Erratum
Dans son dernier numéro, Net Hebdo faisait état de 50 000 Rohingya, la
minorité musulmane de l'Etat Arakan, sur le point de quitter leur pays pour
le Bangladesh. Cette information, qui etait d'autant plus crédible qu'en
1991-92, 250 000 d'entre eux avaient déjà trouvé refuge dans ce pays, s'est
avérée être erronée.
Tout d'abord, nous nous excusons auprès de nos lecteurs pour cette erreur.
Mais à tout prendre, et sans se chercher de fausses excuses, il est très
intéressant de comprendre comment on a pu en arriver là. C'est que cette information
sortait tout droit d'une dépêche de Narinjara, un de ces organes de presse
montés par des opposants birmans qui ont compris que la connaissance par
les populations du reste du monde des souffrances du peuple de Birmanie etait
leur meilleure arme. Et d'habitude, c'est à dire plusieurs fois par jour,
les nouvelles qu'ils nous apportent sont de la plus grande qualité, malgré
les moyens humains et financiers dérisoires dont disposent nos amis. Mais
en l'occurrence, privés de renseignements de première main par la tension
même qui régnait alors sur la frontière, les militants-journalistes de Narinjara
se sont contentés de reproduire une information publiée par deux quotidiens
bangladeshi, et suffisamment alarmante, et comme nous l'avons dit très crédible,
pour être diffusée sans attendre qu'il ne soit trop tard. Mal leur en a pris,
et nous à la suite, mais au moins peut-on juger des craintes qui animent
les Arakanais musulmans, des deux cotés de la frontière, et les bangladeshi
eux-mêmes. Une rumeur a enflée, qui pour n'avoir été qu'une rumeur, n'en etait
pas moins révélatrice. On pourra s'en étonner, mais paradoxalement cette
erreur, réparée depuis, nous semble être une occasion de plus de féliciter
et soutenir ces journalistes qui n'en sont pas et qui seuls produisent de
la mémoire sur un drame que sans eux ont connaîtrait moins bien.
Mael Raynaud
Le plus important rassemblement
à la Pagode Shwedagon depuis le massacre du 30 mai dernier
Source : Network Media Group, 18 novembre 2003
Plus de 350 membres de la LND venus de 35 communes à travers le pays,
se sont rassemblés au coin de la célèbre Pagode Shwedagon pour célébrer
le 83ème anniversaire de la fête nationale birmane.
Les jeunes membres de la Ligue Nationale pour la Démocratie, le parti
d'Aung Sang Suu Kyi, font voeu de démocratie pour leur pays, après avoir
rendu hommage à leurs ancêtres, qui ont sacrifié leur vie en1920 pour l'indépendance
de la Birmanie, a déclaré un jeune membre de la LND de Rangoun.
A 10 heures ce matin, plus de 350 militants venus de 35 communes, et plus
précisément, de 25 communes de la circonscription de Rangoon, de 3 communes
de la circonscription de l'Irrawady, d'une commune de la circonscription
de Pegu et de trois communes de la circonscription de Magwe se sont rassemblés
sur la plate-forme de la Pagode Shwedagon, ont rendu hommage et ont prêté
serment devant le Pilier de la Fête Nationale , symbole du sentiment national
et de l'indépendance.
Un jeune membre de la LND a expliqué à NMG quel était le but de l'hommage
et du rassemblement de cette 83ème fête nationale.
" Notre objectif est de rendre hommage à nos ancêtres qui se sont rassemblés
à cet endroit historique en 1920 et qui ont boycotté la politique éducative
de la Grande-Bretagne coloniale. De la même façon, nous jeunes membres de
la Ligue Nationale pour la Démocratie jurons au même endroit de la Pagode
Shwedagon et promettons que nous ferons tout notre possible pour restaurer
la démocratie dans notre pays ", a indiqué le jeune membre de la LND.
