Birmanie>Net Hebdo n° 62 - 8 avril 2004
La lettre d'information hebdomadaire d'Info Birmanie



Sommaire 

  • Bangkok Process et Convention Nationale
  • Libération prochaine d'Aung San Suu Kyi ?
  • Une feuille de route pour établir une démocratie en Birmanie
  • Libération du journaliste birman Kyi Tin Oo

Le forum sur la Birmanie devrait permettre d’accélérer le processus de réconciliation nationale
Source: The Nation, 31 mars 2004  

Le ministre des Affaires étrangères thaïlandais, Surakiart Sathirathai, a annoncé hier que son pays accueillerait le mois prochain la seconde phase de négociations à propos de la feuille de route pour la démocratie et la réconciliation nationale en Birmanie.

Selon Surakiart, "cette rencontre pourrait pousser la Convention Nationale à annoncer la rédaction d’une constitution ".

Des représentants de 16 pays participeront au forum, appelé le " Bangkok Process ", dont le Japon, Singapour, la Malaisie, l’Indonésie, la Chine, le Laos, l’Australie, l’Allemagne, la France et l’Italie.

Les Etats-Unis, détracteurs de longue date de la junte militaire au pouvoir, n’ont pas été conviés.

Matthew Daley, haut fonctionnaire du Secrétariat d’Etat américain, a déjà laissé entendre que le Bangkok Process serait un échec.

Le Premier ministre birman Khin Nyunt a annoncé en Août une feuille de route en sept points pour la démocratie et la réconciliation nationale, suite à une pression internationale croissante, incluant des sanctions liées à la détention d’Aung San Suu Kyi, leader de l’opposition. La militante pour la démocratie demeure actuellement en résidence surveillée.

La Thaïlande a tenu mi-décembre un forum international pour discuter de la feuille de route. A cette occasion, le Ministre birman des Affaires étrangères a annoncé aux participants que le gouvernement prévoyait de charger la Convention Nationale de rédiger une nouvelle constitution cette année.

" Je crois que Aung San Suu Kyi pourrait être libérée prochainement. " a déclaré hier Surakiart.

Sihasak Phuangketkeow, porte-parole du ministre des affaires étrangères a déclaré le mois dernier que cette réunion donnait à la Birmanie une chance d’aviser la communauté internationale de la rédaction d’une constitution ainsi que des négociations de paix en cours avec les groupes armés de minorités et la Ligue Nationale pour la Démocratie.

Si la Birmanie montre à la communauté internationale que des " progrès tangibles " sont réalisés, cela pourrait être une condition préalable pour qu’une assistance humanitaire soit remise en place, a-t-il suggéré.
Le gouvernement birman et le groupe de minorités armées le plus important, l’Union Nationale Karen, ont signé un accord verbal de cessez-le-feu en janvier. Toutefois, quelques foyers de résistance armée subsistent dans le pays. La Norvège, l’Autriche, l’Inde, le Bangladesh et la Suisse se rendront également à Bangkok pour le dernier cycle de négociations. L’envoyé spécial de l’ONU pour la Birmanie y a également été convié.


Un ministre birman annonce la libération prochaine d'Aung San Suu Kyi, avant de se rétracter
Source: Associated Press, 3 avril 2004  

Douche écossaise pour Aung San Suu Kyi.
Le ministre birman des Affaires étrangères Win Aung a en effet annoncé dans un premier temps samedi que la junte allait libérer la dirigeante de l'opposition d'ici le 17 mai et lui permettre de participer à une convention constitutionnelle, avant de paraître faire marche arrière.

A son arrivée à l'aéroport de Bangkok pour des entretiens avec son homologue thaïlandais Surakiart Sathirathai, il a accordé un bref entretien aux chaînes de télévision japonaise NHK et thaïlandaise iTV, que l'Associated Press a pu visionner.
Win Aung y déclare que le parti d'Aung San Suu Kyi, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), sera invité à la Convention nationale qui a pour charge de rédiger une Constitution. La junte au pouvoir en Birmanie a indiqué que ce congrès commencerait le 17 mai.

Lorsqu'un journaliste lui a demandé si le prix Nobel de la paix serait relâchée avant cette date, le ministre birman a répondu: "Oui, le 17 mai". A la question sur la date exacte de sa libération, il a noté qu"'il est trop tôt pour le dire". Win Aung n'a pas voulu donner davantage de détails et il est parti. S'adressant un peu plus tard à des reporters, il a refusé de confirmer la libération de la dissidente. "Je ne suis pas en mesure de vous informer maintenant, mais nous faisons de notre mieux pour résoudre tous nos problèmes", a-t-il dit. "On s'occupera du problème d'Aung San Suu Kyi", a-t-il ajouté. "Nous n'avons aucune haine, aucune animosité" à son égard.

