Birmanie>Net Hebdo n° 45 - 6 novembre 2003
La lettre d'information hebdomadaire d'Info Birmanie


Sommaire

  • 50 000 Rohingya seraient sur le point de passer la frontière avec le Bangladesh
  • Les militaires enflamment le conflit religieux
  • Des coupures de courant qui aggravent la peur de violences religieuses
  • Couvre-feu imposé par la junte
  • Les attaques anti-musulmanes se propagent vers le sud de la Birmanie

50 000 Rohingya seraient sur le point de passer la frontière avec le Bangladesh
Source : Narinjara News, Dhaka, 1er novembre 2003

Les Bangladesh Rifles (BDR) seraient en état d’alerte, et la frontière fermée.

Environ 50 000 Rohingya de l’Etat d’Arakan, en Birmanie ont campé le long de la rivière Naf ces derniers jours avec l’intention de traverser la frontière pour se rendre au Bangladesh. Les Bangladesh Rifles (BDR) sont en état d’alerte et auraient fermé la frontière, selon le journal bangladeshi Daily Star de ce jour.

Le journal a indiqué que les autorités du Bangladesh tentent de confirmer cette information, en provenance de la frontière Bangladesh-Birmanie, d’un possible afflux de musulmans Rohingya craignant des représailles de la communauté de l'Arakan.

Le vice-commissionnaire de Cox’s bazar, Saifuddin Ahmed a déclaré au Daily Star dans un entretien téléphonique la nuit dernière que la frontière était fermée afin de repousser tout flux de rohingya venant de l’autre côté de la rivière, frontière entre les deux Etats voisins.
" Nous avons mis en place une garde à la frontière et les Bangladesh Rifles ont été mis en état d’alerte ", a déclaré le député commissionnaire.

Quant à l’information selon laquelle les forces de la police aux frontières birmane, la Nasaka, seraient en train d’accumuler des troupes le long de la frontière, celle-ci n’a pas été confirmée par l’administrateur du district.

La station radiophonique BBC a cité les déclarations faites la nuit dernière le ministre des affaires étrangères M Morshed Khan selon lesquelles des mesures de précaution avaient été prises pour éviter toute intrusion.

Le malaise frontalier a coïncidé avec des discussions jeudi sur la question des réfugiés birmans qui ont eu lieu lors d’une réunion entre le ministre bangladeshi de la gestion et de la réparation des catastrophes et les deuxième et troisième secrétaires de l’ambassade américaine à Dhaka.

De décembre 1991 à mars 1992, 250 000 Rohingya ont fui l'Arakan dans l’ouest de la Birmane vers le Bangladesh devant la peur de tortures, de persécutions religieuses et de travail forcé de la part de l’armée birmane.

Tous les Rohingyas qui ont fui la Birmanie en 1991-1992, excepté environ 20 000 d’entre eux, sont retournés chez eux sous l’initiative du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR)

Le gouvernement birman a déclaré qu’il accepterait seulement 7 500 des 21 800 personnes dont l’identité birmane a été vérifiée.

L’organisme des Nations Unies a demandé au Bangladesh d’intégrer les 14 000 rohingya restant avec les bangladeshi, mais le Bangladesh n’a pas accepté la demande faite par l’UNHCR.

Des rapatriements ont eu lieu depuis 1997, mais le processus s’est principalement heurté à la réticence des réfugiés à l’idée de rentrer chez eux et à la procédure assez longue de vérification du côté de la frontière birmane.


Ce sont les militaires qui enflamment le conflit religieux, affirment des résidents
Source : The Irrawady, 29 octobre 2003

