Birmanie>Net Hebdo n° 63 - 15 avril 2004
La lettre d'information hebdomadaire d'Info Birmanie



Sommaire 

  • Edito
  • Libération de deux adjoints d'Aung San Suu Kyi
  • Libération de Khin Maung Win
  • Aung San Suu Kyi, logiquement en première ligne pour une libération 
  • Un magazine populaire interdit de parution
  • Respect des droits de l’homme pendant la Convention Nationale

Edito

Depuis quelques semaines, et à un mois de l'ouverture de la Convention Nationale, les signaux lancés par la junte militaire birmane sont pour le moins contradictoires.

D'un coté, les libérations de journalistes ou d'opposants de haut rang se succèdent à un rythme régulier, même si l'on est loin d'une vague de grande ampleur. Aung San Suu Kyi elle-même, nous l'avons déjà dit, devrait être libérée sous peu. Comme on le lira plus bas dans ces lignes " les plus optimistes estimaient que d'ici samedi, ou ce jour-là, Mme Suu Kyi pourrait être libérée".

De l'autre, la pression à l'intérieur du pays reste très forte, en particulier sur celles et ceux qui souhaitent réellement œuvrer à la démocratisation du pays. La NLD se plaint par exemple de la criminalisation de toute forme de critique du projet de Convention Nationale, ce qui, pour le moins, augure mal du climat dans lequel celle-ci pourra se tenir, tout comme la non invitation de la Ligue Arakanaise pour la Démocratie (ALD) et des autres partis politiques Arakanais.

Cette réalité, que nous exposons dans ce numéro, peut s'expliquer au moins de deux façons: soit les militaires tentent de limiter au maximum la portée des changements à venir, craignant peut-être même un nouveau mouvement populaire du type de celui qu'a connu la Birmanie en 1988 -ce qui de notre point de vue est extrêmement peu crédible-, soit à l'inverse les généraux se contentent actuellement de donner à peu de frais des gages de bonne volonté à la Communauté Internationale, tout en empêchant dans les faits l'avènement d'un système démocratique. Dans cette deuxième hypothèse, le risque serait grand de voir le régime banalisé (en étant par exemple accepté au sein des réunions de l'ASEM) sans avoir évolué le moins du monde. A cet égard, on suivra avec intérêt les résultats de la prochaine rencontre de Bangkok, mais aussi de celle de Dublin entre les partenaires européens et asiatiques de l'ASEM ce week-end.

Ces deux visions de la situation actuelle polarisent plus ou moins les opinions.
Avant de voir, dans l'avenir proche, que évolution se dessine, nous laissons la conclusion à un récent rapport d'Amnesty International: " Pour démontrer leur engagement dans un processus transparent et intégral de Convention Nationale, le SPDC doit libérer tous les prisonniers de conscience immédiatement et sans condition. Les libérations sélectives de quelques individus ne dissiperont pas le climat de peur et de répression qui pourrait miner le processus. Des réformes du système judiciaire de la criminalité, incluant les réformes d’une législation qui a été utilisée depuis longtemps pour réprimer les dissidents politiques, sont prioritaires dans le processus de transition. "


Libération de deux adjoints d'Aung San Suu Kyi
13 avril 2004

Deux adjoints d'Aung San Suu Kyi, dirigeante du principal parti d'opposition en Birmanie, Aung Shwe et U Lwin, ont été remis en liberté mardi après près d'un an de détention. Aung Shwe, président de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), et U Lwin, secrétaire, étaient en résidence surveillée à Rangoon et leur libération laisse espérer celle, prochaine, de Aung Suu Kyi et de Tin Oo, vice-président, les deux derniers hauts responsables de la LND restant en résidence surveillée

Khin Maung Win ("Sunny") a été libéré
Source: RSF, 13 avril 2004  

Khin Maung Win, dit Sunny, photographe et cameraman attaché à la Ligue nationale pour la démocratie (LND, opposition) a été libéré le 9 avril 2004. Il avait été arrêté le 13 juin 1997 pour avoir participé à la réalisation et à la sortie vers l'étranger d'une interview d'Aung San Suu Kyi, puis condamné à 7 ans de prison.

