé Mme Suu Kyi en résidence surveillée à son domicile le 26 septembre, après une intervention chirurgicale et près de quatre mois d'une détention qui avait suscité une vive condamnation internationale. Le communiqué de Bali salue "les récentes évolutions positives en Birmanie et l'engagement du gouvernement en faveur d'une transition vers la démocratie par le dialogue et la réconciliation". Le terme d'"évolutions positives" semble faire référence au transfert de Mme  Suu Kyi à son domicile. Le texte apporte aussi son soutien à la "feuille de route" du régime birman, un programme en sept points annoncé en août et qui prévoit notamment des élections "justes et libres" et une nouvelle Constitution. Cette "feuille de route" qui "impliquera toutes les couches de la société  birmane est une approche pragmatique et mérite la compréhension et le soutien",  dit le texte. Les chefs de l'Asean "sont aussi d'accord (sur le fait) que les sanctions n'aident pas à promouvoir la paix et la stabilité nécessaires pour qu'une démocratie s'enracine". La Birmanie est sous le coup d'une série de sanctions des Etats-Unis, du  Japon, de l'Union européenne et du Canada. Les Etats-Unis ont notamment décidé en août de nouvelles sanctions contre la junte, interdisant ainsi l'entrée aux Etats-Unis des exportations birmanes et les transferts de devises. Les ventes aux Etats-Unis représentent 70% des exportations textiles birmanes. Les responsables birmans ont affirmé que Mme Suu Kyi n'était pas en  détention, mais poursuivait sa convalescence à son domicile, sans que l'on sache clairement si cette présentation avait convaincu les membres de l'Asean. "Nous verrons une fois qu'elle aura récupéré quel sera le niveau de mouvement  dont elle pourra jouir", a expliqué un porte-parole indonésien. La Birmanie était représentée à Bali par son Premier ministre, le général Khin Nyunt. Les participants "sont très prudents parce que c'est un nouveau Premier ministre, alors il faut lui donner du crédit, et du temps pour régler les choses. C'est la manière d'agir de l'Asean", a expliqué un délégué sous couvert  d'anonymat. "Nous devons admettre qu'il y a un certain progrès, et je pense que nous devons montrer notre appréciation. Tous les progrès doivent s'accomplir par étapes. On ne peut pas tout changer du jour au lendemain", a déclaré de son côté le Premier ministre malaisien Mahathir Mohamad. En juin, les pays de l'Asean avaient enfreint une longue tradition de non-ingérence en appelant à la libération de Mme Suu Kyi. Mardi, près du lieu du sommet, quelque 25 défenseurs des droits de l'Homme ont déployé un portrait de Mme Suu Kyi à un carrefour. Mais la police indonésienne l'a rapidement enlevé.


Le Japon s'oppose à la Birmanie lors du sommet régional à Bali
Source: Associated Press, 7 octobre 2003

