Edito
Alors que l'actualité en Birmanie est plus que riche, il pourra paraître
surprenant de consacrer un numéro de Net Hebdo à la question du tourisme.
Au contraire, et meme si la "campagne d'information pour un tourisme responsable"
que nous lançons le 19 juin prochain etait programmée depuis des mois, il
nous semble approprié de rappeler que le temps n'est toujours pas venu de
changer de position vis-à-vis de ce pays, et que les questions posées par
le fait de voyager dans le pays des mille pagodes et du SPDC restent toujours
les mêmes.
Birmanie : et si on voyageait intelligent ?
Communiqué de presse d'Info Birmanie - 12 mai 2004
Campagne d'information pour un tourisme responsable
Paris, le 12 mai 2004. Info Birmanie, association loi 1901 qui collecte,
analyse et diffuse des informations sur la situation politique, économique
et sociale de la Birmanie, annonce le lancement le 19 juin prochain d'une
campagne d'information et de sensibilisation sur la question du tourisme en
Birmanie.
Régulièrement condamnée par la communauté internationale, la Birmanie est
l'un des rares pays au monde où le développement touristique est aussi étroitement
lié aux violations des droits humains fondamentaux: développement du travail
forcé sur les chantiers liés à l'aménagement touristique, déplacements des
populations habitant à proximité des sites touristiques, tourisme sexuel∑
sans oublier les conséquences économiques, sociales et environnementales,
dramatiques pour l'un des pays les plus pauvres au monde.
" Faire du tourisme en Birmanie pose un problème d'ordre éthique. En allant
en Birmanie, les touristes cautionnent la dictature militaire au pouvoir"
déclare Aurélie Zammarchi, Responsable Tourisme au sein d'Info Birmanie. "
Par cette campagne, nous voulions éviter que, cette année encore, les Français
comptent parmi les touristes occidentaux les plus nombreux à se rendre en
Birmanie. Mieux informés sur les conséquences du soutien moral et financier
à cette narco-dictature illégitime, les touristes français réfléchiraient
à deux fois avant d'y partir ".
Si, bien qu'informés, les touristes français choisissent tout de même cette
destination, Info Birmanie prodigue quelques conseils afin de les sensibiliser
à un tourisme responsable, soucieux des droits de l'Homme : éviter les circuits
proposés par le Myanmar Travel & Tours, l'agence touristique gouvernementale,
ainsi que les moyens de transports et hébergements gérés par l'Etat ; écrire
au gouvernement birman, à l'ambassade de Birmanie en France et à l'Ambassade
de France à Rangoun, afin de dénoncer les violations massives et systématiques
des droits humains etc.
" Nous aimerions faire naître une amitié franco-birmane basée sur des relations
solidaires et responsables " ajoute Aurélie Zammarchi.
Soutenue par d'autres ONG, cette campagne s'articulera autour d'un fascicule
disponible en versions papier et électronique, qui sera distribué aux réseaux
associatifs et institutionnels et dans un maximum de manifestations, débats,
conférences et salons.
Le lancement officiel de cette campagne aura lieu le samedi 19 juin 2004
lors d'une soirée organisée par Info Birmanie à l'occasion du 59ème anniversaire
d'Aung San Suu Kyi, leader de l'opposition démocratique birmane et prix Nobel
de la paix.
Contacts Presse Info Birmanie
Claire Bouc / Mathilde Cousin
tel : 06 20 81 17 92 / 06 30 56 87 14
email :
presse_infobirmanie@yahoo.fr
La Birmanie lance
une campagne promotionnelle sur le tourisme dans les pays asiatiques
Source: Xinhua, 9 mai 2004
La Birmanie a entamé le lancement de sa campagne promotionnelle sur le tourisme
dans l’ensemble des pays asiatiques afin d’attirer davantage de visiteurs
sur son territoire, a reporté dans son numéro de lundi le journal local, The
Myanmar Times.
Faisant suite à l’événement organisé fin avril à New Dehli (Inde) qui a
attiré environ 117 agences et spécialistes du voyage , la Birmanie a décidé
de lancer une campagne promotionnelle dans les deux principales villes du
Japon, Osaka et Tokyo, respectivement le 11 et 13 mai prochains. Les deux
événements, impliquant la compagnie aérienne Myanmar Airways International,
verront la participation d’environ 25 agences d’hôtel et de voyage, exemples
cités par le Myanmar Tourism Promotion Board.
Les hôtels comprennent le Sedona, le Traders et le Nikko Royal Lake, pendant
que la Thai Airways Internationnal soutient la campagne en développant ses
vols à bas prix vers le Japon.
Ces divers événements promotionnels se caractériseront par une présentation
de la Birmanie pour être suivi ensuite par des ateliers de travail au sein
desquels pourront être réalisés les négociations entre les agents de voyage
et les hôtels de la Birmanie et du Japon.
En plus, deux autres événements sont planifiés à la fin du mois à Singapour
et en Malaisie.
Selon les chiffres officiels, la Birmanie comptabilisait à la fin du mois
de mars 570 groupes d’hôtels, ce qui représentent plus de 17 200 lits pour
un investissement qui se monte à environ 583 millions de dollars, plus 33
milliards de Kyats (environ 41, 2 millions de dollars).
