Birmanie>Net Hebdo n° 67 - 14 mai 2004
La lettre d'information hebdomadaire d'Info Birmanie



Sommaire 

  • Nouvelle rencontre d'Aung San Suu Kyi et de ses adjoints
  • Flou total sur la convention nationale censée s'ouvrir lundi 
  • Aucune garantie pour une couverture libre de la Convention nationale
  • Loi interdisant toute critique de la Convention Nationale : révélatrice d’un climat


Nouvelle rencontre d'Aung San Suu Kyi et de ses adjoints, chez elle
Source: AFP, 4 mai 2004   

Les membres de la direction du principal parti d'opposition en Birmanie, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), devaient se rendre de nouveau mardi au domicile de leur dirigeante Aung San Suu Kyi, assignée à résidence, a rapporté une source de la LND.

Cette rencontre, la 3e en une semaine, marque une nette accélération des discussions politiques de l'opposition avant l'ouverture, le 17 mai, d'une convention nationale.

Les analystes s'attendent à voir Mme Suu Kyi libérée d'ici là, de même que le secrétaire de la Ligue, Tin Oo.

Les neuf membres de la Commission exécutive centrale (CEC) de la LND --y compris Mme Suu Kyi et Tin Oo-- avaient déjà été autorisés à se rencontrer mardi et jeudi derniers, pour deux longues réunions, les premières depuis mai 2003.

La LND avait demandé une telle rencontre aux autorités pour décider si elle va participer ou non à la convention nationale mise sur pied par la
junte, qui vise à terme une démocratisation, selon Rangoun.

Cette convention est la première étape d'une "feuille de route" en vue d'une démocratisation que le régime birman a présentée en août 2003 sous la pression internationale.

Elle doit réunir des centaines de représentants du gouvernement, de l'opposition et des minorités ethniques.

La LND a indiqué vendredi dernier être quasiment certaine de participer à la convention nationale et espère que le gouvernement militaire va accepter les conditions qu'elle pose à sa participation, nécessaire selon les analystes pour donner de la crédibilité au processus.

La direction de la Ligue avait été arrêtée le 30 mai après qu'un convoi dans lequel voyageait Mme Suu Kyi venait de tomber dans une embuscade, apparemment orchestrée par la junte, dans le nord de la Birmanie.

Flou total sur la convention nationale censée s'ouvrir lundi

Source: AFP, 12 mai 2004   

A quelques jours de l'ouverture d'une convention  nationale censée enclencher une démocratisation, un "flou total" régnait mercredi à Rangoun, selon les analystes qui se demandaient même si l'opposition y participerait et si sa dirigeante Aung San Suu Kyi serait libérée.

Les autorités n'en ont pas moins apparemment accéléré les préparatifs pour que s'ouvre lundi prochain, comme elles l'avaient annoncé, une convention nationale qui doit rédiger une Constitution dans le cadre d'une "feuille de route" qui aboutirait, à une date indéterminée, à des élections "libres".

Cette convention, convoquée dans un endroit perdu à une quarantaine de km de Rangoun, est censée rassembler des centaines de représentants de niveau intermédiaire du gouvernement, de l'opposition et des minorités ethniques.

Or la Ligue nationale pour la démocratie (LND) --parti d'Aung San Suu Kyi et principale formation de l'opposition-- n'a toujours pas annoncé si elle allait participer à la grande messe, objet d'un battage médiatique dans la presse officielle.

Mercredi, elle n'avait toujours pas reçu de réponse de la junte à des conditions qu'elle a posées à sa participation, tandis que sa dirigeante demeurait assignée à résidence.

"C'est le flou total", note un analyste. "Il n'y a aucun signal d'ouverture du côté du régime et de l'autre il y avait beaucoup d'optimisme mais les jours passent...".

"Après, ça devient technique, de nombreux délégués doivent venir du fin fond de la Birmanie, ça va être dur", ajoute l'analyste.

Les participants à la convention doivent s'inscrire vendredi, dernier délai, et les experts s'accordent sur le fait qu'une absence de la Ligue ôterait
toute crédibilité à la convention.

