Edito
Suite à la réprobation internationale qu'a provoqué l'arrestation d'Aung
San Suu Kyi le 30 mai dernier, la junte birmane, après avoir fait la sourde
oreille pendant l'été, a tenté de montrer quelques signes de bonne volonté.
Le général Klhin Nyunt, considéré par certaines diplomaties comme un modéré,
est ainsi devenu Premier Ministre, et a multiplié les déclarations de son
intention de mener le pays vers la démocratie (cf. Net Hebdo 34, 35 et 36).
Outre que cette idée d'un Khin Nyunt "moderé" est contredite par les faits
(le dauphin de l'ancien dictateur, Ne Win, est entre autres en grande partie
responsable des massacres de 1988), les propositions avancées ne semblent
guère devoir donner d'espoir à tous ceux qui souhaitent voir le peuple birman
decider, enfin, de sa propre déstinée. En effet, la seule proposition concrète
avancée par les militaires consiste à relancer la Convention Nationale dont
la NLD avait claqué la porte en 1996 parce qu'elle ne s'etait révélée etre
qu'une farce à l'attention de la Communauté Internationale, sans réel pouvoir
d'améliorer en aucune façon les conditions de vie de 50 millions de birmans.
Selon les diplomates occidentaux, c'est cette meme mascarade que la junte
entend remettre au gout du jour, esperant que l'opposition, et donc la NLD
au premier chef, aurait "muri" (malheureusement, comme l'a dit un jour le
roi Thailandais, "Aung San Suu Kyi est une femme bornée", et ses companions
de lutte avec elle, qui ne se resoudront pas à abandonner le combat).
Si l'Union Européenne et les Etats-Unis ne semblent pas se laisser prendre
à ce piège grossier, on a pu etre etonné que les pays de l' ASEAN faiblissent
quelque peu dans leur position vis-à-vis de la Birmanie. Cependant, il est
évident qu'une telle Convention Nationale, pour peu qu'elle soit mise sur
pied avec une réelle volonté de progresser, serait la première étape obligée
à un changement démocratique. L'initiative prise par la Thailande au travers
de sa feuille de route, et soutenue par les autres pays de l'ASEAN et, depuis
peu, par la Chine, pourrait etre un progrés non négligeable.
Voilà donc les "amis de la démocratie en Birmanie", dont nous sommes, et
les démocrates birmans eux-memes, partagés entre le sentiment qu'on nous
ressert un plat qui n'est pas plus appétissant que les précedents, et le
constat pragmatique que de toutes façons on ne peut que travailler dans le
sens des pourparlers évoqués dans les articles qui suivent. Il s'agit donc
de ne pas succomber à la naiveté, tout en laissant sa chance à cette énième
tentative de faire bouger les militaires birmans. D'autant que la position
de la Chine, parce qu'elle est nouvelle et parce que ce pays est indubitablement
la clé de toute évolution en Birmanie, est à suivre de très prés avec le
plus grand interet.
C'est bien là notre intention.
La Chine va tenter de mettre fin à l’impasse en Birmanie
Source : The Nation (Thaïlande), 22 Octobre 2003
La Chine s’est engagée à soutenir la Thaïlande dans ses efforts pour mettre
fin à l’impasse politique en Birmanie et pour mener l’Etat militaire vers
une réconciliation nationale et la démocratie. C’est ce qu’a indiqué hier
le ministère thaïlandais des affaires étrangères.
Le porte-parole du ministère, Sihasak Phuangketkeow, a déclaré que la Chine,
allié majeur de la Birmanie, a accepté de participer à un forum international
sur la Birmanie si la junte militaire acceptait elle-même d’y participer.
Le ministre des affaires étrangères, Surakiart Sathirathai, a rencontré
son homologue chinois, Li Zhaoxing, en marge du sommet de l’APEC, aux fins
de discuter de la mise en place d’un forum avec pour but d’examiner la feuille
de route publiée par la junte birmane et devant mener la Birmanie à la démocratie.
Sihasak a pour sa part précisé que les lieu et date du forum restaient
encore à déterminer.
Surakiart a invité les pays “d’accord” à se joindre à eux, mais n’a pas
fait savoir quels pourraient être ces pays.
