Birmanie>Net Hebdo n° 52 - 11 février 2004
La lettre d'information hebdomadaire d'Info Birmanie


Sommaire numéro spécial éducation

  • Interview de Thar Nyunt Oo, syndicaliste étudiant membre de l'ABFSU
  • Les enfants sacrifiés de la junte birmane


Interview de Thar Nyunt Oo, syndicaliste étudiant membre de l'ABFSU
Cette interview à été réalisée le 10 février 2004 dans les locaux d'Info Birmanie, à l'occasion de la visite de Thar Nyunt Oo en Europe.

Qu’est ce que l’ABFSU ?

L'All Burma Federation of Student Unions est une organisation historique qui a initié et dirigé le combat non violent des étudiants birmans depuis les années 30.

Quelle est votre fonction au sein l’ABFSU ?

Je suis le vice-secrétaire du comité des affaires étrangères de l’ABFSU, basé sur la frontière birmano-thaï. Nous, c’est-à-dire le comité, sommes juste une branche de l’ABFSU, le porte-parole au niveau international des activités de l'organisation à l'interieur du pays.

C'est à dire ?

Comme toutes les organisations politiques, l'ABFSU est illégale. Il lui est donc impossible de faire connaître au reste du monde la réalité de la situation dans le pays.

Pouvez-vous nous faire un historique de l’ABFSU et des mouvements étudiants en Birmanie jusqu'à septembre 88 ?

L'All Burma Federation of Student Unions est une organisation historique dans l’histoire de la politique birmane. Elle a été créée en 1936 pendant les mouvements anti-coloniaux, par Aung San, fondateur de l’armée birmane et héros national. Les étudiants de l’ABFSU ont lutté pour l’indépendance nationale et prôné la paix et la démocratie en Birmanie. Cependant ils ont été forcé d’agir clandestinement après le coup d’Etat militaire de1962 et l’interdiction de tous les groupes civils en Birmanie. Le régime militaire a disloqué et détruit l’union historique des étudiants et a tué énormément d’étudiants. L’ABFSU a guidé pacifiquement les étudiants pour la cause de la démocratie et des droits de l’Homme lors des mouvements pro-démocratiques de 1988. Min Ko Naing, le leader du mouvement de mars à septembre, a été élu président de l’ABFSU lors d’un rassemblement étudiant en septembre 1988. Depuis l’ABFSU se bat pour les droits des étudiants, le droit à l’éducation, la liberté de l’enseignement, et les droits politiques en Birmanie. A cause de cette activisme des milliers d'étudiants ont été arrêtés, torturés, et emprisonnés. Aujourd’hui plus de 800 étudiants dont Min Ko Naing sont toujours dans différentes prisons militaires. Mais la plupart des membres de l’ABFSU sont toujours clandestinement en activité à l’intérieur de la Birmanie et l'ABSDF a pris la tete des mouvements étudiants de 1990, 1991, 1994, 1996, 1998, 1999, et 2001.

Comment avez-vous rejoint l’ABFSU et qu’avez-vous fait entre mars et septembre 88 ?

J’étais étudiant en médecine dans l’institut de médecine de Rangoun en 1988. Et je suis devenu dirigeant de l’Union Étudiante de l’Institut de Médecine (IMSU). J’ai participé aux mouvement de mars à juin 1988, en tant que leader activiste de l’IMSU. Je ne connaissais rien de la politique à cette époque, mais je participais aux mouvements  car je n’aimais pas le comportement des soldats à l’égard des étudiants. Ensuite, j’ai pris conscience de la situation politique de la Birmanie et des souffrances du peuple. C’est pourquoi j’ai beaucoup participé aux mouvements jusqu’à maintenant. Lorsque mon organisation de base a été affilié à l’ABFSU, je suis devenu le représentant de l’IMSU au sein de l’ABFSU. J’ai donc été élu membre exécutif de l’ABFSU en juin 1990 au cours d ‘une conférence étudiante à Mandalay. J’ai alors dirigé les actions de l’ABFSU. Puis j’ai été arrêté et condamné à 5 ans de prison par le régime.
 
