Edito
Par Camille Denis
Le premier juin dernier, le Général birman, Khin Nyunt, s´est rendu officiellement en Malaisie pour la première fois en tant que premier Ministre, afin de renforcer les liens entre les deux pays.
Cette visite faisait écho à celle de son homologue malaisien, Abdullah Ahmad Badawi, en Birmanie le 13 février 2004.
Les discussions entre les deux responsables ont porté sur les échanges commerciaux bilatéraux et la coopération économique.
Les relations entre la Malaisie et la Birmanie ont connu ces dernières années un développement rapide.
Les generaux birmans ont trouvé dans la Malaisie et plus particulièrement en Mahathir, Premier Ministre malaisien de juillet 1981 a octobre 2003, un veritable supporter, notamment lors du processus d´admission de la Birmanie au sein de l´ASEAN en juillet 1997. ( Association des Nations d´Asie du Sud Est créée en 1997 par la Thailande, la Malaisie, l´Indonésie, Singapour et les Philippines. Aujourd´hui, l´ASEAN compte 10 membres : les 5 pays fondateurs de l´association et depuis 1989, le Brunei, le Vietnam depuis 1994, le Laos et la Birmanie depuis 1997 et le Cambodge depuis 1999.)
Les Etats Unis, l´Europe, certains pays de l´Asie, ainsi que l´opposition birmane critiquaient fermement cette admission et s´y opposaient ,mais Mahathir continuait à defendre l´idee de "l'engagement constructif": l´entrée de la Birmanie dans l´association des pays du sud-est asiatique permettrait au pays de sortir de son isolation et se dévélopper pour pouvoir ainsi suivre "les engagements démocratiques" de ses nouveaux confrères.
Mahathir ne voulait pas que la Birmanie reste sous influence chinoise et espérait profiter de l´ouverture récente du pays aux investissements étrangers. Intégrer la Birmanie dans l´ASEAN signifiait aussi priorité et avantages sur le plan économique et commercial.
C´est ainsi que la Malaisie est devenue le 4ème investisseur en Birmanie derrière Singapour, la Thailande et la Grande Bretagne.
Mahathir n´est pas le seul malaisien à avoir su gagner la confiance la confiance des généraux birmans, le diplomate Razali Ismail, envoyé spécial Birmanie des Nations Unies a su se montrer suffisament rusé pour approcher à plusieurs reprises les généraux de Rangoun, mais sans grand résultat encore aujourd´hui.
Rangoun et Kuala Lumpur se sont ainsi liées d´amitié et tout le monde y a trouvé avantage : les dictateurs birmans sont entrés dans l´ASEAN qui leur sert aujourd´hui de paravent face aux menaces de l´Occident, la Birmanie n´est plus la seule à etre montrer du doigt, toute l´ASEAN subit les pressions étrangères. Et Le leader autoritaire malaisien a trouvé une main d´oeuvre très bon marché qui satisfait les hommes d´affaires de son pays.
Abdullah Ahmad Badawi, successeur de Mahathir doit aujourd´hui se faire une place dans le monde politique de la Malaisie, totalement dominé par Mahathir pendant ces 20 dernières années. Mahathir a d´ailleurs lui-meme choisi son successeur après l´avoir testé.
Badawi doit aussi lutter contre le spectre de Mahathir toujours très présent dans la région. Sa visite en Birmanie le 13 février a été pour lui aussi la première en tant que premier Ministre. Il voulait donc renforcer les liens entre les deux pays et bien sur gagner la confiance des généraux birmans par une première visite de courtoisie.
Badawi est connu pour ses qualités de diplomates : il fut en effet le deuxième ministre des Affaires Étrangères à rencontrer Aung San Suu Kyi en 1998 et il présidait la conférence ministériel de l´ASEAN qui a permis à la Birmanie et au Laos de devenir membres officiels de l´association. Le nouveau premier Ministre malaisien ira t´il plus loin dans ce qu´avait commencé son prédecesseur Mahathir, c´est à dire tenter de raisonner la junte et les amener à une réconciliation nationale.
Le Premier ministre birman en visite en Malaisie
Source : The Irrawady, 1er juin 2004
Le général Khin Nyunt, Premier Ministre birman, a débuté mardi sa visite officielle en Malaisie, dans le respect des plus strictes exigences de sécurité.
Le général Khin Nyunt est arrivé à Putrajaya où il a rencontré son homologue malais Abdullah Badawi, après avoir procédé à l’inspection d’une garde d’honneur, lors de la cérémonie d’accueil.
Le Premier Ministre birman devrait se rendre à Bangkok le 4 juin afin de rencontrer le Premier Ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra.
Le gouvernement malais a fait pression pour que la candidature birmane soit acceptée au sein de l’Association des Nations d’Asie du Sud-Est, ou ASEAN (ANASE), groupement régional d’États, et n’a depuis que très rarement commenté les problèmes internes du pays.
" Il est évident que l’avenir et la stabilité du Myanmar [Birmanie] sont au cœur des préoccupations des pays de l’ASEAN ", a déclaré Syed Hamid, Ministre malais des affaires étrangères aux journalistes avant la réunion des chefs de gouvernement.