Reporters sans frontières se réjouit de cette libération, mais regrette qu'elle ne soit pas intervenue plus tôt. L'association reste inquiète quant à la santé physique et mentale des onze journalistes toujours emprisonnés. Reporters sans frontières réitère son appel à l'intégration de la liberté de la presse dans la "feuille de route vers la démocratie" proposée par la junte birmane au pouvoir.

Lors de sa sortie, Sunny, 44 ans, a déclaré dans un entretien avec la radio Democratic Voice of Burma, qu'il était en bonne santé mais qu'il avait besoin de temps pour reconstruire sa vie. Concernant ses conditions de détention, le journaliste s'est essentiellement plaint d'avoir été détenu successivement dans 4 prisons différentes, aux quatre coins du pays (Rangoon, Kalay, Loikaw, Khantee), ce qui a rendu d'autant plus difficiles les rares visites autorisées de sa famille.

Il avait été interpellé en même temps que quatre autres membres de la LND. Ils avaient organisé la sortie à l'étranger d'un enregistrement vidéo d'un entretien avec le Prix Nobel de la Paix, Aung San Suu Kyi, dont Sunny avait assuré la réalisation. La vidéo avait ensuite été diffusée lors d'une conférence de presse en marge d'un sommet de l'Association des nations d'Asie du Sud-Est (ASEAN). Le 27 juin 1997, le lieutenant général Khin Nyunt, chef des services secrets militaires (MIS) avait accusé le groupe de "collaboration avec des activistes antigouvernementaux à l'étranger et avec des militants de la destruction à l'intérieur du pays". Le procès avait été expéditif, sans possibilité de se défendre.

Photographe et cameraman de profession, Khin Maung Win s'était engagé au sein de la LND, le parti d'Aung San Suu Kyi, au début des années 1990.

Aung San Suu Kyi, logiquement en première ligne pour une libération
Source: AFP, 14 avril 2004    

Au lendemain de la libération de deux de ses adjoints, l'opposante birmane Aung San Suu Kyi se retrouvait logiquement en première ligne mercredi pour une levée de son assignation à résidence que les analystes estimaient devoir être proche.

"Tout le monde s'attend à la voir libérée rapidement", déclarait l'un d'entre eux après la levée de l'assignation à résidence de ses deux proches lieutenants, Aung Shwe et U Lwin.

Sur les neuf membres de la Comission exécutive centrale (CEC) de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), principal parti d'opposition en Birmanie, seuls Mme Suu Kyi et Tin Oo, respectivement secrétaire général et vice-président de la LND, demeurent assignés à leur domicile de Rangoun.

L'ensemble de la direction de la Ligue et des dizaines de militants avaient été arrêtés à la suite d'un assaut violent --apparemment ordonné par la junte-- d'un convoi de la LND le 30 mai 2003, dans le nord du pays.

La sécurité avait été levée mercredi autour des domiciles d'Aung Shwe et U Lwin, qui n'avaient pas encore profité de leur nouvelle liberté, tandis que les Birmans s'adonnaient joyeusement dans les rues aux arrosages traditionnels pour le festival de Thingyan, qui marque l'arrivée de la nouvelle année.

En revanche, des barbelés avaient été posés à une centaine de mètres de la résidence de Mme Suu Kyi, dans l'avenue de l'Université, dont l'accès était déjà limité aux riverains ou visiteurs officiels, a constaté l'AFP.

La libération d'Aung Shwe, président de la Ligue, et de U Lwin, secrétaire, est apparemment liée à la préparation de la convention nationale convoquée par le régime militaire birman afin de rédiger une Constitution.

Les deux octogénaires ont été personnellement invités par le gouvernement à cette convention qui doit s'ouvrir le 17 mai et est censée lancer un processus de démocratisation.

Mais la LND n'a toujours pas décidé si elle y participerait: elle veut pour cela pouvoir réunir au complet son instance dirigeante.

"Nous devons toujours avoir des discussions ouvertes avec Aung San Suu Kyi et Tin Oo", a déclaré l'un des membres de la CEC, Than Tun.