Ces statistiques révèlent que les arrivées de touristes en Birmanie approchent
les 277 600 personnes durant les sept premiers mois de l’année fiscale 2003-04,
soit une hausse de 27,3% comparée à la même période de l’année précédente.
Ces chiffres indiquent également que les investissements étrangers dans
le secteur hôtelier et du tourisme de Birmanie s’élèvent à environ 1,06 milliards
de dollars pour environ 43 projets, ceci depuis la fin 1988, année de l’ouverture
du pays aux capitaux étrangers.
Survivants sans statut
dans l'exil thaïlandais
Source: Le Monde diplomatique, juin 1994
La visite du village de Huang-Haen, dans l'extrême nord-ouest de la Thaïlande,
est au programme de la plupart des agences touristiques du pays.
Il s'agit, ni plus ni moins, d'un zoo humain. On peut y voir vingt et une
femmes, appelées " femmes-girafes ". Leur cou est allongé, cerné d'une
spirale de cuivre plus haute chaque année, comme le veut une coutume ancestrale.
Flairant la bonne affaire, M. Su Pot, un entrepreneur thaïlandais, a parqué
ces femmes dans un village de bambou reconstitué. Il a installé une guérite
à l'entrée, où un guide accueille les visiteurs. Le
prix d'entrée est de 100 francs. A qui s'étonne, il répond : " Nous reversons
1 000 baths (1 bath = 0,25 franc) à chacune des femmes, et nous veillons à
leur santé. " Une centaine de touristes visitent quotidiennement ce zoo humain,
ce qui représente un chiffre d'affaires de 300 000 F par
mois. Même en déduisant les 5 250 F " généreusement " reversés aux "femmes-girafes
", Huang-Haen reste une affaire rentable. Les femmes peuvent circuler dans
le village. Elles portent leur prison sur elles, une prison de cuivre qui
leur enserre la gorge. Comment pourraient-elles s'enfuir ?
En ville, elles seraient immédiatement repérées et ramenées au camp. Et
qu'y feraient-elles ? Elles n'ont connu que la forêt. Eloignées de leurs
époux, elles ne pourraient y survivre seules. Originaires de Birmanie, elles
ont grandi dans la forêt jusqu'à ce qu'en 1988 la guerre civile les chasse
de leur territoire.
" Si tu parles trop... "
Par milliers, les Birmans ont fui la répression du régime de Rangoun. Ce
dernier n'a jamais pardonné l'appui apporté aux séparatistes et autres aspirants
à la démocratie qui ont menacé le régime en 1988. Viols, tortures, exécutions
sommaires, villages incendiés, rien n'a été épargné aux populations soupçonnées
d'avoir prêté main-forte aux rebelles et aux opposants. Les exilés n'ont aucun
statut.
Officiellement, ils ne sont rien. Ni Birmans, ni Thaïlandais, ni réfugiés
politiques, ils s'appellent eux-mêmes des " personnes déplacées ". Démunis
de papiers, sans recours, ils sont la proie de toutes les tracasseries. Les
" femmes-girafes " faisaient partie de ce flot. Pour les milliers d'autres
qui n'ont pas de long cou, la réalité est tout aussi dramatique. Certains
ont choisi de tenter leur chance en ville. Ainsi, cette serveuse, âgée de
dix-neuf ans, dans un restaurant huppé de Mae-Hong-Son. Pour 800 baths mensuels
(" C'est un salaire correct pour une Birmane ", précise-t-elle), elle travaille
au minimum dix heures par jour. Parfois dix-neuf. Elle dort dans la cuisine
sur une natte. " Au début, j'étais employée sur un chantier de construction
routière, à manier des pelletées de goudron. Je n'ai jamais été payée. J'avais
droit à deux soupes par jour. C'était trop dur, j'ai craqué ", dit-elle. Les
revendications sociales sont systématiquement rejetées. " Si tu parles trop,
je te dénonce ", s'entend répondre le plaignant. Etre dénoncé, pour un Birman,
c'est être emmené au poste de police pour défaut de papiers. Le séjour peut
se
prolonger longtemps, derrière les barreaux, dans l'indifférence générale.
Than Htay, un étudiant qui a fui la Birmanie au lendemain de la répression
de 1988, raconte : " En 1991, j'ai été arrêté pour défaut de présentation
de papiers d'immigration. J'ai passé treize jours au poste de police principal
de Mae-Hong-Son. Dans le même temps, six Birmanes ont été arrêtées en compagnie
de leurs époux. A 1 heure du matin, une nuit, la lumière s'est éteinte. J'ai
entendu des policiers s'approcher. Ils ont pénétré dans la cellule d'à côté,
et ont menacé les femmes de leurs armes. Puis ils les ont violées. Je ne pouvais
rien faire. J'ai envoyé ce témoignage à Amnesty International. Un officier
de la Thaï Intelligence Agency a été contacté. Il m'a clairement fait comprendre
que, pour faire avancer l'enquête, il fallait organiser une confrontation
et que, dans ce cas, je n'avais aucune chance. C'était la parole des policiers
contre la mienne, avec toutes les représailles que je risquais. J'ai abandonné,
mais je n'oublierai jamais cette nuit. " Tous les six mois, il part avec
un commando d'étudiants, pénétrant loin à l'intérieur de son pays pour y
tendre des embuscades, pour harceler le régime, tenter de provoquer un soulèvement
général. Il ajoute : " En Birmanie, la situation est dramatique, plus dure
encore pour nous qu'ici en Thaïlande. Les travailleurs sont réquisitionnés
sous le contrôle de l'armée. Beaucoup meurent, car la tâche est trop dure.