A 10 heures, près de 200 membres portant l'uniforme de la LND qui s'étaient
rassemblés à Thway-Say-Kan ont marché main dans la main depuis l'escalier
nord et on prié pour leur leader Aung San Suu Kyi à la Pagode Shwedagon.
Bien que l'on n'ait signalé aucune arrestation de jeunes membres de la
LND, la situation a failli se dégrader lorsque les jeunes de la LND se sont
retrouvés face à un nombre important de personnels de sécurité et d'agents
secrets ce matin. Cependant, les deux camps sont parvenus à contrôler la situation
calmement.
"Soixante-dix membres de la police et des Services Secrets (Military Intelligence
ou MI) étaient en train de nous surveiller avec leurs appareils photos et
leurs caméras vidéo. Les autorités ont posé un tamis en fer autour du Pilier
de la Fête Nationale. Nous avons de la chance parce que l'Assemblée Générale
des Nations Unies est en session actuellement. Personne n'a été arrêté. Mais
je ne suis pas sûr qu'ils ne viendront pas le soir chez moi pour m'arrêter.
", a déclaré un jeune membre de la LND.
Les jeunes membres de la LND ont marché autour de l'escalier de la Pagode
Shwedagon et se sont dirigés deux par deux vers le monastère de Tharthanagone,
au sein de la Pagode Chauk-Htat-Kyi
Bien que le gouvernement de Rangoun ait officiellement énoncé les principes
de la fête nationale, il n'existe aucun communiqué sur la fête nationale
à Rangoun.
Dans le même temps, le gouvernement militaire birman a officiellement
fait connaître les objectifs du 83eme anniversaire de la fête nationale.
Ces objectifs sont (a) le maintien d'un esprit national fort et dynamique
et l'essor du prestige et de l'intégrité nationale, (b) l'essor de l'éducation
nationale, (c) la perpétuation de l'indépendance et de la souveraineté de
l'Etat, (d) le succès du futur programme politique en sept points de l'Etat.
Les militants démocrates et les Nations-Unies ont unanimement critiqué
la feuille de route en sept points proposée par le gouvernement militaire
pour son absence de calendrier et son approche partiale.
La junte birmane libère
cinq proches d'Aung San Suu Kyi
Source: AFP, 24 novembre 2003
La junte au pouvoir en Birmanie a annoncé lundi la libération, après près
de six mois de résidence surveillée, de cinq hauts responsables de la Ligue
nationale pour la démocratie (LND) dirigée par l'opposante Aung San Suu Kyi,
qui, elle, reste privée de liberté.
Un responsable de la junte a précisé à l'AFP que quatre responsables de
la LND -- Hla Pe, Nyunt Wai, Than Tun and Soe Myint -- avaient été libérés
dimanche et un cinquième, Lun Tin, lundi.
Les cinq militants avaient été arrêtés le 30 mai en même temps que leur
présidente, Mme Suu Kyi, prix Nobel de la paix en 1991, lors d'une embuscade
apparemment tendue par la junte dans le nord de la Birmanie.
Mme Suu Kyi ainsi que les huit membres du Comité exécutif central de la
Ligue avaient alors été appréhendés. Le président de la LND, Aung Shwe,
et son secrétaire U Lwin, sont toujours en résidence surveillée. Le vice-président,
Tin Oo, est détenu dans une prison proche de la frontière indienne.
Aung San Suu Kyi avait été mise au secret en mai avant d'être placée en
résidence surveillée depuis la fin septembre. Cet assouplissement de ses
conditions de détention avait relancé les espoirs d'une possible libération.
L'élargissement des cinq responsables intervient peu avant la date anniversaire
de leurs six mois de résidence surveillée. A cette échéance, la junte aurait
été contrainte par la loi de choisir entre une prolongation de six mois de
leur "détention" ou une libération.