Tokyo exigeant la libération immédiate de la militante démocrate birmane Aung San Suu Kyi, le premier ministre japonais s'est confronté à son homologue birman sur la question, mardi, lors du sommet régional, a rapporté le porte-parole du gouvernement japonais. Le Premier Ministre japonais Junichiro Koizumi avait rencontré le Premier Ministre birman, le Général Khin Nyunt, pendant 5 minutes de façon informelle dans le cadre d'un sommet auquel les voisins Sud-asiatiques de la Birmanie avaient échoué à prendre des mesures contre l'attaque des militants pro-démocratiques par la junte militaire. "La communauté internationale est inquiète de la situation…concernant Suu Kyi et je suis personnellement impliqué et inquiet de la situation actuelle en Birmanie." A déclaré Koizumi à Khin Nyunt, selon le porte-parole du gouvernement japonais Jiro Okuyama. Selon Okuyama, Khin Nyunt a répondu en disant qu'il comprenait les inquiétudes de Koizumi et en ajoutant que depuis qu'il est Premier Ministre, il y a 2 mois, il a montré une "forte détermination de mener le pays vers la démocratisation." Cet échange est intervenu des heures après qu'Okuyama ait dit que Suu Kyi était toujours détenue, malgré les demandes contraires formulées auprès de la junte. "Nous insisterons, et nous insisterons au plus haut niveau, pour que Daw Aung San Suu Kyi soit immédiatement relâchée" a dit Okyama. Les 10 membres de l'ASEAN tenaient un sommet de deux jours à Bali, qui a pris fin mercredi, comprenant la japon, la Chine, la Corée du Sud et l'Inde. Avant la conférence, les membres de l'ASEAN, embarrassés de la captivité de Suu Kyi, avaient en vain poussé la Birmanie à la libérer de son assignation à résidence comme un signe de bonne volonté, mais ont cependant adhéré mardi à leur politique de non interférence dans le domaine de politique intérieure entre nations membres. "Ceci n'est pas un pas un arrière. C'est une illustration d'une approche par le dialogue que veut l'ASEAN." a dit Marty Natalegawa, le porte-parole du gouvernement indonésien. "Peu importe si nous l'aimons ou pas, la Birmanie fait partie de notre environnement régional…Nous ne pouvons pas espérer faire partir la Birmanie." Lors de la clôture partielle du sommet de l'ASEAN, le Président Indonésien Megawati Sukarnoputri qui accueillait le sommet, n'a fait aucune mention de Suu Kyi mais a cité les récentes promesses de la Birmanie de travailler vers la démocratie comme un "développement positif". La jute n'a donné aucun emploi du temps pour le déroulement du processus, ni la date de libération d'ASSK. Elle a gagné le Prix Nobel en 1991 pour son engagement pro-démocratique en Birmanie. Pendant ce temps, les défenseurs des droits de l'homme ont attaché un grand portrait à l'huile de la leader détenue sur un échaffaudage près du lieu où se tenait le sommet. Le portrait fut détaché et les militants dispersés par la police. " Il est vraiment dommage que les paroles fortes tenues par les leaders de l'ASEAN plus tôt cette année, après l'arrestation d'Aung San Suu Kyi , semble avoir été oubliées" a dit une organisatrice de la protestation Debbie Stothard membre du groupe militant ALTSEAN basé à Bangkok. A la suite du heurt du 30 Mai opposant ses partisans et un groupe pro-militaire au Myanmar, Suu Kyi avait été emprisonnée dans un lieu secret alors que la junte déclarait que c'était pour sa propre protection tout en combattant les sympathisants restants. Sa captivité et les attaques contre son parti pro-démocrate avait provoqué un scandale international. La semaine dernière, la junte a annoncé que, après avoir subit une opération à l'hôpital, Suu Kyi avait été autorisée à regagner sa maison le 26 Septembre dans la capitale du Myanmar. Les dirigeants du Myanmar cherchaient, en améliorant son statut - d'une captivité militaire à une assignation à résidence- à contourner le problème avant le sommet de cette semaine. Lors de discussions tenues le week-end avant le sommet, le Myanmar était allé plus loin, déclarant que Suu Kyi ne serait plus détenue longtemps, selon des officiels indonésiens. " Ils disent qu'elle se remet de son opération chez elle", a dit le porte parole du gouvernement indonésien Natalegawa. " Dans les prochains jours, nous verrons si cela correspond à la situation réelle. Les Etats-Unis, les Nations Unies et de nombreux voisins asiatiques du Myanmar ont exigé la libération de Suu Kyi.



Aung San Suu Kyi prête à reparler de réformes politiques avec la junte
Source: AFP, 2 octobre 2003

L'opposante birmane Aung San Suu Kyi est prête, depuis sa résidence où elle est assignée, à reprendre des discussions sur une démocratisation avec la junte, a annoncé jeudi à des diplomates l'émissaire de l'Onu en Birmanie, M. Razali Ismail. Le Malaisien, qui a quitté Rangoun après une 11e mission, n'a par ailleurs apparemment pas réussi à obtenir du gouvernement militaire un engagement sur une libération prochaine du chef de file de l'opposition, a précisé un diplomate. Ce dernier a ajouté que l'émissaire onusien n'avait pas fait savoir s'il avait explicitement demandé la libération du prix Nobel de la paix. Le seul résultat apparent de la visite du diplomate malaisien semble donc
provenir du côté de l'opposition, et non de la junte. Aung San "Suu Kyi a dit qu'elle est prête à travailler avec (le Premier ministre) Khin Nyunt", a indiqué le diplomate à l'AFP, ajoutant ne pas avoir eu "de détails" lors du traditionnel briefing donné par M. Razali au corps diplomatique avant son départ. "Elle pense qu'il pourrait y avoir une sorte de relation de travail entre eux", a dit le diplomate au sujet de Khin Nyunt qui est considéré comme le moins fermé au dialogue des hauts responsables birmans. Le Premier ministre avait présenté fin août une "feuille de route" sur une
démocratisation, avec l'élaboration d'une Constitution et des élections "libres et équitables", mais sans échéancier et qui ne mentionnait même pas Mme Suu Kyi. M. Razali "semble raisonnablement optimiste (quant au fait) que des discussions de réconciliation pourront commencer et que des progrès pourront être faits", a poursuivi le diplomate. L'envoyé spécial du secrétaire général de l'Onu Kofi Annan avait joué un rôle-clé dans l'ouverture de discussions entre la junte et l'opposition fin 2000.  Ces discussions piétinaient depuis la fin 2002 et ont connu un brutal coup d'arrêt avec l'arrestation d'Aung San Suu Kyi, le 30 mai. Les diplomates se sont dits déçus que la junte n'ait pas apporté de précisions à M. Razali sur la convention nationale qui sera chargée de rédiger une Constitution. "Il n'y a rien de défini, pas de calendrier", a déploré le même diplomate, "on n'est pas plus avancé". M. Razali a également indiqué aux diplomates --interdits de visite-- avoir trouvé Mme Suu Kyi, qui se relève à 58 ans d'une importante opération gynécologique, "bien et solide". "Mais nous n'allons rien voir avant Bali et il y a même des désaccords au
sein du gouvernement birman sur le statut" de Mme Suu Kyi, a ajouté le diplomate. L'Association des Nations d'Asie du Sud-Est (ASEAN) a demandé à Rangoun de libérer l'opposante avant son sommet dans l'île indonésienne de Bali les 7 et 8 octobre, de peur que cette question n'empoisonne pas les débats. "Aung San Suu Kyi lui a dit qu'elle voulait être libérée avec les autres", a poursuivi le diplomate, en référence aux autres dirigeants du parti de Mme Suu Kyi privés de liberté. "Elle ne veut pas être le centre d'intérêt (dans le monde) pour une libération qui serait isolée". Arrivé mardi à Rangoun, M. Razali a vu, outre Khin Nyunt, le généralissime  Than Shwe, numéro un de la junte, et Aung San Suu Kyi -- mais seulement une fois.