Le gouvernement militaire de Birmanie est en train d’enflammer le conflit entre bouddhistes et musulmans afin de retarder la réconciliation politique. C’est ce qu’affirment des résidents ainsi qu’un diplomate occidental à Rangoun.
De petits affrontements ont éclaté entre bouddhistes et musulmans dans plusieurs villes à travers le pays, après l’émeute qui a eu lieu le 19 octobre à Kyaukse, dans la circonscription de Mandalay et au cours de laquelle une douzaine de musulmans auraient été tués. Selon plusieurs déclarations, cette émeute à Kyaukse a été déclenchée lorsque trois musulmans ont coupé la tête d’une statue de Bouddha dans la ville.
Le diplomate a déclaré que les autorités militaires peuvent désormais citer les troubles religieux pour justifier le danger qui existe à vouloir libérer le leader de l’opposition Aung San Suu Kyi, actuellement en résidence surveillée. Le diplomate a indiqué que des " faux moines " ont été aperçus en train de porter des rasoirs et des talkies-walkies près d’un zoo de Rangoun. En Birmanie, seuls les services secrets et les officiers de police ont le droit de porter de telles radios.
Certains dissidents dans la capitale sont d’accord sur le fait que le régime est en train de réveiller l’instabilité religieuse pour justifier le non-respect de sa promesse de reprise du dialogue politique. Les dirigeants musulmans pensent que les émeutes sont motivées par des groupes politiques, mais ne savent pas s’il faudrait s’en prendre au gouvernement ou à des dissidents.
Hamid, secrétaire de l’Union des Birmans Musulmans (All Burma Muslim Union), basée en Thaïlande, indique que soit le gouvernement militaire, soit des groupes pro-démocratiques situés à l’intérieur du pays sont à l’origine de cette l’instabilité religieuse, avec pour volonté de faire avancer leur propre agenda politique.
Le vice-président du Conseil Islamique Religieux du Myanmar (Myanmar Islamic Religious Council), basé à Rangoun, Soe Moe Aung, a indiqué pour sa part que les autorités gouvernementales avaient arrêté plusieurs personnes liées aux émeutes. Il a déclaré à la BBC que bien que certains hommes aient été vêtus en habits de moines, ils auraient pu être des civils.
Le gouvernement a ordonné aux magazines et aux journaux de faire paraître des articles accusant des groupes dissidents en exil de faire entrer clandestinement en Birmanie des sarongs sacrilèges portant des symboles bouddhistes. L’un des groupes montrés du doigt par la junte, le National League For Democracy basé à Mae-Sot (Territoire libéré) a démenti une telle allégation.
L’animosité religieuse a toujours existé entre musulmans et bouddhistes en Birmanie, mais les troubles se sont multipliés ces dernières semaines. Le week-end dernier, déclare Soe Moe Aung, un musulman a été blessé et hospitalisé lors d’un affrontement religieux dans le quartier de Thingangyun, à Rangoun. Et cette semaine, on a rapporté de petits affrontements à Mandalay. Plusieurs musulmans et bouddhistes auraient été blessés, mais ces informations m’a pas été confirmées.

Près de 90% de la population birmane est bouddhiste. Les musulmans représentent environ 4% de la population.


Des coupures de courant qui aggravent la peur de violences religieuses

Source : The Irrawady, 4 novembre 2003

Des nouvelles de coupures de courant et des rumeurs qui se répandent de plus en plus aggravent les peurs dans les quartiers musulmans de la Birmanie, d’une violence religieuse continuelle dans tout le pays. C’est ce qu’ont indiqué des sources en provenance de Rangoun.
Des émeutes entre bouddhistes et musulmans ont dans un premier temps éclaté à Kyauskse, dans le centre de la Birmanie, où environ douze musulmans auraient été tués. La violence s’est ensuite propagée dans les centres urbains du pays, y compris à Rangoun et Mandalay, faisant un nombre indéterminé de morts.
" Ce problème est très sérieux, puisque des personnes ont été tuées ", déclare Htein Lin, un ancien éditeur de journal, aujourd’hui disparu, Botataung. Il ajoute que les gens ne connaissent pas réellement l’ampleur ou les raisons de cette violence. " Les gens doivent être informés. Sinon, la cohésion sociale de la communauté se désagrégera ", dit-il.
Un habitant musulman de Kandawlay, quartier musulman de Rangoun, dit que sa femme et d’autres musulmans s’empressent de s’approvisionner en riz et autres produits de première nécessité dans le cas où les affrontements religieux rendraient difficile tout déplacement hors de leur maison. " Ces jours-ci, je ne peux pas dormir la nuit. J’ai peur que des foules viennent nous détruire ", dit-il.
Des sentiments anti-musulmans se diffusent depuis des années, mais ils se diffusent désormais de façon plus importante. Des tracts excoriating? Les musulmans ont récemment été affichés dans certains monastères. " De nombreux bouddhistes pensent que tout ce drame est orchestré par le régime ", déclare Theingi, ancien militant politique de Rangoun. " Bien que les militaires prétendent défendre les musulmans, de telles émeutes n’auraient jamais pu avoir lieu dans les grandes villes sans que les services secrets (Military Intelligence) n’en soient préalablement informés. " Plus tôt dans la semaine, une série d’attaques anti-musulmanes s’est produite à Pakkoku, dans le centre de la Birmanie, provoquant la destruction de plusieurs habitations, boutiques, et véhicules appartenant à des musulmans. Les troupes militaires sont intervenues et ont tiré des coups de feu en l’air pour disperser les foules.
Une habitante a fait savoir au service birman de la BBC que les résidents locaux ont appris que des violences contre les musulmans auraient peut-être lieu quelques jours avant que les émeutes éclatent vraiment.
Selon des témoins, des camions militaires patrouillent dans les rues de Rangoun pour prévenir toute violence religieuse supplémentaire. Les moines bouddhistes qui se trouvaient dans la rue ou dans des teashops ont été renvoyés dans leurs monastères par les patrouilles, ont ajouté les témoins.
Cependant, un journaliste à Rangoun a indiqué que la junte militaire devrait dire la vérité au public si celle-ci était réellement concernée d’étouffer la violence et de protéger les innocents.
Selon l’AFP, la junte a confirmé qu’il y avait eu des " troubles (…) entre des personnes de confession différentes ", mais aucune explication concernant ces émeutes n’est apparue dans les media locaux au sein de la Birmanie.