Par exemple, les Birmans construisent une voie ferrée entre Aung-Ban et Loikaw.
Tous les hommes valides qui habitent à proximité doivent abandonner leurs
cultures et travailler gratuitement à l'édification de la ligne. Pendant ce
temps, les récoltes de paddy pourrissent sur pied. Ou encore, l'armée débarque
un beau jour dans un village et dévalise les greniers, ou ordonne qu'on lui
fournisse des porteurs qui devront marcher avec des charges d'un poids inhumain
sur le dos, en tête des troupes anti-guérilla, pour faire exploser les mines.
Et si vous refusez, c'est l'exécution immédiate, pour l'exemple. " Fuyant
l'horreur, beaucoup n'ont trouvé au bout de leur route qu'un autre drame,
ainsi ces nombreuses prostituées séquestrées dans les bordels de Bangkok ou
d'ailleurs, sans espoir d'en sortir. Tous les réfugiés n'ont pas choisi de
vivre en ville. Beaucoup s'entassent dans des camps, au milieu de la forêt
tropicale. Sur des terrains prêtés par la Thaïlande, ils ont bâti des constructions
rustiques mais solides. Des organisations non gouvernementales (ONG) ont ensuite
apporté leur concours. L'une d'elles, la Commission internationale pour les
droits des ethnies minoritaires et des peuples aborigènes, leur a fourni
les protéines dont ils manquaient cruellement.
Sous la houlette de M. Jean-Philippe Vandroux, un jeune Français installé
à Mae-Hong-Son, des élevages de poules, de canards, de poissons, de grenouilles,
de porcs et de dindes commencent à se multiplier dans les camps. Une organisation
américaine a permis l'adduction d'eau. Tous ces progrès sont menacés par le
bon vouloir des Thaïlandais, qui peuvent à tout moment ordonner le déplacement
des camps afin d'interdire aux Birmans de s'implanter durablement. Les Thaïlandais
sont déchirés entre deux attitudes: d'un côté, il leur faut ménager leurs
bons rapports avec Rangoun ; de l'autre, venir en aide aux réfugiés pour ne
pas s'exposer aux foudres des enquêteurs internationaux. D'où cette solution
intermédiaire : les réfugiés sont aidés mais modérément. Sombre tableau sanitaire
La situation sanitaire est mauvaise. Le docteur Richard est médecin-chef birman
du camp de Mae-Sarin qui accueille plus d'un millier de réfugiés. Formé par
des volontaires de Médecins sans frontières pendant quatre années, il se
déclare prêt à soigner la plupart des patients. Il dresse néanmoins un sombre
tableau de la situation : " La malaria fait des ravages, suivie de près par
la dysentrie et les diarrhées. Pour la malaria cérébrale, on m'apporte en
général les malades quand il est trop tard. Nous manquons de quinine, n'avons
pas de produits antimoustiques autres que le DDT, dont nous aspergeons régulièrement
chaque maison. Mais c'est insuffisant. Les moustiquaires sont en mauvais
état, nous n'avons pas de produit pour protéger nos enfants. Le camp est
mal placé, très humide, peu aéré, car encerclé de montagnes. Il fait trop
chaud en été, trop froid en hiver. Nous faisons des campagnes d'information,
pour que les gens fassent bouillir l'eau, mais quand le bois est mouillé,
les gens oublient ces recommandations. " Le général Aung Than a été élu en
1992 premier ministre de la nation karenni, ethnie en lutte depuis 1948 contre
le régime de Rangoun, qui a toujours refusé l'indépendance à son peuple.
Il vit dans le camp forestier de Mae-Sarin. A première vue, rien ne le distingue
de ses compatriotes réfugiés, si ce n'est le talkie-walkie qu'il porte en
permanence, pour se tenir informé de la situation " à l'intérieur ". " Nous
ne contrôlons plus qu'une mince bande de notre territoire. L'armée birmane
a quasiment gagné sa guerre contre nous. Sans appui international, nous sommes
oubliés du monde ", commente-t-il avec rancoeur. Il ajoute : " Nous ne pouvons
rien faire. Nous sommes les invités de la Thaïlande. Nous ne pouvons que
l'en remercier, car sans elle nous serions tous morts. Mais la contrepartie,
c'est que nous ne pouvons rien lui refuser. S'il y a des abus, nous ne pouvons
que les accepter. Car si on nous chasse, nous n'avons nulle part où aller.
"
Philippe Tarnier, journaliste