Optimisme prudent après la visite de l'émissaire de l'ONU à Rangoun
Source: AFP, 3 octobre 2003   

Un optimisme prudent prévalait vendredi, au lendemain de la visite de l'émissaire de l'ONU Razali Ismail qui a repris une diplomatie des tous petits pas pour tenter de rapprocher, un jour, la junte militaire au pouvoir et l'opposition sur une démocratisation en Birmanie. M. Razali a achevé jeudi une 11è mission à Rangoun sans avoir fait état, auprès des diplomates avec qui il s'est entretenu avant son départ, de la moindre annonce venant de la junte, dont il a rencontré deux représentants: le numéro un Than Shwe, et le Premier ministre Khin Nyunt. "Il va falloir voir ce qui se passe après la visite", indique un diplomate asiatique traduisant l'état d'esprit général. "Est-ce que des choses ont bougé avec cette visite? Je l'espère, mais franchement je n'en sais rien". "Razali n'a pas fait une visite brillante, il aurait sûrement espéré mieux", notait pour sa part un diplomate occidental, tout en remarquant que "tout le monde comprend que les Birmans ne donnent jamais de réponse tout de suite". Les diplomates avaient indiqué jeudi que M. Razali semblait "raisonnablement optimiste (quant au fait) que des discussions de réconciliation pourront commencer et que des progrès pourront être faits". Ils ont également relevé que, cette fois-ci, M. Razali avait pu voir Than  Shwe environ une heure, plus que ce qui lui est accordé habituellement.  La "feuille de route" présentée par une Birmanie sous pression internationale en août a été apparemment au coeur de leur entretien. Elle prévoit l'élaboration d'une Constitution et des élections "libres et équitables", mais sans échéancier et ne mentionne même pas Mme Suu Kyi. La question essentielle, soulignent les experts, est de savoir si le gouvernement va ressortir des placards une vieille Convention nationale lancée en 1993 mais dont la LND avait claqué la porte en 1996 en raison de son manque de représentativité, ou s'il tente l'ouverture et offre des conditions de participation que l'opposition pourrait trouver acceptables. "Ou c'est 'démocratique' et ils incluent tous les partis politiques et les
minorités ethniques, ou c'est le contraire", note un diplomate occidental. "C'est la seule question actuellement". Vendredi le très officiel New Light of Myanmar a confirmé la présence de Khin Nyunt au sommet de l'Association des Nations d'Asie du Sud-Est  à Bali. La rumeur avait couru que, n'ayant rien à offrir à l'ASEAN qui lui a demandé de libérer Mme Suu Kyi avant l'ouverture du sommet le 7 octobre, le Premier ministre annulerait son déplacement. Certains n'excluaient pas que Rangoun puisse faire une concession. "On peut continuer à espérer qu'un petit pas soit fait à Bali, qu'une annonce soit faite", indiquait la même source diplomatique. En tout cas la libération de Mme Suu Kyi, assignée à résidence, semblait exclue. Interrogé vendredi par la BBC sur cette option, le vice-ministre des Affaires étrangères Khin Maung Win répondait: "Nous avons eu quelques problèmes dans le passé. Alors quand la situation reviendra à la normale, là nous pourrons l'envisager".


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