C'est à ce moment que l'ABFSU s'est séparée en trois. Pourquoi ?

En 1988, après le coup d’Etat militaire et l’assassinat de milliers de manifestants dont des étudiants, certains d'entre nous pensaient que seule la lutte armée pourrait renverser le régime militaire. Ils ont donc fui près de la frontière et ont créé l'ABSDF (All Burma Students Democratic Front), un groupe armé. D’autres pensaient que les étudiants devraient participer plus activement à la vie politique et former un parti politique étudiant. Ces étudiants, dont le secrétaire général de l’ABFSU, Moe Thee Zun, ont créé le Democratic Party for a New Society (le DPNS, Parti Démocratique pour une Nouvelle Société). Enfin, beaucoup d’étudiants dont le président de l’ABFSU croient toujours en la position pacifique de l’ABFSU et restent militants de cette organisation.
    
Comment avez-vous été arrêté et combien de temps êtes-vous resté en prison ?

J’ai été arrêté deux fois. La première fois de mars à août 1989 à cause de mes activités étudiantes. J’ai été arrêté une deuxième fois en septembre 1990 chez moi, alors que le régime tentait d’arrêter tous les leaders de l’ABFSU et j’ai été interrogé au centre des services secrets militaires pendant un mois, ils m’ont torturé physiquement et mentalement. La cour militaire m’a condamné à 5 ans de prison. Au début, pendant un an, j’étais à la prison de Insein, puis j’ai été transféré à la prison de Tayet, basé au centre de la Birmanie et ensuite à la prison de Monywa.

Quand avez-vous quitté la Birmanie et pourquoi ?

J’ai été libéré de prison en 1995. J’ai rejoint secrètement l’ABFSU. J’étais chargé du comité d’organisation de l’ABFSU en 1995 et 1996. Au cours des manifestations étudiantes de Rangoun en 1996, j’étais aussi un membre dirigeant du mouvement. En décembre 1996, dans une conférence de presse du SLORC, j’ai été nommé et accusé d’etre un agitateur communiste. Donc j'ai du me cacher pendant un mois en Birmanie avec l’aide de mes collègues. Ensuite, j’ai fui à la frontière thaïlandaise en 1997. Après les manifestations étudiantes de 1998 en Birmanie, d’autres étudiants ont fui en Thaïlande.
Avec l’accord de l’association basée à l’intérieur du pays, nous avons créé ensemble le Comité des Affaires Étrangères de l’ABFSU (responsable des activités au niveau international) en Thaïlande, l'ABFSU-FAC.
 
Quelles sont les fonctions de l’ABFSU-FAC ?

(1) La diffusion d’information et la documentation :
L'ABFSU-FAC diffuse régulièrement des informations sur les répressions du régime à l’égard des mouvements étudiants, la situation des étudiants en Birmanie, la perte des droits des étudiants et des droits à l’éducation en général, la violation des droits de l’Homme par le régime, la situation actuelle de l’éducation et des prisonniers politiques. En ce qui concerne les prisonniers politiques, nous sommes en étroite collaboration avec l’AAPP -Association d'Aide aux Prisonniers Politiques- (les membres de l’AAPP font également partie de l’ABFSU et sont également membres de l’ABFSU-FAC). L’ABFSU-FAC rédige chaque année un rapport sur la situation de l’éducation et fait un travail de sensibilisation auprès de l’UNESCO, UNICEF et autres institutions en rapport avec ce travail.  
(2) Les relations internationales et les campagnes :
L’ABFSU est un membre actif de l’Union Internationale des Étudiants (IUS) et de l’association des Étudiants d’Asie (ASA) . Nous travaillons donc également beaucoup avec ces organisations et ces associations d’étudiants luttant pour la paix dans le monde, l’éducation et la justice sociale. Nous assistons souvent aux meetings de l’ONU et des Forums de société civile. En parallèle, nous rencontrons également beaucoup de responsables gouvernementaux combattant pour la démocratisation et la réconciliation de la Birmanie.
(3) Le soutien économique aux activités de l'ABFSU en Birmanie

Quelle est la situation actuelle de l’éducation en Birmanie ?