Après son entretien avec son homologue birman, le chef de la diplomatie thaïlandaise Sihasak Phuangketkeow a expliqué qu"'il y a peut-être eu un malentendu. Mais Win Aung a dit qu'il n'avait pas donné de date". "Il est trop tôt pour donner une date précise, mais nous pensons que les
choses progressent dans la bonne direction", a déclaré M. Sihasak.


Une feuille de route pour établir une démocratie en Birmanie

Source: Mizzima, 30 mars 2004   

Le Commandant en chef de la junte birmane, le Général Than Shwe, a prononcé une allocution le 27 mars au cours d’une parade pour l’anniversaire des Forces Armées, au Parc de la Résistance, sur la rue U Wisara à Rangoun. Le leader de la junte a déclaré que le pays allait vers la démocratie, mais il n’a fixé aucune date pour la libération d’Aung San Suu Kyi, leader de l’opposition, ni pour la convocation de la Convention Nationale, étape clé de la feuille de route en sept points à l’initiative de la junte. Ce programme prévoit la rédaction d’une nouvelle constitution, qui devrait mener à des élections libres et équitables, l’élection des dirigeants de l’Etat ainsi que la formation du gouvernement pour guider la nation vers de meilleurs lendemains.

Au cours de son discours pour l’anniversaire des Forces Armées, le Général Than Shwe a encouragé les sept mille militaires présents à soutenir la mise en place de la " feuille de route pour la démocratie ". Le texte a été rejeté par ses détracteurs selon lesquels il ne serait qu’un stratagème tactique pour prolonger la main mise de la junte sur le pouvoir.

A l’occasion de cette cérémonie, Than Shwe s’est félicité pour " les efforts de la nation concernant la consolidation de la paix, la modernisation et le développement, en vue de remplir les exigences fondamentales nécessaires à l’émergence d’une démocratie disciplinée. "

" L’Histoire nous a appris que pour protéger et préserver notre indépendance et notre souveraineté, obtenues au prix du sang, de la sueur et de vies humaines, il est impératif que le pays détienne une Tatmadaw (armée) moderne. Seule une nation munie d’une capacité de défense moderne est à même d’assurer la protection efficace de sa souveraineté. Ainsi, il est évident que dans toutes les nations du monde, les leaders patriotiques et les technocrates pour lesquels la souveraineté est le bien le plus cher, sont conscients qu’il est nécessaire de renforcer et moderniser les Forces Armées," a-t-il ajouté.

Selon les politiciens confirmés de Rangoun, la feuille de route de la junte n’est rien d’autre qu’une opération de mystification visant à faire croire tant à la population birmane qu’à la communauté internationale, qu’une telle convention pourrait mener à l’émergence de réformes démocratiques en Birmanie. Loin de représenter l’émergence d’une démocratie en Birmanie, le discours de Than Shwe, montre une volonté de constituer une Tatmadaw moderne, appareil d’oppression de sa propre population.

Le régime militaire a usé de persuasion, s’appuyant sur le soutien de quelques groupes armés ayant signé un cessez-le-feu, pour remettre à jour la convocation d’une Convention Nationale dont la date n’a toujours pas été fixée. De plus, la junte n’a toujours pas reconnu le rôle de la Ligue Nationale pour la Démocratie (NLD) d’Aung San Suu Kyi.


La convention a été suspendue en 1996 après le retrait de la LND qui déplorait les méthodes antidémocratiques du régime militaire qui manipulait le processus afin d’asseoir son pouvoir illégal. Dans son discours, Than Shwe n’a fait aucune mention d’Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix, détenue depuis le 30 mai suite à un affrontement entre ses partisans et ceux de la junte qui provoqua la mort de centaines d’innocents, dont des villageois de la région. Actuellement, elle est demeure assignée à résidence à Rangoon en dépit de fortes pressions internationales appelant à sa libération immédiate.

Le parti d’opposition d’Aung San Suu Kyi, la Ligue Nationale pour la Démocratie (NLD) a marqué la journée du 27 mars d’une pierre blanche - Journée de la résistance antifasciste - commémorant Aung San, héros de l’indépendance bimane et père de Aung San Suu Kyi, qui lança un appel aux armes contre le fascisme de guerre japonais, appelant à combattre pour la démocratie et les droits de l’homme dans un pays dirigé par l’armée, au péril de leurs vies.

