Birmanie>Net Hebdo n° 75 - 22 novembre 2004
La lettre d'information hebdomadaire d'Info Birmanie



Sommaire 

  • La Birmanie des généraux se relâche
  • Libération massive de prisonniers politiques
  • Libération de Min Ko Naing
  • Min Ko Naing vu par Amnesty International
  • Min Ko Naing en 1988
  • Win Tin attend sa libération
  • Rangoun fait un geste vers ses opposants et ses voisins asiatiques
  • Les libérations de détenus apparemment suspendues



La Birmanie des généraux se relâche
Info Birmanie, 22 novembre 2004
Par Farid Ghèhiouèche

L'étonnant retournement de situation en Birmanie se place à un moment où tout y semblait bloqué : la suspension de la Convention nationale -première étape de la feuille de route en 7 points annoncée par Khin Nyunt le 30 août 2003, l'abandon du " Bangkok process ", le refus d'octroi du visa au rapporteur spécial du secrétaire général de l'ONU, Monsieur Razali Ismael et au rapporteur pour la Commission des droits de l'Homme de l'ONU, Monsieur Sergio Pinheiro, la négociation tendue pour l'organisation du sommet ASEM d'Hanoï, le bras de fer engagé avec l'Organisation Internationale du Travail...

La politique de sanctions économiques à l'égard de la junte conduisant à son isolement international, comme son intégration régionale au sein de l'ASEAN, au carrefour entre l'Inde et la Chine, sont aujourd'hui les deux principales causes, des multiples événements récents en Birmanie.

Tout d'abord, il est évident maintenant que le limogeage de Khin Nyunt n'est plus le signe d'un raidissement de la junte militaire, ni même celui d'un repli isolationniste de cette dictature en place depuis 1962, mais bel et bien l'échec de l'entreprise personnelle du " dauphin " de Ne Win à conserver le pouvoir. D'ailleurs, l'arrestation du vieil autocrate et son décès l'arme à la main, la condamnation de sa fille Sanda Win, de son gendre et de ses petit-fils marquait le début de la fin de ce sinistre personnage que représentait le chef des services des Renseignements (MIS).

En fait, nous pouvons comprendre maintenant que sa nomination au poste de Premier ministre le 26 août 2003 était un stratagème pour lui faire perdre la tête, à moins qu'il ne fît lui-même subir un sort identique à ses rivaux Maung Aye et Than Shwe.

Mais qui, du triumvirat au pouvoir depuis quinze ans, tire maintenant son épingle du jeu ? Avec du recul, nous analysons que ce n'est pas un remaniement cosmétique en vue de renforcer la position de Than Shwe, mais bel et bien une importante purge du régime militaire. C'est avec l'avènement d'une nouvelle génération de généraux, formés essentiellement dans les DSA (Defence Services Academy), que la faction du Général Maung Aye vient de remporter la mise.

Avec l'élimination de celui qui avait les faveurs des milieux d'affaires, celui que l'on présentait comme le " modéré " et qui est aujourd'hui condamnable à quarante années de prison pour des faits de corruption, les duettistes sont maintenant obligés de composer une nouvelle partition.
Le Senior Général Than Shwe se voit en monarque absolu pour les dix prochaines années. Son objectif est donc de rendre possible une transition vers une démocratie disciplinée. Son salut viendra certainement du rôle qu'il donnera à l'USDA au moment de la réouverture de la Convention nationale. A moins que ses plans soient contrariés, il démontre pour le moment qu'il est l'homme de la situation. Le Général Maung Aye n'aurait pas d'ambition démesurée, bien qu'il soit en position de force et semble plutôt enclin à engager le dialogue avec Aung San Suu Kyi, depuis l'attaque de son convoi à Depayin le 30 mai 2003.

L'annonce de la libération de 3937 prisonniers " injustement détenus ", dont 3 députés élus de la LND et le leader étudiant des manifestations de 1988, Min Ko Naing, est un " signe tangible " qui dynamite tous les pronostics et ouvre toutes les spéculations sur le futur de la Birmanie.

Le mutisme de la communauté internationale se comprend aisément parce qu'il rend complexe toute prise de position. En effet, personne ne va se plaindre du limogeage du Premier ministre le Lieutenant Général Khin Nyunt, tant que la lauréate du prix Nobel de la Paix 1991, Madame Aung San Suu Kyi est en résidence surveillée.

