Un ancien dirigeant de
Total Birmanie entendu par un juge français
Source: AFP, 2 octobre 2003
Un an après l'ouverture d'une enquête sur des accusations de travail forcé
en Birmanie lors de la construction d'un gazoduc au cours des années 1990,
un ancien directeur de la filiale birmane du groupe Total a été entendu
jeudi par un juge de Nanterre (Hauts-de-Seine). Hervé Madéo, qui a dirigé
Total Birmanie de 1992 à 1999, a été entendu en tant que témoin assisté
pendant environ deux heures par la juge d'instruction Catherine Cornier,
a-t-on appris de source proche du dossier. C'est la première fois qu'un
cadre du groupe pétrolier français est appelé à s'expliquer dans ce dossier
dans lequel aucune mise en examen n'a été prononcée. Le statut de témoin
assisté est un statut hybride entre le témoin simple, contre lequel il n'existe
a priori pas d'indice, et le mis en examen, contre lequel il existe "des
indices graves ou concordants". Cette audition s'inscrit dans le cadre d'une
information judiciaire ouverte le 9 octobre 2002 à la suite d'une plainte
avec constitution de partie civile déposée par deux Birmans qui affirment
avoir été contraints de travailler sur le chantier du gazoduc Yadana. Interrogé
par l'AFP, l'un des avocats de M. Madéo, Me Jean Veil, a
affirmé que son client démontrera "que tout ce que lui reprochent des plaignants
anonymes est infondé". "Tout comme les ONG, les groupes industriels et financiers
et notamment Total font plus pour les populations locales en étant présents
dans certains pays comme la Birmanie que ceux qui pérorent derrière les
caméras de télévision", a-t-il ajouté. De leur côté, Mes William Bourdon
et Bernard Dartevelle, avocats des plaignants à l'origine de cette procédure,
ont estimé que l'audition de M. Madéo en qualité de témoin assisté démontrait
"que le dossier repose sur des Eléments très sérieux". "A l'échelle des enjeux
et des risques pour Total que représente cette procédure et à l'échelle de
la situation précaire des plaignants, cette audition représente un pas très
important", ont-ils expliqué. "Il y aura d'autres étapes et l'instruction
sera longue et difficile", ont-ils ajouté. Le gazoduc Yadana, qui permet de
transporter du gaz liquéfié depuis La mer d'Andaman au sud-est de la Birmanie
jusqu'en Thaïlande a été construit à partir de 1994 par un consortium comprenant
notamment Total et l'américain Unocal. Aux Etats-Unis, une cour d'appel fédérale
a estimé en septembre 2002 qu'Unocal pouvait être poursuivi devant des juridictions
fédérales pour des violations des droits de l'homme commises lors de la construction
du gazoduc. Depuis le début de ce chantier, Total a été régulièrement accusé
par des militants des droits de l'homme et par l'opposition politique à
la junte militaire birmane d'avoir eu recours au travail forcé. Le groupe
français a toujours rejeté ces accusations. En novembre 2002, son PDG, Thierry
Desmarest, a notamment affirmé que Total n'avait "jamais recouru, directement
ou indirectement, au travail forcé" en Birmanie. Une enquête de l'Organisation
internationale du travail (OIT), menée en 1998, avait conclu que le recours
au travail forcé était "généralisé et systématique" dans ce pays.
La Birmanie échappe
à une condamnation, reçoit le soutien de l'Asie du Sud-Est
Source: AFP, 7 octobre 2003
La junte au pouvoir en Birmanie a échappé mardi à une condamnation à Bali
pour son traitement de l'opposante Aung San Suu Kyi et a reçu le soutien
de ses partenaires d'Asie du Sud-Est dans sa volonté affichée de procéder
à une transition démocratique. Les pays membres de l'Association des Nations
d'Asie du Sud-Est (Asean) réunis en sommet ont salué les "évolutions positives"
récemment survenues en Birmanie et estimé que les sanctions internationales
contre la junte de Rangoun ne favorisaient pas un changement démocratique.