Couvre-feu imposé par la Birmanie qui admet des pertes à la suite de troubles religieux
Source : Agence France Presse, 30 octobre 2003

La Birmanie a déclaré jeudi avoir imposé un couvre-feu dans une ville du centre du pays suite à des violences entre musulmans et bouddhistes qui se sont soldées par des pertes non divulguées, dans la ville de Mandalay et ses alentours.

" Des troubles ont récemment éclaté dans la ville de Mandalay et dans quelques autres endroits entre des personnes de confessions différentes ", a indiqué le gouvernement militaire birman dans une déclaration faxée a l’AFP.
" Un couvre-feu a été imposé dans la commune de Kyaukse par mesure de précaution à la suite de ces incidents. "

Radio Free Asia (RFA),citant la déclaration d’un témoin de ces troubles, a indiqué mercredi qu’une douzaine de personnes, majoritairement musulmans, ont été tuées, dont une femme enceinte et un enfant, lors d’incendies au cours d’émeutes qui se sont déroulées à Kyaukse le 19 octobre.

La RFA, basée à Washington, a ajouté que le témoin avait vu beaucoup de cadavres de personnes mortes pendant les incendies.

" Nous avons très vite vu un cadavre après l’autre. Ils les emmenaient à l’hôpital ", a fait savoir ce témoin anonyme, un résident du quartier de Kan Oo, à Kyaukse, à RFA.
Il aurait également décrit avoir emmené le corps brûlé de 11 personnes dans des sacs au cimetière musulman dans l’après-midi du 20 octobre, pour les enterrer.

Rangoun n’a pas souhaité divulguer d’information sur d’éventuels morts pendant les troubles, préférant user d’un langage évasif pour décrire ce qui s’est passé.

" Malheureusement ces troubles ont provoqué des pertes et des dégâts matériels ", s’est contentée d’ajouter la junte, insistant sur le fait que les détails ne pouvaient être rendus publics tant qu’une investigation était en cours.

La junte a déclaré qu’à la suite de l’intervention des autorités locales et des dirigeants religieux " tout est désormais revenu dans l’ordre " dans les endroits qui avaient été en proie aux émeutes, , et que " des mesures juridiques ont été prises contre les individus qui ont perturbé la loi et l’ordre ainsi que la paix et la tranquillité dans ces endroits. "

Des foules séditieuses ont été vues marchant dans les rues de Kyaukse dans la nuit du 19 octobre, selon la RFA, qui a cité les déclarations de résidents selon lesquelles la mosquée locale Su Gyi avait été incendiee.

Les groupes de défense des droits de l’homme ont exprimé leur inquiétude que le Myanmar ait provoqué des affrontements violents entre les groupes ethniques et religieux, en partie pour éloigner l’attention des problèmes politiques.


Les attaques anti-musulmanes se propagent vers le sud de la Birmanie
Source: Democratic Voice of Burma, 29 octobre 2003

Les attaques anti-musulmanes, qui se sont déclenchées dans le centre de la Birmanie, se propagent désormais vers la capitale Rangoon, dans le sud du pays. Les 25 et 26 octobre, un groupe de " moines " bouddhistes a saccagé les propriétés de musulmans habitant la commune de Thinganggyum. Les propriétaires ont également été attaqués et leur biens détruits.

Bien que les autorités aient arrêté et détenu les personnes responsables de l’attaque d’un homme d’affaires local, U Htay Kywe, le 25 octobre, la plupart des habitants pensent, eu égard à ce qu’elles ont vu, que ce sont les autorités elles-mêmes qui ont systématiquement organisé ces attaques. U Htay Kywe a été hospitalisé et a reçu 9 points de suture à la suite des blessures reçues sur la tête. Ces attaques non provoquées ont été commises par quelques " moines " et des civils. Selon un résident, les auteurs de ces attaques ont versé du pétrole sur lui alors qu’ils lui demandaient de l’argent, mais ne l’ont pas brûlé.

Le 26 octobre, les attaquants se sont également livrés au saccage et ont attaqué des propriétaires et des employés de restaurants musulmans locaux.

Dans le même temps, des lettres de menaces ont été envoyées au domicile de musulmans à Moulmein, dans l’Etat Mon, et leur habitations ont fait l’objet de jets de pierres. Leurs maisons sont actuellement " gardées " par les forces de sécurité locales.


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