Des sources du parti ont indiqué que les sept des neuf membres désormais libres de la CEC devaient se réunir samedi. Certains ont laissé entendre que la CEC pourrait se rendre au domicile de Mme Suu Kyi.

"Auront-ils le droit d'aller chez elle? C'est possible. Aussi longtemps qu'elle n'est pas relâchée il faut une autorisation pour aller la voir", soulignait un diplomate occidental.

Les plus optimistes estimaient que d'ici samedi, ou ce jour-là, Mme Suu Kyi pourrait être libérée, comme le réclament avec insistance les Etats-Unis et l'Union Européenne (UE).

Une convention sans la LND n'aurait aucune crédibilité à un moment où la Birmanie tente de prouver qu'elle peut lancer une transition démocratique.

Une précédente convention avait échoué en 1996, la LND --qui avait remporté les élections en 1990 dont la junte n'a jamais reconnu le résultat-- en ayant claqué la porte après avoir estimé qu'elle était non représentative.

Samedi également s'ouvre en Irlande une rencontre ministérielle de deux jours Europe-Asie qui risque fort d'être empoisonnée par le profond différend sur la participation de Rangoun au Forum Europe-Asie (ASEM) de Hanoï, en octobre.

L'UE, qui a imposé des sanctions économiques à la Birmanie pour ses violations des droits de l'Homme, ne veut pas voir ce pays participer à la grand-messe, qui apparaît menacée si un compromis n'est pas trouvé avec l'Asie.

"Il leur (ndlr: à la junte) a certainement été dit que si les choses s'amélioraient avant la réunion d'Irlande ça faciliterait les débats", ajoute le diplomate, en référence à une libération de Mme Suu Kyi.


Un magazine populaire interdit de parution
Source: Reporters Sans Frontières, 9 avril 2004  

Reporters sans frontières a récemment appris que Hsenpai (Variétés), publication populaire en langue birmane de l'Etat de Shan a reçu l'ordre de mettre un terme à sa parution après avoir commencé à traiter des informations politiques. Le huitième et dernier numéro, publié en juin 2003, comportait un reportage sur une rencontre entre l'Alliance des nationalités unies et Razali Ismail, envoyé spécial de l'ONU. Suite à sa parution, le Service d'intelligence militaire birman (MIS) a menacé Sai Nood, le rédacteur en chef, de poursuites judiciaires si le journal continuait de sortir.

Reporters sans frontières condamne la censure imposée au magazine Hsenpai. L'organisation demande à la junte birmane d'intégrer la liberté de la presse à sa "feuille de route vers la démocratie". "La liberté d'information est une condition nécessaire à toute ouverture vers la démocratie. Sans cela, la "feuille de route" n'a aucune raison d'être", a déclaré Reporters sans frontières.

Le numéro 7 de Hsenpai, de mars 2003, annonçait déjà que, dès le numéro suivant, des informations politiques seraient incorporées au magazine. Sai Nood avait été emprisonné de février à mai 2003.
Le rédacteur en chef a depuis décidé de contourner cette censure en changeant de publication. Il édite maintenant, depuis Rangoon, Lied Hsiao (Malin), un magazine de bandes dessinées à l'attention de la minorité ethnique Shan. Le premier numéro est paru en mars 2004. "Personne ne sait combien de temps cette publication va durer. Mais vous pouvez parier que les autorités l'auront à l'?il", a déclaré un journaliste du nord de l'Etat de Shan.


Respect des droits de l’homme pendant la Convention Nationale
31 mars, Amnesty International

Un nouveau rapport publié par Amnesty International révèle que la situation des droits de l’homme en Birmanie reste préoccupante. L'organisation estime à 1 300-1 400 le nombre de prisonniers politiques, la plupart prisonniers de conscience ; les arrestations politiques continuent pendant les préparatifs de la Convention Nationale.