Les leaders de l'Asean se sont publiquement abstenus de toute critique alors
que l'organisation avait réclamé la libération de Mme Suu Kyi
avant ce sommet. La junte birmane a placé Mme Suu Kyi en résidence surveillée
à son domicile le 26 septembre, après une intervention chirurgicale
et près de quatre mois d'une détention qui avait suscité une vive
condamnation internationale. Le communiqué de Bali salue "les récentes évolutions
positives en Birmanie et l'engagement du gouvernement en faveur d'une transition
vers la démocratie par le dialogue et la réconciliation". Le
terme d'"évolutions positives" semble faire référence au transfert de Mme
Suu Kyi à son domicile. Le texte apporte aussi son soutien à la "feuille de
route" du régime birman, un programme en sept points annoncé en
août et qui prévoit notamment des élections "justes et libres"
et une nouvelle Constitution. Cette "feuille de route" qui "impliquera toutes
les couches de la société birmane est une approche pragmatique et mérite
la compréhension et le soutien", dit le texte. Les chefs de l'Asean "sont
aussi d'accord (sur le fait) que les sanctions n'aident pas à
promouvoir la paix et la stabilité nécessaires pour qu'une démocratie
s'enracine". La Birmanie est sous le coup d'une série de sanctions des Etats-Unis,
du Japon, de l'Union européenne et du Canada. Les Etats-Unis ont notamment
décidé en août de nouvelles sanctions contre la junte, interdisant ainsi l'entrée
aux Etats-Unis des exportations birmanes et les transferts de devises. Les
ventes aux Etats-Unis représentent 70% des exportations textiles
birmanes. Les responsables birmans ont affirmé que Mme Suu Kyi n'était pas
en détention, mais poursuivait sa convalescence à son domicile, sans que
l'on sache clairement si cette présentation avait convaincu les membres de
l'Asean. "Nous verrons une fois qu'elle aura récupéré quel sera le niveau
de mouvement dont elle pourra jouir", a expliqué un porte-parole indonésien.
La Birmanie était représentée à Bali par son Premier ministre, le général
Khin Nyunt. Les participants "sont très prudents parce que c'est un nouveau
Premier ministre, alors il faut lui donner du crédit, et du temps pour régler
les choses. C'est la manière d'agir de l'Asean", a expliqué un délégué sous
couvert d'anonymat. "Nous devons admettre qu'il y a un certain progrès, et
je pense que nous devons montrer notre appréciation. Tous les progrès doivent
s'accomplir par étapes. On ne peut pas tout changer du jour au lendemain",
a déclaré de son côté le Premier ministre malaisien Mahathir Mohamad. En juin,
les pays de l'Asean avaient enfreint une longue tradition de non-ingérence
en appelant à la libération de Mme Suu Kyi. Mardi, près du lieu du sommet,
quelque 25 défenseurs des droits de l'Homme ont déployé un portrait
de Mme Suu Kyi à un carrefour. Mais la police indonésienne l'a rapidement
enlevé.
Le Japon s'oppose à la
Birmanie lors du sommet régional à Bali
Source: Associated Press, 7 octobre 2003
Tokyo exigeant la libération immédiate de la militante démocrate birmane
Aung San Suu Kyi, le premier ministre japonais s'est confronté à son homologue
birman sur la question, mardi, lors du sommet régional, a rapporté le porte-parole
du gouvernement japonais. Le Premier Ministre japonais Junichiro Koizumi
avait rencontré le Premier Ministre birman, le Général Khin Nyunt, pendant
5 minutes de façon informelle dans le cadre d'un sommet auquel les voisins
Sud-asiatiques de la Birmanie avaient échoué à prendre des mesures contre
l'attaque des militants pro-démocratiques par la junte militaire. "La communauté
internationale est inquiète de la situation…concernant Suu Kyi et je suis
personnellement impliqué et inquiet de la situation actuelle en Birmanie."
A déclaré Koizumi à Khin Nyunt, selon le porte-parole du gouvernement japonais
Jiro Okuyama. Selon Okuyama, Khin Nyunt a répondu en disant qu'il comprenait
les inquiétudes de Koizumi et en ajoutant que depuis qu'il est Premier Ministre,
il y a 2 mois, il a montré une "forte détermination de mener le pays vers
la démocratisation." Cet échange est intervenu des heures après qu'Okuyama
ait dit que Suu Kyi était toujours détenue, malgré les demandes contraires
formulées auprès de la junte. "Nous insisterons, et nous insisterons au plus
haut niveau, pour que Daw Aung San Suu Kyi soit immédiatement relâchée" a
dit Okyama. Les 10 membres de l'ASEAN tenaient un sommet de deux jours à
Bali, qui a pris fin mercredi, comprenant la japon, la Chine, la Corée du
Sud et l'Inde. Avant la conférence, les membres de l'ASEAN, embarrassés de
la captivité de Suu Kyi, avaient en vain poussé la Birmanie à la libérer
de son assignation à résidence comme un signe de bonne volonté, mais ont
cependant adhéré mardi à leur politique de non interférence dans le domaine
de politique intérieure entre nations membres. "Ceci n'est pas un pas un
arrière. C'est une illustration d'une approche par le dialogue que veut l'ASEAN."
a dit Marty Natalegawa, le porte-parole du gouvernement indonésien. "Peu
importe si nous l'aimons ou pas, la Birmanie fait partie de notre environnement
régional…Nous ne pouvons pas espérer faire partir la Birmanie." Lors de la
clôture partielle du sommet de l'ASEAN, le Président Indonésien Megawati
Sukarnoputri qui accueillait le sommet, n'a fait aucune mention de Suu Kyi
mais a cité les récentes promesses de la Birmanie de travailler vers la démocratie
comme un "développement positif". La jute n'a donné aucun emploi du temps
pour le déroulement du processus, ni la date de libération d'ASSK. Elle a
gagné le Prix Nobel en 1991 pour son engagement pro-démocratique en Birmanie.