La Birmanie fait partie des pays membres de la convention des droits de l’Enfant des Nations Unies. D’après l’article 28 de la convention, et la session 20/a de la loi nationale sur l’enfant, l’école primaire devrait être gratuite pour tous les enfants. Mais l’école gratuite n’est pas quelque chose de courant en Birmanie étant donné les frais très élevés de scolarité et les autres frais relatifs à l’école, qui sont à la charge des parents, déjà en grande difficulté pour subvenir à leurs besoins les plus élémentaires. Conséquence, le taux d’abandon de l’école augmente de plus en plus en Birmanie. Le gouvernement n’a pris aucune mesure pour lutter contre ce taux d’abandon, même s’il était dans l'obligation d’agir. Les allocations  gouvernementales (budget national) sont extrêmement irrégulières. Alors que l’éducation ne dispose pas de fonds suffisants, le budget militaire ne cesse d’augmenter. Conclusion, les écoles sont, chaque année, un peu moins fréquentées. Le système d’entrée à l’université en Birmanie a aussi des conséquences sur l’égalité des droits à l’éducation. D’après le guide gouvernemental des universités publié par le ministère de l’éducation, le pourcentage de femmes dans les universités est très restreint dans la plupart des institutions (voir le rapport 2002 de l’ABFSU sur l’éducation).
La qualité de l’enseignement se dégrade en Birmanie. Il n’y a pas assez de bibliothèques, de salles, d’enseignants qualifiés, et pas assez de soutien du gouvernement. Le programme de formation des enseignants, géré par le ministère de l’éducation, est organisé par l’armée. Les professeurs doivent suivre les entraînements militaires. Les formations d’enseignants ne servent qu’à leur montrer comment réprimer les mouvements étudiants et aider le gouvernement à garder le contrôle. Le développement créatif des étudiants n’est pas encouragé par le système éducatif actuel et les structures politiques.  

Pourquoi etes vous venu en Europe ?

Je suis venu assister à la session précédent la réunion du comité des Nations Unies sur les droits de l’Enfant en Birmanie/Myanmar à Genève. Ensuite, j’ai rencontré des responsables de l’ONU et les responsables du ministère des Affaires Étrangères en France, aux Pays-Bas, et des responsables du conseil européen en Belgique.

Comment nous, en tant que citoyens européens, pouvons nous vous aider ?

Avant 1990, nous, c’est-à-dire le peuple et notamment les étudiants, nous sentions seuls dans notre lutte pour l’avènement de la démocratie en Birmanie. Aujourd’hui, nous recevons de nombreux messages de solidarité avec nos mouvements. C’est très encourageant pour nos actions et nos manifestations à l’intérieur de la Birmanie. SVP n’abandonnez pas la Birmanie et soutenez au plus profond de vous-même la cause birmane et la démocratie. Et demandez à votre gouvernement de nous aider à construire un pays démocratique, où les droits de l’Homme seront respectés. Donc faîtes pression économiquement et politiquement sur le régime militaire birman pour que la Birmanie devienne un pays démocratique avec un gouvernement civil. 

Comment imaginez-vous le futur de la Birmanie ?

Je suis optimiste en ce qui concerne le futur de la Birmanie. Je crois que ce genre de dictature militaire disparaitra bientôt de la planète et doit être renversé. J’espère que le régime militaire réalisera de lui-même que lui seul ne peut plus détenir tout le pouvoir et tout diriger.
Mais, nous avons besoin de temps au cours de la transition démocratique, comme nous devons reconstruire notre pays.


Propos receuillis par Mael Raynaud.
Traduit de l'anglais par Camille Denis.


Les enfants sacrifiés de la junte birmane
Paru le Mardi 10 Février 2004
Le Courrier
Un quotidien suisse d'information et d'opinion
www.lecourrier.ch

Faillite du système éducatif, armée qui enrôle dès 11 ans, déplacements forcés de populations...