" Arrestations arbitraires ; torture et mauvais traitements ; impossibilité pour les détenus de communiquer avec l’extérieur; jugements arbitraires et des lois qui restreignent gravement la liberté l’expression et de réunion sont des obstacles majeurs à toute amélioration dans le domaine des droits de l’homme en Birmanie, " remarque Amnesty International.

Amnesty International a été autorisée à se rendre en Birmanie pour la première fois l’année dernière et plus récemment en décembre.

Birmanie : administration de la justice - - les informations recueillies auprès de représentants du gouvernement, des prisonniers politiques et de membres de la société civile birmane reflètent des inquiétudes graves et constantes.

Anticipant sur la Convention Nationale qui devrait se tenir cette année, Amnesty International continue d’appeler à la libération de tous les prisonniers de conscience et somme le Conseil d’Etat pour la Paix et le Développement (le SPDC- le gouvernement militaire birman) d’assurer la protection des droits de l’homme pendant la Convention Nationale et dans la nouvelle Constitution.

" Le SPDC doit en particulier garantir que les libertés d’expression et de réunion seront respectées pendant la Convention et que nul ne sera arrêté pour avoir exercé ces droits.  De la même façon, il est primordial que la garantie des droits de l’homme soient introduite dans la nouvelle constitution.

De nombreux participants qui pourraient prétendre légitimement au processus de rédaction d’une constitution sont en détention ou assignés à résidence. Cela inclut des candidats de plusieurs partis élus aux élections législatives, de jeunes leaders politiques et d’autres membres importants de la société civile.

Les arrestations, la surveillance et l’intimidation de membres des partis d’oppositions se poursuivent pendant les préparatifs de la Convention Nationale. Des membres et des dirigeants de ces partis ont été suivis, interrogés et intimidés pour avoir tenté de s’engager dans des activités politiques légitimes et pacifistes. Certains ont été arrêtés pour avoir participé à des manifestations non violentes, appelant par exemple à la libération de tous les prisonniers politiques.

Amnesty International a déclaré que " de tels évènements ne favorisent pas un climat dans lequel les participants à la Convention Nationale se sentiraient aptes à collaborer de façon libre et ouverte. Les participants qui sont toujours en détention doivent être libérés et les arrestations politiques doivent cesser immédiatement. "

Lors du dernier processus de Convention Nationale en 1993-1996, des participants ont été condamnés à de longues peines de prison pour avoir émis des critiques sur le processus. La Convention est aujourd’hui reconduite par le SPDC en tant qu’étape dans la " feuille de route " en sept points pour la transition politique.

Le nouveau rapport exprime également des inquiétudes considérables au sujet des arrestations et détentions abusives de prisonniers politiques. Ces excès incluent aussi les arrestations arbitraires menées pas les services secrets militaires (Military Intelligence, MI), des interrogatoires prolongés accompagnés de tortures et mauvais traitements, des détentions sans jugement; l’impossibilité de communiquer avec l’extérieur ; des dénis d’accès à un avocat, à des soins médicaux adéquats et interdiction de recevoir des membres de leur famille ; et l’impossibilité pour les accusés de contester la légalité de leur détention. Les procès politiques sont souvent sommaires, loin de respecter les exigences internationales, les détenus se voient systématiquement refuser le droit à une délibération légale, le doit à être présumé innocent et à faire appel à des témoins pour une contre-enquête.                    

" La torture et les mauvais traitements envers les prisonniers politiques se perpétuent en Birmanie. Il est vital que les forces de police et les services secrets militaires arrêtent de garder en détention prolongée des prisonniers politiques qui n’ont aucune possibilité de communiquer avec qui que ce soit, une pratique qui favorise l’usage de la torture.

Le rapport d’Amnesty conclut en déclarant : " Pour démontrer leur engagement dans un processus transparent et intégral de Convention Nationale, le SPDC doit libérer tous les prisonniers de conscience immédiatement et sans condition. Les libérations sélectives de quelques individus de ne dissiperont pas le climat de peur et de répression qui pourrait miner le processus. Des réformes du système judiciaire de la criminalité, incluant les réformes d’une législation qui a été utilisée depuis longtemps pour réprimer les dissidents politiques, sont prioritaires dans le processus de transition. "


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