Pendant ce temps, les défenseurs des droits de l'homme ont attaché un grand
portrait à l'huile de la leader détenue sur un échaffaudage près du lieu
où se tenait le sommet. Le portrait fut détaché et les militants dispersés
par la police. " Il est vraiment dommage que les paroles fortes tenues par
les leaders de l'ASEAN plus tôt cette année, après l'arrestation d'Aung San
Suu Kyi , semble avoir été oubliées" a dit une organisatrice de la protestation
Debbie Stothard membre du groupe militant ALTSEAN basé à Bangkok. A la suite
du heurt du 30 Mai opposant ses partisans et un groupe pro-militaire au Myanmar,
Suu Kyi avait été emprisonnée dans un lieu secret alors que la junte déclarait
que c'était pour sa propre protection tout en combattant les sympathisants
restants. Sa captivité et les attaques contre son parti pro-démocrate avait
provoqué un scandale international. La semaine dernière, la junte a annoncé
que, après avoir subit une opération à l'hôpital, Suu Kyi avait été autorisée
à regagner sa maison le 26 Septembre dans la capitale du Myanmar. Les dirigeants
du Myanmar cherchaient, en améliorant son statut - d'une captivité militaire
à une assignation à résidence- à contourner le problème avant le sommet
de cette semaine. Lors de discussions tenues le week-end avant le sommet,
le Myanmar était allé plus loin, déclarant que Suu Kyi ne serait plus détenue
longtemps, selon des officiels indonésiens. " Ils disent qu'elle se remet
de son opération chez elle", a dit le porte parole du gouvernement indonésien
Natalegawa. " Dans les prochains jours, nous verrons si cela correspond à
la situation réelle. Les Etats-Unis, les Nations Unies et de nombreux voisins
asiatiques du Myanmar ont exigé la libération de Suu Kyi.
Aung San Suu Kyi
prête à reparler de réformes politiques avec la junte
Source: AFP, 2 octobre 2003
L'opposante birmane Aung San Suu Kyi est prête, depuis sa résidence où
elle est assignée, à reprendre des discussions sur une démocratisation avec
la junte, a annoncé jeudi à des diplomates l'émissaire de l'Onu en Birmanie,
M. Razali Ismail. Le Malaisien, qui a quitté Rangoun après une 11e mission,
n'a par ailleurs apparemment pas réussi à obtenir du gouvernement militaire
un engagement sur une libération prochaine du chef de file de l'opposition,
a précisé un diplomate. Ce dernier a ajouté que l'émissaire onusien n'avait
pas fait savoir s'il avait explicitement demandé la libération du prix Nobel
de la paix. Le seul résultat apparent de la visite du diplomate malaisien
semble donc
provenir du côté de l'opposition, et non de la junte. Aung San "Suu Kyi
a dit qu'elle est prête à travailler avec (le Premier ministre) Khin Nyunt",
a indiqué le diplomate à l'AFP, ajoutant ne pas avoir eu "de détails" lors
du traditionnel briefing donné par M. Razali au corps diplomatique avant
son départ. "Elle pense qu'il pourrait y avoir une sorte de relation de travail
entre eux", a dit le diplomate au sujet de Khin Nyunt qui est
considéré comme le moins fermé au dialogue des hauts responsables birmans.
Le Premier ministre avait présenté fin août une "feuille de route" sur une
démocratisation, avec l'élaboration d'une Constitution et des élections
"libres et équitables", mais sans échéancier et qui ne mentionnait
même pas Mme Suu Kyi. M. Razali "semble raisonnablement optimiste
(quant au fait) que des discussions de réconciliation pourront
commencer et que des progrès pourront être faits", a poursuivi le diplomate.
L'envoyé spécial du secrétaire général de l'Onu Kofi Annan avait joué un rôle-clé
dans l'ouverture de discussions entre la junte et l'opposition fin 2000.