Par Simon Petite  

Réunis à Genève, plusieurs ONG ont dénoncé le sort réservé aux enfants qui grandissent sous la dictature birmane. L'Organisation internationale du travail vient de publier un rapport qui démontre qu'il est possible de mettre fin à l'exploitation des enfants.

"Le Myanmar est l'un des pays en développement qui se préoccupent le plus du bien-être des enfants." Le régime militaire qui tient sous sa botte la Birmanie (qu'elle a renommée Myanmar) n'a pas peur de l'emphase. Cette citation est tirée du deuxième rapport que les autorités birmanes vont présenter devant le Comité des droits de l'enfants des Nations Unies en mai prochain. Pour préparer cette échéance, plusieurs organisations de défense des droits humains se rencontraient jeudi dernier à Genève. Et c'est peu dire que leur appréciation de la situation diverge de la propagande officielle. Un chiffre résume le "souci" des militaires birmans pour le sort des enfants: pour les années 1998 et 1999, l'Etat a consacré moins de 7% de ses dépenses à l'éducation contre 49% pour son armée.1 Le déséquilibre se serait encore accentué, selon les ONG réunies à Genève.
Depuis leur coup d'Etat de 1962, les militaires concentrent toutes les richesses du pays, confisquant si besoin les terres et les biens ou recourant au travail forcé. Leur mainmise sur la société birmane s'est renforcée après les manifestations pour la démocratie de 1988 – qui furent réprimées dans le sang – et après les élections de 1990 remportées par la Ligue nationale pour la démocratie (LND) de la Prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi. La junte ne reconnut pas sa défaite et emprisonna les leaders de la LND. Aujourd'hui, Aung San Suu Kyi se trouve à nouveau en résidence surveillée, après une année de liberté entre 2002 et 2003.
Bastions de la contestation, les universités ont réouvert en 2000, mais, comme le reste du système éducatif, elles manquent cruellement de fonds. "Ce n'est pas comme les établissements réservés aux enfants d'officiers", relève Thar Nyunt Oo. Ce dirigeant de la Fédération des étudiants birmans (All Burma Federation of Student Unions – ABFU) a dû s'exiler à Bangkok en 1996, après avoir passé quatre ans en prison pour ses activités politiques. Près d'un millier d'étudiants seraient toujours derrière les barreaux.


ÉLÈVES EMBRIGADÉS

"Officiellement, l'école primaire est gratuite, poursuit M. Nyunt Oo. Dans les faits, les parents doivent assumer les coûts d'entretien de l'école, acheter tous les livres et les cahiers, cotiser pour que leurs enfants fassent partie de l'organisation d'élèves affiliée au gouvernement..." Dans son dernier rapport sur les enfants birmans, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) mentionne que, pour s'en sortir, les enseignants donnent des leçons privées en plus de leurs heures normales. "Ce n'est qu'en cette occasion que les élèves ont la chance de poser des questions et de faire des exercices."
Résultat: environ un tiers des élèves birmans termine l'école primaire, selon l'UNICEF. Le taux d'abandon est plus élevé au secondaire. De toute manière, la plupart des familles ne peuvent envoyer leurs enfants à l'école. Dans cette Birmanie sous sanctions internationales et sinistrée par quatre décennies de dictature, les parents ont besoin de tous les bras. "Les enfants travaillent dans les champs et gardent les troupeaux", explique Anna Biondi. Septante pour cent de la population vit dans des zones rurales.
Selon la syndicaliste de la CISL, "les restaurants et les bistrots à thé des grandes villes recourent largement à une main d'oeuvre infantile". On trouve aussi des enfants dans l'industrie, d'autant plus que tous les syndicats ont été interdits.