Par ailleurs, de nombreux partis ethniques ont indiqué que si la Ligue n'allait pas à la convention, ils la boycotteraient aussi.

L'absence d'informations officielles alimentait les rumeurs sur un report de la convention faute d'un accord entre la LND et le gouvernement, ou son ouverture puis un ajournement au bout de plusieurs jours.

"Ca m'étonnerait qu'elle n'ouvre pas, on voit mal Rangoun revenir sur sa décision", à moins de perdre totalement la face, estimait néanmoins l'analyste.

Une Birmanie sous pression avait annoncé cette convention dans le cadre d'une "feuille de route" présentée en août dernier. Le gouvernement venait de subir un net accroissement des sanctions occidentales, américaines surtout.

Le sort d'Aung San Suu Kyi faisait aussi l'objet de bien des spéculations mercredi.

Arrêtée le 30 mai 2003, elle est n'a pas vu son assignation à résidence levée après les fêtes du nouvel an traditionnel de la mi-avril, comme la majorité des experts l'avaient prévu.

Et ceux qui estimaient que de toute façon elle serait libérée avant l'ouverture de la convention, commençaient à sérieusement douter.

Une ouverture de la convention qui doit entamer un long processus de démocratisation alors que Mme Suu Kyi, prix Nobel de la paix, reste emmurée dans sa résidence de Rangoun, serait du pire effet et vaudrait encore probablement au gouvernement birman de violentes critiques occidentales.

Les observateurs étaient pour la plupart pessimistes.

"Je ne crois pas que la Ligue va participer", disait un diplomate asiatique. "La LND a fait ses propositions, mais le gouvernement a déjà annoncé que la convention serait organisée dans les mêmes conditions qu'il y a dix ans".

Le gouvernement avait convoqué une précédente convention en 1993, qui avait échoué en 1996, un an après que la LND en eut claqué la porte après l'avoir estimée non-démocratique.

Cinq jours avant l'ouverture de la convention, les diplomates basés à Rangoun n'avaient toujours pas reçu d'invitation.

Les journalistes étrangers étaient toujours indésirables: leurs demandes de visa, dont ils sont privés depuis deux ans, n'avaient pas été satisfaites.


La junte militaire ne donne aucune garantie pour une couverture libre de la Convention nationale
Source: Reporters Sans Frontières, 13 mai 2004  

Les journalistes sous pression après la condamnation à quinze ans de prison d'un ancien correspondant de la BBC

Le gouvernement militaire n'a donné aux journalistes birmans et étrangers aucune garantie pour une couverture libre de la Convention nationale qui doit s'ouvrir le 17 mai 2004. Les militaires, et notamment les services secrets, ont refusé des visas, intimidé des journalistes, maintenu la censure préalable et sécurisé les lieux de la Convention.

Alors que la Convention nationale doit s'ouvrir dans quatre jours, le gouvernement semble incapable de donner à cette réunion la sérénité et la transparence qui s'imposent alors que le pays est appelé à discuter d'un projet de Constitution. Reporters sans frontières et la Burma Media Association demandent au Premier ministre, le général Khin Nyunt, d'accorder des visas à tous les journalistes birmans et étrangers qui en ont fait la demande, de mettre un terme à la censure préalable, d'installer une salle de presse au sein de la Convention nationale équipée de communications internationales et de libérer des journalistes emprisonnés.