Mis à part Aung San Suu Kyi, 58 ans, les responsables de la Ligue encore
détenus ont entre 70 et 80 ans. "Ils sont âgés, leur place n'est pas en prison",
avait lancé il y a une dizaine de jours le rapporteur spécial de la Commission
des droits de l'Homme de l'ONU Paulo Sergio Pinheiro qui avait effectué
une mission d'une semaine en Birmanie.
Il avait alors demandé à la junte de libérer 1.300 prisonniers politiques.
Depuis 2001, la junte en a relâché 500 environ, avait-il expliqué, mais en
détient toujours 1.300.
M. Pinheiro avait déclaré, après avoir rendu visite à l'opposante birmane,
qu'elle refuserait toute libération avant que ses collègues soient relâchés.
Selon le rapporteur, 153 figures de l'opposition ont été placés en détention
après les troubles du 30 mai, précisant que 27 d'entre eux étaient toujours
derrière les barreaux.
Ces mesures avaient provoqué un tollé parmi la communauté internationale
et en particulier les Etats-Unis et l'Union européenne qui avaient renforcé
les sanctions économiques contre le régime militaire birman.
Dans une récente interview à la BBC, le vice-ministre birman des Affaires
étrangères Khin Maung Win avait déclaré que les restrictions imposées à l'opposante
seraient levées à un moment jugé approprié.
Aung San Suu Kyi refuse
d'être libérée
Source: Reuters, 8 novembre 2003
par Aung Hla Tun
La junte militaire birmane a levé l'assignation à résidence de l'opposante
Aung San Suu Kyi, mais celle-ci refuse d'accepter la liberté
tant que 35 collègues incarcérés ne seront pas relâchés, a déclaré l'émissaire
des Nations unies au Myanmar, Paulo Sergio Pinheiro.
"Elle n'acceptera aucun privilège ni aucun accès à la liberté de mouvement
tant que quiconque a été arrêté depuis le 30 mai n'aura pas
été libéré", a déclaré samedi Pinheiro lors d'une conférence de presse.
L'émissaire de l'Onu pour les droits de l'Homme, en mission dans le pays
depuis le 1er novembre, a révélé avoir été informé par la junte que Suu
Kyi, interpellée après des affrontements entre ses partisans et des fidèles
de la junte le 30 mai, n'était plus assignée à résidence.
Il a rencontré jeudi la chef de file de la Ligue nationale pour la démocratie,
lauréate 1991 du prix Nobel de la paix, avec qui il s'est
entretenu pendant deux heures.
Mais Aung San Suu Kyi demande que 35 responsables ou militants de la LND
interpellés avec elle le 30 mai soient libérés et réclame une enquête indépendante
sur les violences qui eurent lieu ce jour-là. Chaque partie se renvoie la
balle sur les responsabilités.
"Elle veut la justice, pas la vengeance", a déclaré Pinheiro. L'opposante
a déclaré: "Avançons, travaillons à ce que cela ne se reproduise pas", selon
l'émissaire brésilien.
Cependant, a ajouté Pinheiro, les généraux au pouvoir "n'ont pas encore
accepté" cette offre de conduire "une évaluation indépendante" des événements
du 30 mai.
Ils n'ont par ailleurs donné aucune indication sur la date à laquelle
Aung San Suu Kyi pourrait retrouver sa liberté d'aller et venir.
PAS D'ENQUETE SUR L'ETAT SHAN
Pinheiro a également indiqué qu'il n'avait pas obtenu de la junte une
enquête indépendante sur des exactions présumées dans l'Etat de Shan, où
une ethnie minoritaire se bat contre le pouvoir central.
Ce n'est pas la première fois que Suu Kyi pose des conditions à sa libération.
Elle est assignée à résidence depuis la victoire dans les
urnes promise à la LND en 1990, mais ignorée par la junte. Sa résidence
surveillée a été entrecoupée de brèves périodes de liberté.
Quelques semaines avant les violences de mai, survenues lors d'une tournée
en province de la prix Nobel de la paix, Suu Kyi était apparue en public
car elle croyait au succès des efforts de l'Onu pour relancer un dialogue
de réconciliation, selon des diplomates.