Environ 700 membres de la NLD, partisans, étudiants et politiciens engagés de longue date dans la lutte pour la démocratie, se sont rassemblés devant la résidence de U Than Tun, membre du comité exécutif de la NLD, pour célébrer cette journée. Le Comité Exécutif Central de la NLD a émis une déclaration de cinq pages appelant à la libération immédiate de tous les prisonniers politiques et à la restauration de la démocratie et des droits de l’homme.

" La NLD doit lutter pour les intérêts du peuple – au risque de leurs vies, du sang et de la sueur - en s’appuyant sur les principes de réconciliation nationale, de transition démocratique afin de résoudre les problèmes politiques par le dialogue ", note la déclaration.

Le rapporteur de l’ONU, le professeur Paulo Sergio Pinheiro a déclaré le 26 mars 2004 qu’il espérait que Aung San Suu Kyi soit libérée mi-avril, événement essentiel pour qu’elle joue un rôle politique. Il a ajouté que la junte militaire devait reconnaître la NLD et les autres partis politiques.

A l’issue de sa douzième visite en Birmanie, Razali Ismail, l’envoyé spécial de l’ONU a pressenti que Suu Kyi et les autres membres de la LND pourraient être libérés au plus tard le 16 avril, jour du Nouvel an birman.

" Beaucoup attendent cette date. J’espère que cet évènement aura lieu. Il est très important que Aung San Suu Kyi soit libérée, bien que sa seule libération ne soit pas suffisante " remarquait Pinheiro lors d’une conférence de presse à Genève.

C’est dans ce climat politique que le vice premier ministre chinois Wu Yi, à la tête d’une importante délégation commerciale, s’est rendu à Rangoun le 23 mars 2004 pour une visite de cinq jours destinée à promouvoir le commerce et les investissements. Loin d’être une coïncidence, cette visite semble avoir été planifiée de longue date.

La délégation a rencontré le général Than Shwe, chef du régime militaire birman ainsi que le Premier ministre Khin Nyunt et a supervisé la signature de 21 accords de coopération économique et commerciale, le 24 mars 2004. Le véritable motif de sa visite est de manifester son soutien majeur à la feuille de route de la junte birmane dans son aspect militariste.

A maintes reprises, la Chine a dénoncé les sanctions imposées à la Birmanie par les pays occidentaux qu’elle considère comme une ingérence dans sa politique intérieure. Les Etats-Unis et l’Union Européenne ont intensifié les sanctions suite à l’arrestation et la détention du prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi. Dans le même temps, la Chine tire son épingle du jeu par divers moyens cherchant systématiquement à maximiser ses relations commerciales avec la Birmanie tout en consolidant son influence sur l’état voyou. Le peuple birman est lui préoccupé par l’augmentation alarmante de la population chinoise en Birmanie, une conséquence de la permissivité des officiers corrompus de la junte à l’égard de la migration de masse des chinois, sans tenir compte de ses conséquences.

À la surprise de tous, Wu Yi a déclaré que la communauté internationale devait respecter la souveraineté de la Birmanie et rester en dehors de ses affaires intérieures. Il appartient au régime birman et à son peuple de résoudre leurs affaires internes, a affirmé un représentant de l’ambassade chinoise présent à la réunion. La Chine accuse sans les nommer des pays étrangers de s’immiscer dans la politique intérieure de Rangoun.

Les relations économiques et commerciales entre la Birmanie et la Chine se sont renforcé ces dernières années, une conséquence de la politique chinoise de bon voisinage et de coopération avec ses voisins. Selon des statistiques officielles, le commerce bilatéral entre la Birmanie et la Chine (comprenant le commerce frontalier) dépasse 1 milliard de dollars en 2003, les exportations birmanes vers la Chine avoisinant 170 millions et ses importations, 900 millions de dollars.

L’envoyé spécial de l’ONU, M. Razali Ismail, a sommé Pékin à plusieurs reprises de jouer un rôle plus important dans la résolution des troubles politiques en Birmanie. Toutefois, selon les dires du vice Premier ministre chinois Wu Yi, la Chine s’oppose tant aux volontés de l’ONU pour la Birmanie qu’aux désirs que la population birmane ait exprimés en mai 1990 concernant l’instauration de la démocratie.