En marge du sommet de l’ASEAN qui a eu lieu ce mois-ci à Bali, le Premier
Ministre birman, Khin Nyunt, avait quant à lui répondu positivement à la
proposition du Premier Ministre Thaksin Shinawatra de mise en place du forum.
Thaksin a également traité de la crise birmane avec le Président américain
George W Bush. Mais les deux dirigeants partagent des opinions différentes
sur la manière de résoudre l’impasse en Birmanie.
En attendant, la junte militaire au pouvoir en Birmanie a condamné le Président
Bush pour avoir utilisé le sommet de l’APEC comme tribune de soutien au
leader de l’opposition Aung San Suu Kyi.
" Le gouvernement du Myanmar [Birmanie] a été déçu d’apprendre que les
Etats-Unis se sont opposés pendant le sommet de l’APEC aux progrès du Myanmar
tendant à la démocratie et qu’ils continuent à préconiser des mesures qui
ébranlent la stabilité sociale, politique et économique du pays ", a indiqué
un porte-parole du gouvernement.
La condamnation de la junte par la communauté internationale s’est intensifiée
avec l’arrestation d’Aung San Suu Kyi.
Le Prix Nobel de la Paix est actuellement en résidence surveillée. La dernière
personne à lui avoir rendu visite est l’envoyé spécial des Nations Unies
Ismail Razali.
Au mois d’août, Khin Nyunt a dévoilé une feuille de route en sept points
devant conduire son pays à la démocratie. Cette feuille de route présente
l’engagement de mettre en place des élections " libres et équitables " dans
un futur encore indéterminé.
" La communauté internationale devrait soutenir la Birmanie s’il [le régime
militaire] fait des pas concrets par rapport à ce qu’ils ont promis de faire
" a déclaré Sihasak.
La Thaïlande a refusé d’imposer des sanctions à la Birmanie, a-t-il ajouté,
parce que cette solution ne permet pas d’atteindre le but ultime.
Le Premier Ministre japonais Junichiro Koizumi a pour sa part fait savoir
qu’il avait rencontré Khin Nyunt en marge du sommet de l’ASEAN et a suggéré
que le dirigeant birman utilise tous ses pouvoirs pour libérer Aung San
Suu Kyi et pour mener le pays sur la voie de la démocratie.
" Je suis persuadé que le Myanmar est conscient de cette préoccupation
", a-t-il déclaré, ajoutant que le Japon souhaiterait renouer ses liens
avec Rangoon lorsque la crise politique sera résolue.
Le Japon représente un des principaux donateurs de la Birmanie, mais a
gelé son assistance financière à Rangoon après l’arrestation de Suu Kyi.
La Chine va participer
aux pourparlers sur la Birmanie
Source : The Irrawady, 22 octobre 2003
Les figures de l’opposition à Rangoon ont indiqué que la proposition faite
par la Chine d’aider à mettre fin à l’impasse politique en Birmanie était
significative, mais ont prévenu la Chine de ne pas ignorer l’opposition
au sein du pays.
" Chaque pays, quel qu’il soit, y compris la Chine, doit tenir compte des
groupes d’opposition s’il souhaite réellement aider le processus politique
birman ", a déclaré Hkun Htun Oo, dirigeant d’une minorité ethnique et basé
à Rangoon.
Le ministre des affaires étrangères chinois Li Zhaoxing a déclaré que la
Chine était prête à travailler avec les pays d’Asie du Sud-Est afin de favoriser
le processus de réconciliation en Birmanie. C’est ce qu’a indiqué hier un
porte-parole du ministère thaïlandais des affaires étrangères.
La Chine a accepté la proposition faite par la Thaïlande de convoquer une
réunion sur la Birmanie avant la fin de l’année. Il est également prévu
que le Premier Ministre birman Khin Nyunt participera à cette réunion.
Hkun Htun Oo, qui préside la Ligue Nationale Shan pour la Démocratie (SNLD),
a déclaré que l’implication de la Chine était importante du fait des liens
forts et stables entre Pékin et Rangoun. " La Chine a une influence certaine
sur le gouvernement birman, " a-t-il ajouté.
La Chine a toujours appuyé le gouvernement militaire birman, tant politiquement
qu’économiquement. L’armée chinoise a fourni des armes, des bateaux de guerre
et des avions aux troupes birmanes.