Ces discussions piétinaient depuis la fin 2002 et ont connu un brutal coup
d'arrêt avec l'arrestation d'Aung San Suu Kyi, le 30 mai. Les diplomates se
sont dits déçus que la junte n'ait pas apporté de précisions à M. Razali sur
la convention nationale qui sera chargée de rédiger une Constitution. "Il
n'y a rien de défini, pas de calendrier", a déploré le même diplomate, "on
n'est pas plus avancé". M. Razali a également indiqué aux diplomates --interdits
de visite-- avoir trouvé Mme Suu Kyi, qui se relève à 58 ans d'une importante
opération gynécologique, "bien et solide". "Mais nous n'allons rien voir
avant Bali et il y a même des désaccords au
sein du gouvernement birman sur le statut" de Mme Suu Kyi, a ajouté le
diplomate. L'Association des Nations d'Asie du Sud-Est (ASEAN) a demandé
à Rangoun de libérer l'opposante avant son sommet dans l'île indonésienne
de Bali les 7 et 8 octobre, de peur que cette question n'empoisonne pas les
débats. "Aung San Suu Kyi lui a dit qu'elle voulait être libérée avec les
autres", a poursuivi le diplomate, en référence aux autres dirigeants du
parti de Mme Suu Kyi privés de liberté. "Elle ne veut pas être le centre
d'intérêt (dans le monde) pour une libération qui serait isolée".
Arrivé mardi à Rangoun, M. Razali a vu, outre Khin Nyunt, le généralissime
Than Shwe, numéro un de la junte, et Aung San Suu Kyi -- mais seulement une
fois.
Optimisme prudent
après la visite de l'émissaire de l'ONU à Rangoun
Source: AFP, 3 octobre 2003
Un optimisme prudent prévalait vendredi, au lendemain de la visite de l'émissaire
de l'ONU Razali Ismail qui a repris une diplomatie des tous petits pas pour
tenter de rapprocher, un jour, la junte militaire au pouvoir et l'opposition
sur une démocratisation en Birmanie. M. Razali a achevé jeudi une 11è mission
à Rangoun sans avoir fait état, auprès des diplomates avec qui il s'est
entretenu avant son départ, de la moindre annonce venant de la junte, dont
il a rencontré deux représentants: le numéro un Than Shwe, et le Premier
ministre Khin Nyunt. "Il va falloir voir ce qui se passe après la visite",
indique un diplomate asiatique traduisant l'état d'esprit général.
"Est-ce que des choses ont bougé avec cette visite? Je l'espère, mais franchement
je n'en sais rien". "Razali n'a pas fait une visite brillante, il aurait
sûrement espéré mieux", notait pour sa part un diplomate occidental,
tout en remarquant que "tout le monde comprend que les Birmans ne donnent
jamais de réponse tout de suite". Les diplomates avaient indiqué
jeudi que M. Razali semblait "raisonnablement optimiste (quant
au fait) que des discussions de réconciliation pourront commencer
et que des progrès pourront être faits". Ils ont également relevé que, cette
fois-ci, M. Razali avait pu voir Than Shwe environ une heure, plus que ce
qui lui est accordé habituellement. La "feuille de route" présentée par
une Birmanie sous pression internationale en août a été apparemment au coeur
de leur entretien. Elle prévoit l'élaboration d'une Constitution et des élections
"libres et équitables", mais sans échéancier et ne mentionne même pas Mme
Suu Kyi. La question essentielle, soulignent les experts, est de savoir si
le gouvernement va ressortir des placards une vieille Convention nationale
lancée en 1993 mais dont la LND avait claqué la porte en 1996 en raison de
son manque de représentativité, ou s'il tente l'ouverture et offre des conditions
de participation que l'opposition pourrait trouver acceptables.
"Ou c'est 'démocratique' et ils incluent tous les partis politiques et les
minorités ethniques, ou c'est le contraire", note un diplomate occidental.
"C'est la seule question actuellement". Vendredi le très officiel
New Light of Myanmar a confirmé la présence de Khin Nyunt au sommet de l'Association
des Nations d'Asie du Sud-Est à Bali. La rumeur avait couru que, n'ayant
rien à offrir à l'ASEAN qui lui a demandé de libérer Mme Suu Kyi avant l'ouverture
du sommet le 7 octobre, le Premier ministre annulerait son déplacement.
Certains n'excluaient pas que Rangoun puisse faire une concession. "On peut
continuer à espérer qu'un petit pas soit fait à Bali, qu'une
annonce soit faite", indiquait la même source diplomatique. En
tout cas la libération de Mme Suu Kyi, assignée à résidence, semblait exclue.
Interrogé vendredi par la BBC sur cette option, le vice-ministre des Affaires
étrangères Khin Maung Win répondait: "Nous avons eu quelques problèmes dans
le passé. Alors quand la situation reviendra à la normale, là nous pourrons
l'envisager".