Les deux organisations ont notamment demandé au chef du gouvernement militaire de libérer Ne Min, ancien collaborateur de la BBC, récemment condamné à quinze ans de prison. "Son arrestation et la peine infligée sont une pression supplémentaire pour les journalistes birmans qui tentent d'informer au mieux les médias étrangers", ont affirmé Reporters sans frontières et la Burma Media Association. Avocat et stringer de la BBC dans les années 1980, Ne Min, âgé d'environ 55 ans, a été de nouveau arrêté en février 2004. Il a été condamné, le 7 mai, à quinze ans de prison par une cour spéciale réunie au sein de la prison d'Insein. Il a déjà passé huit ans en prison pour "diffusion de fausses rumeurs". Il est reconnu par beaucoup de journalistes birmans comme un professionnel très expérimenté. Les services secrets militaires l'ont accusé d'avoir transmis des informations à des organisations basées à l'étranger, notamment à des médias. Quatre autres personnes, dont Nyan Htun Linn, militant étudiant et ancien responsable du site Internet d'information www.amyinthit.com (basé en Thaïlande), ont été condamnés à de lourdes peines. Nyan Htun Linn a écopé de vingt-deux ans de prison pour avoir diffusé, notamment à des journalistes, un communiqué critiquant le processus de la Convention nationale.

Les journalistes étrangers, notamment de l'Agence France-Presse, de Voice of America, et des services en birman et en anglais de la BBC World Service, qui ont fait une demande officielle de visa pour couvrir la Convention nationale, n'ont obtenu aucune réponse des autorités birmanes. En revanche, un journaliste étranger basé à Bangkok aurait obtenu une autorisation pour se rendre à Rangoon.

La Convention nationale va se réunir à Nyaunghnapin situé à une quarantaine de kilomètres au nord de Rangoon. Selon plusieurs sources, le réseau de téléphonie mobile ne couvre pas ce bâtiment qui est situé près d'un camp militaire. Les journalistes auront peu de possibilité d'entrer en contact directement avec les centaines de délégués. Ces derniers peuvent être punis d'une peine allant de 5 à 20 ans de prison s'ils "distribuent" un discours ou un communiqué non approuvé par le Comité de travail de la Convention, contrôlé par les autorités. En 1996, un délégué de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) avait été condamné à vingt ans de prison pour avoir transmis à des journalistes un texte non validé par ce Comité.

Par ailleurs, la censure préalable est toujours appliquée aux publications privées de Rangoon qui se voient de fait interdites de couvrir librement la préparation de la Convention et la position du parti d'Aung San Suu Kyi, toujours maintenue en résidence surveillée.

Afin d'apaiser les pressions internationales, la junte militaire a annoncé l'ouverture d'une Convention nationale le 17 mai 2004 pour établir une nouvelle Constitution. Ni le principal parti démocratique, la LND, ni la majorité des partis des minorités ethniques n'ont confirmé leur participation. Le gouvernement a imposé les règles de la Convention qui s'était interrompue en 1996 après le retrait de la LND.


La loi interdisant toute critique de la Convention Nationale : révélatrice d’un climat que la NLD refuse en bloc
Source: The Irrawaddy, le 12 avril 2004

Par Kyaw Zwa Moe

La NLD a récemment appelé à l’abrogation de la loi No 5/96 qui criminalise tout discours ou document qui " déprécie ou apporte la confusion sur les travaux de la Convention Nationale. " Cette déclaration est intervenue deux jours après que les représentants du parti ont reçu leur convocation officielle pour assister à la Convention.
En juin 1996, trois ans et demi après le début de la Convention, la Junte a promulgué cette loi, la jugeant nécessaire afin d’éviter toute obstruction au travail de l’Assemblée. Elle est officiellement appelée " Loi de Protection du Transfert Pacifique et Systématique de la Responsabilité d’Etat et de la Convention Nationale contre les troubles et l’opposition. "
Cette loi contient cinq interdictions incluant " les troubles, la destruction, l’obstruction, les incitations, les discours, les déclarations écrites ou orales ou toute rumeur ayant pour but de minimiser, déprécier ou jeter la confusion sur le travail accompli par la Convention Nationale pour l’émergence d’une Constitution stable et durable. "
La loi permet aux autorités de punir les violations par des peines pouvant aller jusqu’à vingt ans d’emprisonnement ou par la fermeture ou la saisie des biens de toute organisation dissidente.
" La loi est complètement inutile ", a déclaré Than Tun, cadre de la NLD. " Elle doit être abrogée afin que les citoyens et les partis politiques puissent librement débattre de la Constitution. "


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