BOUCLIERS HUMAINS

Il y a aussi le travail forcé effectué pour le compte de l'omnipotente armée. Une pratique pour laquelle la junte est depuis des années dans le collimateur de l'Organisation internationale du travail (OIT). Les tâches incluent la construction et l'entretien de routes et de voies de chemin de fer. L'armée réquisitionne aussi des porteurs pour acheminer munitions et matériel, y compris dans les zones de combat. "Mal nourris, battus et parfois exécutés, les porteurs servent aussi de boucliers humains", peut-on lire dans le rapport de la CISL.
Selon les ONG, les enfants ne sont pas épargnés. "Lorsqu'un ordre de recrutement arrivait pendant la saison des récoltes, nous ne pouvions pas nous absenter des champs. Nous envoyions alors les enfants à notre place", témoigne une femme de l'ethnie Shan, réfugiée en Thaïlande où elle a été interrogée par l'équipe de la CISL. Là aussi, difficile de se faire une idée du nombre d'enfants réquisitionnés.
Plus de certitudes à propos des bataillons d'enfants qui servent sous les drapeaux. "L'armée birmane est le plus grand recruteur d'enfants au monde. Un quart de ses effectifs est composé de soldats de moins de 18 ans, soit 70 000 enfants. Elle enrôle à partir de 11 ans", accuse Kevin Heppner, consultant pour Human Rights Watch (HRW). Il est l'auteur du rapport "Mon fusil est aussi grand que moi", publié en octobre 2002. "Depuis, si peu a changé", dit-il.
Pour le chercheur, il ne fait aucun doute que s'ils allaient à l'école, les jeunes Birmans seraient moins exposés aux sollicitations des militaires. "Les recruteurs abordent les enfants dans la rue, dans les gares, aux arrêts de bus. Ils touchent une prime proportionnelle au nombre de recrues qu'ils arrivent à convaincre. Et comme il est plus facile d'intimider un enfant qu'un adulte..."


LA PRISON OU L'ARMÉE

M. Heppner continue: "Les militaires contrôlent les papiers des enfants. Comme la plupart d'entre eux n'en ont pas sur eux, ils ont le choix entre la prison et l'armée. Si nécessaire, les garçons sont emmenés de force".
Les enfants soldats participent aux combats contre les groupes rebelles. Ils sont poussés à réquisitionner des civils pour le travail forcé, brûler des villages, terroriser leurs habitants, énumère M. Heppner dans son rapport pour HRW. Les jeunes recrues subissent eux-mêmes les brimades et les coups. "Certains désertent... pour se retrouver dans les rangs des forces d'opposition. D'autres se suicident", pointe M. Heppner.


DÉPLACEMENTS FORCÉS

Quoiqu'en dise la junte, la Birmanie est bien en état de guerre. Ce depuis 1948, après l'assassinat d'Aung San, héros de l'indépendance. Avec la disparition du père d'Aung San Suu Kyi, c'était la fin du projet d'un Etat fédéral accordant une large autonomie aux minorités ethniques (Shans, Karens, Karennis...).
Les exactions commises par l'armée contre ces populations sont bien connues. "Elles procèdent de la théorie selon laquelle il faut assécher le bassin du poisson pour qu'il ne puisse plus nager", commente M. Heppner. Chaque année, la Commission des droits de l'homme de l'ONU condamne les déplacements forcés de populations dans les zones d'insurrection. On estime que deux millions de personnes ont fui vers la Thaïlande. Alors qu'un nombre indéterminé d'habitants de ces régions rentrent dans la catégorie des "déplacés internes".
De l'autre côté du pays dans l'Etat de l'Arakan (ouest), le sort réservé à la minorité musulmane est moins connue. "Les Rohingyas (les habitants de cet Etat, ndlr) ont été privés de leur citoyenneté par la loi sur la nationalité de 1982. Ils doivent se procurer un permis spécial s'ils veulent se déplacer hors de leurs villages", dénonce Chris Lewa. "Réduire l'accès à la nourriture fait partie d'une stratégie du régime militaire. C'est la principale cause de l'exode des Rohingyas au Bangladesh voisin (...). Plus de 60% des enfants souffrent de malnutrition chronique", écrit-elle dans son rapport.
Le document sera adressé aux experts onusiens chargés d'examiner en mai le rapport officiel du Myanmar. Un pays "en paix" qui "ne connaît pas de problèmes de réfugiés".

Note : 1Source: UNICEF ("Children and Women in Myanmar. Situation Assessment and Analysis", avril 2001).