Syed Hamid a rajouté : " Je crois que le Myanmar est conscient de ce que ressentent les pays de l’ASEAN et que le pays connaît notre opinion. "
La Birmanie va importer du pétrole malais pour un montant de 250 millions de dollars
Source : Associated Press, 3 juin 2004
La Birmanie prévoit d’acheter de l’essence (gasoil et diesel) à Petronas, compagnie pétrolière appartenant à l’État malais, pour un montant de 250 millions de dollars. C’est ce qu’a annoncé mercredi un magazine d’information birman.
Thein Lwin, directeur adjoint du ministère de l’énergie, a déclaré qu’au cours de l’année fiscale 2003-2004 (qui court du 1er avril au 31 mars de chaque année), la Birmanie a importé de l’essence pour un montant total de 200 millions de dollars, mais a l’intention d’augmenter l’importation de 50 millions de dollars au cours de la présente année fiscale, a rapporté le magazine de langue birmane 7-days.
Bien que les nouvelles importations devront entièrement provenir de Petronas, la question de savoir si la compagnie pétrolière constituait l’unique fournisseur de la Birmanie l’année dernière n’était pas élucidée.
La société Petronas a obtenu plusieurs contrats avec le gouvernement militaire birman, y compris des concessions d'exploration.
La consommation de gasoil dans le pays a plus que doublé pour atteindre les 371,8 millions de litres consommés pendant l’année fiscale 2002-2003 contre 177 millions de litres en 1992-93. La consommation de diesel a presque triplé, pour atteindre les 1,28 milliards en 2002-2003, contre 425,8 millions de litres en 1992-1993, a indiqué le magazine.
En raison d’une production interne d’essence limitée, la Birmanie connaît des pénuries régulières d’essence et des pannes d’électricité, même dans la capitale, Rangoun. Ses gisements de pétrole produisaient 32.000 barils d’essence brute par jour en 1979, mais cette production a graduellement décliné depuis. La Birmanie a produit environ 16.000 barils d’essence brute par jour en 2002, soit 5,8 millions dans l’année, selon les chiffres officiels.
Malaisie: Reporters sans frontières et la Burma Media Association demandent une enquête après le kidnapping d'un journaliste birman
Le journaliste et militant démocrate Minn Kyaw a été enlevé le 1er juin 2004 et retenu pendant douze heures par des membres supposés de la "Branche spéciale" de la police malaisienne. Il a été interrogé par des Birmans sur ses activités politiques et journalistiques alors que le Premier ministre birman Khin Nyunt arrivait en Malaisie. Une autre journaliste birmane, Sein Mar, est détenue par les autorités malaisiennes pour avoir manifesté contre la junte de Rangoon.
Reporters sans frontières et la Burma Media Association (BMA) condamnent cet enlèvement d'un journaliste et militant de la liberté d'expression et demandent une enquête sur cet incident. Si la thèse d'un kidnapping orchestré par les services de sécurité se confirme, les deux organisations souhaitent des explications du gouvernement. "En plus de recevoir en grande pompe le chef d'un gouvernement dictatorial et sans légitimité, il serait choquant que les autorités de Kuala Lumpur empêchent les journalistes de faire leur travail par peur d'offusquer un général birman", ont déclaré conjointement Reporters sans frontières et la BMA dans une lettre au ministre de la Sécurité intérieure et Premier ministre, Abdullah Ahmad Badawi.
Selon le témoignage de Minn Kyaw, rédacteur en chef de la revue Burma Media Link, il a été enlevé par des individus qui se sont présentés comme des agents de la "Branche spéciale" de la police. Il était en route vers l'aéroport en compagnie de sa femme lorsque deux véhicules l'ont forcé à s'arrêter. Un homme s'est précipité vers eux, a ouvert la porte et crié : "Nous voulons Minn Kyaw." Le journaliste qui a le statut de réfugié auprès du HCR, a été extirpé de force du véhicule, puis menotté et cagoulé. Il a été conduit dans une banlieue sud de Kuala Lumpur et enfermé dans un container. Minn Kyaw a été interrogé par une femme birmane après avoir passé plusieurs heures sans nourriture et sans eau. Ses geôliers lui ont posé des questions sur ses activités en faveur de la démocratie en Birmanie et son soutien aux réfugiés birmans en Malaisie. La femme lui a reproché ses articles et ses commentaires sur des radios locales qu'elle a qualifiés "d'insultes à la Birmanie". Elle lui a également demandé d'où provenaient les fonds qui lui permettent de publier Burma Media Link. Minn Kyaw a été frappé lors de sa détention.
L'épouse du journaliste, Yassra Sahril, a porté plainte. "C'est un cas délicat", a commenté l'officier en charge de l'enquête qui a refusé de confirmer la thèse d'un enlèvement commandité par les autorités. "L'enquête suit son cours", a-t-il simplement déclaré. Le 3 juin, la police a refusé la présence de l'avocat de Minn Kyaw lors d'un interrogatoire relatif à son enlèvement.
Par ailleurs, la journaliste birmane Sein Mar, responsable de la lettre d'information Yaung Chee Oo (Le nouveau crépuscule) est détenue depuis le 17 mai à Kuala Lumpur. Elle a été arrêtée pour avoir manifesté devant l'ambassade de Birmanie contre la Convention nationale organisée par la junte birmane. Sein Mar a le statut de réfugié auprès du HCR en Malaisie. Sa fille de sept ans, privée de ressources, a été placée dans un centre des Nations unies. Reporters sans frontières et BMA demandent sa libération dans la mesure où elle n'a fait que manifester pacifiquement en faveur de la liberté d'expression.