Un Membre du Parlement élu, appartenant à la Ligue Nationale pour la Démocratie
(LND), Han Zaw, a déclaré que le gouvernement birman dépendait de la Chine
et que l’intérêt porté par Pékin à la politique birmane était une bonne
chose pour les peuples de Birmanie. Mais Han Zaw que Hkun Htun Oo ont tous
deux indiqué qu’ils attendaient de voir ce que ferait la Chine ensuite.
Les activités des groupes politiques au sein du pays restent étroitement
contrôlés. Tous les principaux leaders de la LND, y compris Aung San Suu
Kyi, ont été arrêtés depuis les affrontements du 30 mai dernier entre des
groupes soutenus par le gouvernement et les partisans de la LND.
Les groupes ayant
signé un cessez-le-feu se préparent pour la Convention nationale
Source : The Irrawady, 22 octobre 2003
Trois groupes de l’Etat Shan en Birmanie ayant signé un cessez-le-feu avec
la junte militaire birmane au pouvoir ont énoncé les conditions qui devront
être remplies pour qu’ils acceptent de participer à la Convention Nationale.
Quinze leaders de l’Armée Unifiée de l’Etat Wa (USWA), de l’Armée de l’Etat
Shan (Nord) et de l’Armée de l’Alliance Démocratique Nationale se sont rencontrés
du 13 au 15 octobre à Pangshang, dans l’Etat Shan, aux fins de discuter
de la Convention Nationale, qui constitue le premier pas prévu par le Premier
Ministre Khin Nyunt dans sa feuille de route devant aboutir à la démocratie
dans son pays.
Une déclaration conjointe publiée à l’issue de la réunion reconnaît que
la " Convention Nationale est au cœur de la résolution de nos problèmes internes
", et déclare que les groupes rebelles acceptent d’envoyer leurs délégués
si ces derniers sont invités par la junte, mais uniquement si certaines
conditions sont remplies.
Cette déclaration a été reçue par l’Agence de presse Shan Herald Agency
for the News, basée à Chiang Mai en Thaïlande.
Les conditions citées incluent la liberté de réunion des leaders des minorités
ethniques, la liberté de choisir les délégués, l’inclusion et la participation
de tous les délégués " légitimes ", la liberté de discussion et d’action
pendant la convention et l’assurance que la convention va établir des principes
démocratiques.
Sao Seng Suk, analyste Shan chevronné, pense que les liens politiques et
économiques entre la Chine et l’Armée Unifiée de l’Etat Shan (UWSA) vont
inciter le groupe Wa à participer au processus de démocratisation de la Birmanie.
" Je pense que les préparations ont eu lieu du fait de l’implication de
la Chine ", a-t-il dit.
Les ministres des affaires étrangères chinois et thaïlandais ont convenu
hier de tenir une réunion en Thaïlande dans le courant de l’année, comprenant
" les pays d’accord " afin de soutenir la feuille de route établie par la
junte birmane.
Mai Aik Phone, Secrétaire Général du Front de Libération Palaung, pense
pour sa part que l’Armée Unifiée de l’Etat Shan (UWSA) remet en cause ses
relations avec la junte militaire birmane et la Chine. Les relations entre
l’UWSA et la junte ont mal tourné, a-t-il dit.
Au début du mois d’août, les leaders Wa ont demandé au gouvernement militaire
birman de reconnaître la légitimité du Parti Unifié de l’Etat Wa, l’aile
politique de l’USWA. La junte militaire n’a pas encore donné sa réponse.
Le mois dernier l’Organisation pour l’Indépendance Kachin, l’un des plus
importants groupes à avoir signé un cessez-le-feu, a accepté la reprise
de la Convention Nationale dans des conditions similaires.
L’ASEAN exhorte Thaksin
à demander la libération de Suu Kyi
Source : The Nation, 21 octobre 2003
L’Association des Nations du Sud-Est Asiatique (ASEAN) a appelé le Premier
Ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra à utiliser le sommet de l’APEC pour
exiger que la junte birmane libère le leader de l’opposition, Aung San Suu
Kyi.