L'abolition du travail des enfants serait rentable

Un enfant sur six dans le monde travaille, au détriment de sa scolarisation et – pour la plupart d'entre eux – au péril de leur santé. Parmi les 246 millions d'enfants âgés de 5 à 17 ans concernés, 179 millions sont en effet exposés aux pires formes de travail, selon l'Organisation internationale du travail (OIT). "La grande majorité de ces enfants aident leurs parents aux champs. Leur journée de labeur excède souvent les 12 heures et leur tâche peut s'avérer dangereuse avec l'emploi de certains outils ou en manipulant des pesticides. Les autres enfants exposés au pires formes de travail sont employés sur des chantiers ou dans des mines. Ceux qui se prostituent ou dont on a vendu la force de travail pour rembourser une dette sont environ 10 millions à travers le monde", détaille Frank Hagemann, analyste politique pour le Programme international pour l'abolition du travail des enfants de l'OIT.
L'organisation onusienne estime que le travail des enfants pourrait être éliminé d'ici moins de vingt ans, soit une génération. Obligation morale, l'abolition serait également très rentable. Dans un rapport présenté le mardi 3 février, l'OIT a calculé que l'élimination du travail des enfants et leur envoi à l'école généreraient à terme sept fois plus de bénéfices que de coûts pour les pays en voie de développement.
"Aucun secteur économique repose sur le travail infantile", assure M. Hagemann. "L'attention publique se focalise sur les enfants qui produisent des vêtements, des baskets ou d'autres articles de sport. Mais il s'agit d'une minorité." L'analyste pense que ces petites mains pourraient facilement être remplacées par des employés adultes.


MEILLEURS SALAIRES

"Eliminer le travail des enfants apportera un énorme retour sur investissement", a déclaré Juan Samovia, le directeur de l'OIT. Comment? Les bénéfices seraient d'abord réalisés dans le domaine de la santé avec une diminution des maladies et des accidents de travail. A plus long terme, l'OIT prévoit que l'augmentation du taux de scolarisation entraînera une hausse des futurs salaires.
"Pendant longtemps, nous avons utilisé des arguments moraux et juridiques. De nombreux pays ont ratifié les deux conventions de l'OIT fixant à 12 ans l'âge d'admission à tout type de travail et interdisant les formes de travail les plus dangereuses aux enfants de moins de 18 ans. Ces Etats nous ont demandé de réfléchir sur la faisabilité de l'élimination de l'exploitation infantile", explique M. Hagemann.
D'où cette étude "très froide", la première du genre. Pour l'OIT, il s'agit également de dégonfler l'argument selon laquelle l'abolition du travail des enfants nuirait à leurs familles en les privant d'un revenu d'appoint vital.
L'étude a donc estimé la valeur économique du travail des enfants pour mieux évaluer le coût de son élimination. Même si, reconnaissent les chercheurs, les enfants sont souvent sous-payés voire pas du tout. Pour ne pas pénaliser ceux qu'elle veut aider, l'OIT préconise un soutien aux familles les plus pauvres afin qu'elles envoient leurs enfants à l'école.
Certains pays ont déjà instauré de tels programmes. En décembre 2001, plus de 8 millions d'enfants brésiliens bénéficiaient d'une aide financière de l'Etat. Vu son succès, "Bolsa Escola" a créé des émules, notamment au Mexique. Au Bangladesh, le gouvernement offre une aide alimentaire conditionnée à la présence des enfants sur les bancs d'école. En 2000, le programme couvrait presque 18 000 établissements primaires et profitait à 2 millions de ménages.
Pour réaliser l'objectif d'abolir le travail infantile d'ici 2020, les Etats du Sud doivent investir dans l'éducation: 493 milliards de dollars en moins de vingt ans. "Le coût annuel d'un programme d'élimination du travail des enfants est inférieur au service de la dette et cinq fois moindre que les dépenses militaires consenties par les pays en développement", avance M. Hagenmann. Les fonds sont disponibles. Reste la volonté politique, qui doit être d'autant plus forte que, les premières années, les coûts du programme excéderont les bénéfices.



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