Mais au lieu de cela, la dirigeante de la LND a été incarcérée dans un
lieu tenu secret, pour sa propre sécurité selon la junte, après les
affrontements sanglants du 30 mai.
Elle a ensuite été autorisée à être hospitalisée pour une intervention
chirurgicale, avant de regagner sa villa de Yangon en septembre.
Le journaliste birman Win
Tin est emprisonné à Rangoun depuis 14 ans
Source: Le Monde, 20 novembre 03
Selon RSF, 132 reporters sont incarcérés, un record.
Reporters sans frontières (RSF) organisait jeudi 20 novembre la Journée
annuelle des parrainages, occasion pour les médias français et européens
d'apporter leur soutien aux journalistes emprisonnés. RSF a tenu à souligner,
lors de ce rendez-vous, que 2003 était l'année d'un triste record avec un
total de 132 journalistes détenus dans le monde.
Depuis de nombreuses années, Le Monde parraine Win Tin. Agé de 73 ans,
ce journaliste birman est en prison depuis 14 ans.
Enfermé dans sa cellule de la prison d'Insein, à Rangoun, cet ancien rédacteur
en chef du quotidien Hanthawathi , vice-président de l'Association des écrivains
de Birmanie et membre du comité exécutif de la Ligue nationale pour la démocratie
(LND) a été arrêté le 4 juillet 1989. Il a été condamné à trois reprises,
d'abord pour avoir hébergé une jeune femme qui avait avorté, pratique interdite
en Birmanie, puis en 1992 pour "propos séditieux et pamphlets incitant à
la trahison contre l'Etat". Enfin, en 1996, il est jugé coupable "d'avoir
publié de la propagande antigouvernementale afin de provoquer des mutineries
en prison". En tout, il cumule une condamnation à vingt ans de réclusion.
Début 2003, un officier militaire a, une nouvelle fois, proposé à Win
Tin de signer le document 401 qui permettrait sa libération, mais l'empêcherait
de reprendre toute activité politique. Celui qui fut l'un des mentors en
politique du Prix Nobel de la paix, Aung San Suu Kyi, a refusé. Ces "offres"
de renoncement lui sont régulièrement proposées. Il s'oppose toujours à tout
reniement de son engagement auprès de la Ligue nationale pour la démocratie,
spoliée de sa victoire électorale en 1990. Malgré une santé chancelante, Win
Tin poursuit sa résistance pacifique aux autorités militaires birmanes.
DOUBLE ATTAQUE CARDIAQUE
Les mauvaises conditions de détention du journaliste l'ont considérablement
affaibli. Pendant six mois, entre 1995 et 1996, il a été enfermé dans une
niche de chenil, où il dormait à même le sol en béton. Victime d'une double
attaque cardiaque, il multiplie depuis les séjours à l'hôpital.
C'est d'ailleurs dans sa chambre d'hôpital que Win Tin a reçu le 5 février,
la visite de la délégation d'Amnesty International, pour la première fois
en mission d'enquête en Birmanie à l'invitation de la junte militaire. Le
journaliste et les représentants de l'organisation ont pu s'entretenir librement
pendant plus d'une heure. La délégation d'Amnesty a précisé que le moral
de Win Tin était excellent et que son état de santé était raisonnablement
bon. En mai, il a rejoint sa cellule de la prison d'Insein.
Grâce à la mobilisation internationale, la notoriété de Win Tin a franchi
les frontières birmanes et ses conditions d'incarcération se sont quelque
peu améliorées. En juillet, il a été autorisé à recevoir et lire les journaux
officiels, mais encore aucun livre ni magazine. De plus, il lui est toujours
interdit d'écrire.
Laurence Girard
L'album de photographies Helmut Newton pour la liberté de la presse est
en vente dans les kiosques, les Fnac et la grande distribution, au profit
des journalistes emprisonnés, l'initiative de RSF (152 pages, 8 euros).