" Les dirigeants de l’ASEAN demandent au Premier Ministre Thaksin de se
faire le porte-parole de l’ASEAN sur la question du Myanmar [Birmanie] au
cours du sommet de l’APEC ", a déclaré Blas Ople, ministre des affaires étrangères
des Philippines.
" [Suu Kyi] est toujours en résidence surveillée, " a déclaré Ople au journal
The Nation dans un entretien exclusif.
Thaksin a tenu un déjeuner d’affaires dimanche avec les dirigeants de sept
des dix nations de l’ASEAN avant le sommet de l’APEC. La Birmanie, le Laos
et le Cambodge ne font pas partie de l’APEC.
Ople a précisé que la demande de libération de Suu Kyi serait consignée
dans la déclaration du président, et serait rendue publique aujourd’hui, à
l’issue du sommet de l’APEC.
" La Birmanie devrait libérer Aung San Suu Kyi immédiatement si le pays
souhaite montrer qu’il s’engage sérieusement dans le processus de réconciliation
politique, et s’il souhaite octroyer une quelconque crédibilité à sa soi-disant
feuille de route ", a ajouté Ople.
En août, la junte birmane a proposé une feuille de route en sept points,
geste politique manifestant son intention de reprendre le processus de réconciliation
nationale et amener la démocratie dans son pays.
Les Philippines ont une position ferme sur l’impasse politique en Birmanie
et ont exigé la libération de Suu Kyi. Ople a personnellement pris une part
importante dans la pression exercée sur la junte birmane au pouvoir au cours
de la réunion des ministres de l’ASEAN à Phnom Penh au mois de juin.
En exhortant à la libération de Suu Kyi, l’ASEAN a violé son principe sacro-saint
de non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats. Mais l’ASEAN a
également contrarié les puissances occidentales lorsqu’elle a reconnu la
feuille de route birmane et l’a saluée comme étant un développement positif.
Suu Kyi est récemment rentrée chez elle après être sortie d’un hôpital
à Rangoon où elle avait dû être opérée.
La junte ne lui autorise que de rares visites.
Le président américain George W Bush a également demandé la libération
de Suu Kyi au cours du sommet de l’APEC. Washington a réagi à sa détention
en imposant des sanctions économiques à la Birmanie et en gelant les avoirs
du gouvernement birman.
Le ministres japonais des affaires étrangères, Yoriko Kawaguchi a également
utilisé le sommet pour demander sa libération. Le Japon, donateur clé de
la Birmanie, a cessé d’apporter son aide financière à des projets de développement.
La Thaïlande et l’Indonésie ont adopté des attitudes plus souples envers
la Birmanie et ont loué les progrès réels entrepris par la junte militaire
birmane
Le Secrétaire d’Etat Colin Powell a déclaré que l’ANSEA pouvait adopter
des approches différentes pour parvenir au même résultat.
Koizumi demande à la Birmanie
de faire des efforts pour libérer Suu Kyi
Source : Japan Economic Newswire, 21 octobre 2003
Le Premier Ministre japonais Junichiro Koizumi a exprimé mardi son " profond
espoir " de voir la junte du Myanmar faire des efforts pour libérer la leader
de l’opposition pro-démocratique Aung San Suu Kyi.
" J’ai demandé au Premier Ministre Khin Nyunt de faire preuve d’un plus
grand leadership sur les questions de la libération de Madame Suu Kyi et de
la démocratisation. J’espère sincèrement que la Birmanie prodiguera des efforts
à cette fin ", a déclaré Koizumi, interrogé sur la position du Japon sur
la question lors d’une conférence de presse à Bangkok, à l’issue du sommet
de l’APEC.
Koizumi a formulé cette demande lorsqu’il a rencontré Khin Nyunt au début
du mois sur l’île indonésienne de Bali, en marge des discussions entre les
dirigeants de l’ASEAN, de la Chine, du Japon et de la Corée du Sud.
A cette époque Khin Nuynt aurait, selon les autorités japonaises répondu
à Koizumi qu’il était au courant des préoccupations internationales et qu’il
mettait tout en œuvre pour apporter la meilleure solution au problème.
Suu Kyi, lauréate du Prix Nobel de la Paix en 1991, a été arrêtée le 30
mai dans le nord du Myanmar, après ce qui a été qualifié par la junte de violents
affrontements entre ses partisans et des manifestants pro-junte.