Le soutien chinois a amené la junte birmane à se montrer encore plus arrogante. Elle s’enorgueillit d’avoir de bons voisins comme la Chine, l’Inde et l’ASEAN qui s’opposent tous aux sanctions américaines et européennes ; ces dernières soutiennent le dialogue politique avec la détenue de l’opposition Aung San Suu Kyi.

" Nous ne sommes pas inquiets face à ces sanctions. Non pas que nous les souhaitions mais parce que nous vivons par nous-même depuis 26 ans et que nous avons de bonnes relations avec nos pays voisins avec lesquels nous pouvons commerce et échanger,’  a déclaré un responsable birman à l’ambassadeur britannique en Birmanie, suite au guet-apens prémédité du 30 Mai.

S’adressant à la BBC (British Broadcasiting Corporation), il a ajouté : " Nous sommes frontaliers des deux plus grands pays du monde et ils établissent avec plaisir des relations avec nous concernant les transports, les échanges de techniques et les mesures de sécurité. Nous vivons en harmonie avec tous nos voisins. "

L’armée birmane, au pouvoir depuis 1962, a ignoré les résultats des élections de 1990, remportées par la Ligue Nationale pour la Démocratie (NLD).  D’éminents leaders de la LND ont été arrêtés et les bureaux du parti fermés depuis le 30 mai 2003. Actuellement, Suu Kyi, leader légitime et démocratiquement élue, prix Nobel de la paix 1991, demeure en résidence surveillée alors qu’environ 1600 activistes démocrates, dont 18 membres du Parlement, dépérissent dans les geôles de la junte.

Ces dernières années, plusieurs membres du Parlement sont détenus et d’autres morts en prison. Plusieurs sont décédés en raison de leur grand âge en tentant de restaurer la démocratie et les droits de l’homme dans leur pays. Au jour d’aujourd’hui, 79 représentants du peuple ont disparu sous la cruelle dictature militaire en Birmanie.

Libération du journaliste birman Kyi Tin Oo
Source: Reporters Sans Frontières

Le journaliste et poète birman Kyi Tin Oo a été libéré le soir du 26 mars 2004, après plus de dix ans de détention. "Je désire me reposer chez moi pendant quelque temps car mon état de santé reste fragile. Je veux améliorer ma condition physique pour être capable d'aller rendre visite à mon fils en prison. Nous ne nous sommes pas vus depuis six ans", a-t-il déclaré aux reporters du journal Democratic Voice of Burma. Kyi Tin Oo souffre de diabète et d'hypertension. Il a subi une opération aux jambes, il y a quelques mois, et les plaies n'ont pas guéri en raison de son diabète et de ses conditions de détention.

Reporters sans frontières et la Burma Media Association se réjouissent de la libération de Kyi Tin Oo, mais s'inquiètent de son état de santé, comme de celui des dissidents qui restent emprisonnés. Les deux organisations déplorent que, non contentes de ne pas respecter la liberté d'expression - en jetant les opposants politiques en prison pendant de nombreuses années - , les autorités birmanes les laissent ensuite mourir à petit feu dans des conditions de détention intolérables. "Je devrais être heureux, mais je suis triste", a déclaré Kyi Tin Oo, lors de sa sortie de prison. "J'ai vu la souffrance de tous ces gens de mes propres yeux et je voudrais l'amnistie de tous les prisonniers politiques." Reporters sans frontières et la Burma Media Association soutiennent cet appel et demandent aux autorités birmanes d'inclure une amnistie générale des prisonniers politiques à leur "feuille de route vers la démocratie".

Le journaliste et poète avait été condamné en mars 1994 à dix ans de prison. Il lui était reproché d'avoir écrit certains articles politiques dans le mensuel Moe Wai (fermé en 1996 pour raisons financières) et le magazine Tha-bin, interdit en 1988. Selon un journaliste aujourd'hui réfugié en Thaïlande, "Kyi Tin Oo était connu dans les milieux journalistiques pour ses chroniques de la vie de tous les jours en Birmanie. Il écrivait de très beaux articles pleins de compassion pour ceux qui souffrent".

Kyi Tin Oo est marié à Daw Than Yi, écrivain et gérante d'une librairie. Ils ont quatre enfants. Un de ses fils, Aung Kyaw Hein, purge une peine de prison de 14 ans pour avoir appartenu à un mouvement étudiant interdit. Détenus dans la même prison pendant quelque temps, le père et le fils ont été séparés il y a six ans. Agé de 60 ans, Kyi Tin Oo avait déjà été emprisonné trois ans dans les années 1960, puis sept ans entre 1978 et 1985, et pour quelques mois après le coup d'Etat de 1988.

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