Birmanie>Net Hebdo n° 65 - 28 avril 2004
La lettre d'information hebdomadaire d'Info Birmanie



Sommaire 

  • Brèves
  • La réunion du Processus de Bangkok reportée
  • Mauvaises nouvelles pour la démocratisation 
  • Compromis et fédéralisme



Brèves

Deux dirigeants de la NLD fuient en Thailande

Deux membres de la NLD occupant des fonctions de direction dans l'Etat Kachin sont arrivés dans les locaux de leur parti en Thailande le mardi 20 avril 2004. Les deux hommes, dénommés Naing Zaw Win et Win Aung, ont déclaré avoir fui à cause des persecutions qu'ils subissaient encore recemment, alors que le processus de réconciliation nationale est censé avoir été lancé…

Le Général Bo Mya a été hospitalisé

Le Général Bo Mya, qui dirige de fait la Karen National Union (KNU) depuis de nombreuses années, a été hospitalisé ces derniers jours dans un hopital de Bangkok. Bo Mya, 77 ans, souffre de diabète.

Aung San Suu Kyi figure dans le top 100 de Time Magazine

Le prix Nobel de la Paix apparaît dans la catégorie "héros et icones", aux cotés de Nelson Mandela et du Dalai-Lama.


La réunion du Processus de Bangkok reportée
Info Birmanie

La junte militaire birmane a fait savoir par la voix de son ministre des Affaires Etrangères, Win Aung, que la réunion du Processus de Bangkok ne pourrait avoir lieu les 29 et 30 avril prochains comme annoncé.

D'après son homologue thaïlandais, Sihasak Phuangketkeow, la réunion est reportée sine die.

16 pays devaient être représentés lors de cette réunion, à laquelle Razali Ismael, l'envoyé Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies, devait lui aussi participer.

Et Sihasak Phuangketkeow  d'ajouter: "La Birmanie nous a dit qu'elle etait actuellement très occupée par la préparation de la Convention Nationale, qui doit commencer le 17 mai. Le ministre birman des Affaires Etrangères, Win Aung, jouera un rôle clé dans cette Convention, et de ce fait ne peut pas venir à Bangkok pour la réunion prévue". 

Sans doute les militaires ont-ils craint que la communauté internationale ne les force à aller plus vite et plus loin qu'ils ne le souhaitent dans le processus de démocratisation du pays…

Pourtant, comme l'avait dit Kraisak Choonhavan, le président de la Commission des Affaires Etrangères du Sénat Thaïlandais, le Processus de Bangkok devait rester neutre et écouter toutes les parties. C'est déjà trop, visiblement…


Mauvaises nouvelles de Rangoun, les analystes inquiets pour la démocratisation
Source: AFP, 25 avril 2004  

Après une semaine d'espoirs déçus de voir libérer l'opposante birmane Aung San Suu Kyi et une série de signaux négatifs venant de Rangoun, les analystes s'inquiétaient du chemin que prenait la junte alors qu'elle a promis une démocratisation.

La semaine écoulée a été une immense déception pour ceux qui espéraient encore que la Birmanie confirme son engagement à lancer un processus de réelle ouverture politique en mai, après quatre décennies de pouvoir militaire absolu.

Dimanche, Mme Suu Kyi était toujours, de même que son adjoint Tin Oo, en résidence surveillée alors que beaucoup avaient espéré leur libération après le nouvel an célébré le 17 avril en Birmanie.

Autre signe inquiétant, Rangoun a demandé le report de la 2e réunion, prévue le 29 et 30 avril, du "processus de Bangkok" au sein duquel une quinzaine de pays européens et asiatiques, dont la Birmanie, réfléchissent à une démocratisation dans ce pays.

Enfin, le ton des déclarations de la junte et de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) --parti de Mme Suu Kyi-- s'est nettement durci.

La question était ouverte quant à la volonté de Rangoun de réellement lancer une démocratisation avec une convention nationale ouvrant le 17 mai et chargée de rédiger une Constitution mais dont les contours restent très flous.

"Les nouvelles ne sont pas bonnes, on a l'impression qu'on fait marche arrière", commentait un diplomate joint à Rangoun, "on est dans une phase pessimiste".

"Tout est très confus, très contradictoire", notait une source proche de processus de réconciliation nationale, "tout peut arriver, mais il y a tout de même beaucoup de signaux négatifs", ajoutait-elle, expliquant que la libération prochaine de Mme Suu Kyi était elle aussi mise en doute.

Confinée dans sa résidence de l'avenue de l'Université, l'opposante s'apprêtait à entamer son 12e mois de privation de liberté, alors que la LND avait espéré le 19 avril sa libération dans "un jour ou deux".

La Thaïlande a par ailleurs annoncé que Rangoun avait demandé le report de la réunion du processus de Bangkok, ses responsables étant "occupés" par la préparation de la convention.

"Ils auraient vraiment intérêt à expliquer leur position" à la communauté internationale, note le diplomate, "mais visiblement ils ne veulent pas le faire".

Enfin les analystes politiques se sont alarmés du ton polémique des dernières déclarations de la LND et de la junte.

La Ligue a durement critiqué les conditions dans lesquelles est préparée la convention nationale qui doit réunir gouvernement, partis politiques et minorités ethniques et qui semble ressembler comme deux gouttes d'eau à une précédente convention qui avait échoué en 1996.

"Les conditions ne sont pas favorables à des discussions ouvertes et libres", a accusé la LND, ajoutant que si la nouvelle convention est la même que la précédente elle "sera obligée de la quitter".

Le général Thein Sein, chargé de la préparation de la convention, a rétorqué que celle-ci se tiendrait sur le même modèle que la précédente et serait "basée sur les mêmes six objectifs".

Le sixième objectif est le maintien d'un rôle dirigeant de l'armée quelque soit le scénario, "pas tout à fait un geste de conciliation", ironise un autre diplomate.

"Comment voulez-vous que les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets?" s'interroge le premier diplomate alors que la LND avait claqué la porte de la première convention, la jugeant non-démocratique.

La junte se condamne à une parodie de convention si elle n'y associe pas l'opposition. Outre la LND, des partis ethniques comme le Parti Mon, la LND Shan et la KIO des Kachins ont indiqué qu'ils ne souhaitaient pas participer à une convention qui serait une copie conforme de la précédente.

La junte "ne veut pas qu'on lui dicte quoi que ce soit. Tout indique qu'ils vont aller de l'avant avec leur convention nationale", estime un analyste birman.

Compromis et fédéralisme
Source: The Irrawaddy, 6 avril 2004  

La junte militaire birmane demeure sur la voie qui décidera de quel type de politique la Birmanie devrait adopter dans le futur. Les groupes ethniques sont favorables au fédéralisme, mais la junte est, et a toujours été, profondément anti-fédéraliste. La manière dont les deux parties résoudront leurs divergences, et rechercheront un compromis détermine cette question capitale.

Il y a des signes prometteurs. Quand plusieurs meneurs ethniques, et des universitaires, furent récemment interrogés sur la possibilité que les groupes ethniques réalisent un compromis avec la junte, presque tous ont répondu que c'était possible. Leur volonté de mettre un terme aux sources du conflit intérieur, est le premier pas concret vers la voie du compromis négociée par les minorités ethniques, en dépit de la foule d'obstacles sur le chemin des négociations.

Un rapide regard sur l'histoire du pays suggère que le coup militaire de 1962 a été déclenché en raison de l'hostilité de l'armée birmane envers le fédéralisme. Les protagonistes du coup d'état ont déclaré que la prolifération d'insurgés multi-éthniques justifiaient leur action. Mais en réalité,  il etait reproché au gouvernement de U Nu d'avoir fait les premiers pas vers une politique fédérale en réponse aux griefs exprimés par les minorités ethniques.

L'armée qui dirige la Birmanie, sous diverses appellations, depuis plus de quarante-deux ans, a finalement essayé de maintenir un Etat centralisé. Tous les généraux birmans passés ou présents, ont eu peur du mot " fédéral ", lequel est synonyme pour eux de " balkanisation ". Ils ont souvent déclaré qu'ils n'emprunteront jamais la voie yougoslave. En effet, il n'est pas envisageable  que  Rangoun renonce  au contrôle de tous les territoires des minorités ethniques avec facilité.

Les intérêts ethniques sont aussi divers que nombreux. Des groupes ethniques ont réclamé leur propre indépendance, alors que d'autres, tels que les Chin, souhaitent que la Birmanie deviennent une fédération. Les minorités ethniques ont également des divergences sur le type de fédération que la Birmanie devrait adopter. Des minorités, en dehors de tout pragmatisme, seraient satisfaites d'un fédéralisme, au sein duquel la majorité birmane garderait le contrôle des affaires nationales ; d'autres espèrent obtenir une autre forme d'autonomie, ou ils peuvent être dégagé de toute interférence. Ces diverses visions sont compréhensibles, mais les minorités ethniques, recherchent un terrain d'entente parmi leurs ambitions partagées, pour un système de gouvernance fédérale, dans lequel leurs droits, leur langues, leurs cultures, leurs modes de vie seraient garantis constitutionnellement ou d'une autre manière.

La junte ne cédera pas d'un pouce, concernant son hostilité a un système fédéral en Birmanie. Malgré des indications qui pourraient démocratiser la Convention Nationale, l'Institution responsable de la rédaction de la future constitution du pays, les minorités ethniques savent que la Birmanie restera un état centralisé.

Puis, le point névralgique auquel la Birmanie fait face, est la manière dont les groupes ethniques pourront réaliser un compromis entre leurs objectifs déclarés quant à la création d'un Etat fédéral. David Taw, à la tête des affaires étrangères de l'Union Nationale Karen, adopte une approche différente de la question fédérale. Il est prêt à abandonner le mot "fédéral ", aussi longtemps que la junte garantira les droits des minorités ethniques. En résumé, ce n'est pas l'étiquette " fédéral ", qu'il pense être importante, mais l'assurance que les droits, sous tout régime politique futur, seront observés, sans se soucier du fait que le système soit considéré comme fédéral ou non.

Rappelant les réalités politiques de la Birmanie, David Taw veut voir une forme de décentralisation amenant au fédéralisme, plutôt qu'une transition immédiate vers lui. " Ni les nationalités ethniques, ni les Birmans, spécialement l'armée birmane, ne sont prêts pour cela ", dit-il. Un important travail d'éducation de la population doit etre fait, pour que celle-ci comprenne le système , et l'importance d'une participation publique à son fonctionnement.

Mais les minorités ne pourraient être prêtes à accepter une forme incomplète de reconnaissance politique, comme compromis. " Nous avons déjà commencé à élaborer un compromis collectif entre nous ", a déclaré Khun Okker, le secrétaire général adjoint du Front Démocratique National.

Des tentatives menées par des groupes ethniques pour réconcilier leurs divergences, et rechercher une solution fondée sur le compromis, sera une affaire décourageante. Même si ce découragement conduira à une solution réaliste qu'ils peuvent utiliser communément pour négocier avec le régime.

L'issue n'appartient qu'au bon rapprochement entre leur désir de fédéralisme, et leur volonté de réaliser un compromis.


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