Cependant, la situation recommande beaucoup de prudence. Le voyage en Inde du Président Senior Général Than Shwe, et dans la foulée la visite à Pékin de la nouvelle chaîne de commandement avec à sa tête le nouveau Premier ministre laisse entrevoir le pire. Le " pont de l'Amitié " entre les deux géants asiatiques peut aisément enjamber la minuscule rivière birmane des droits de l'Homme et définitivement laissé couler l'encre et le sang dans son lit. Mais l'histoire birmane est faite de déséquilibres chroniques, elle est marquée par de brusques changements. L'organisation des élections par le SLORC (Conseil d'état pour la Restauration de l'Ordre et de la
Loi), le 27 mai 1990 en est une illustration. Quatorze années plus tard, le monde entier est transis par un des régime les plus violents et
corrompus de la planète.

La France est elle-même entre le marteau et l'enclume : entre la volonté d'afficher des valeurs face à l'image de Total, premier soutien à la junte militaire. Entre la manifestation d'une réprobation du gouvernement birman, et le désir de ne pas forcir les sanctions de l'Union européenne. C'est sur cet équilibre, basé sur la peur de bien ou de mal faire, que les généraux balancent et continuent à se balancer de ce qui peut arriver à la population qui vit en Birmanie

Faut-il aller en Birmanie ? Tout dépends qui vous êtes et ce que vous allez y faire ! Faut-il investir en Birmanie ? Tout dépends de la nature de cet investissement ! Dans les deux cas, vous vous exposez aux critiques, entre l'attitude " collaborationniste " et celle d'un "
jusqu'au boutiste ".

Alors que la junte militaire birmane a largement démontrée son incapacité à respecter ses engagements, essayons de ne pas nous laisser attendrir par la petite musique qu'ils nous composent, et d'aider la population à pleinement retrouver la jouissance de ses droits inaliénables.


Libération massive de prisonniers politiques
Info Birmanie, 22 novembre 2004
Par Sébastien Naar

L’annonce surprise de la libération de près de 40000 prisonniers faite par la Junte, jeudi soir, a réveillé les espoirs d’une transition
pacifique et négociée en Birmanie. Les premiers prisonniers ont commencé à être libéré vendredi matin et bon nombre ont déjà regagné leur foyer. Des familles de prisonniers politiques connus et des diplomates occidentaux ont fait le guet devant la célèbre prison de Insein à Rangoon.

Parmi ces 4000 prisonniers, le State Peace and Development Council, la Junte Birmane, a libéré 21 prisonniers politiques, parmi lesquels 3 députés de la Ligue Nationale pour la Démocratie. On espérait également celle de U Win Tin, célèbre journaliste et opposant, ancien conseiller de Aung San Suu Kyi, arrêté en 1989. Mais celle-ci n’avait pas été confirmée. Selon des sources de l’Irrawady, magazine proche de l’opposition, basé en Thaïlande, on s’attendait cependant à d’autres libérations de prisonniers politiques en vue.

Mais la mesure la plus spectaculaire était sans nul doute la libération du charismatique leader des étudiants lors des événements de 1988, Min Ko Naing. Le plus célèbre des prisonniers politiques birmans est arrivé vendredi soir chez lui après près de 16 ans de détention, en provenance de la prison de Sittwe, 550 kilomètres au nord ouest de Rangoon. " J’ai le sentiment de me réveiller d’un mauvais rêve, et je commence a peine à ouvrir les yeux " a-t-il déclarait juste après sa libération, chez lui, à l’agence Reuters.

Min Ko Naing et les 20 autres prisonniers politiques ont été remis en liberté de prisons aux quatre coins du pays, après que le gouvernement militaire eut annoncé la libération de 3937 prisonniers au motif qu’ils avaient été condamnés de façon impropre par le National Intelligence Bureau, les puissants services de renseignement militaire, dissous il y a un mois, après la chute de leur chef, le premier ministre Khin Nyunt, .

Cette libération est un signe très fort envoyé à la communauté internationale par les tombeurs de Khin Nyunt, les généraux Maung Aye et Than Shwe. Et ils ont en cela réussi à surprendre la plupart des analystes et observateurs. Car depuis la chute de Khin Nyunt, toutes les
analyses s’accordaient sur un point. C’était la victoire de la ligne dure, des jusqu’au boutistes qui jamais ‘n'accepteraient le dialogue avec Aung San Suu Kyi. Khin Nyunt était l’auteur de " la feuille de route vers la Démocratie ", un programme en sept points pour le retour à la Démocratie, annoncée le 30 âout 2003. Et sa mort politique signifiait la fin de ce processus, et de l’espoir prudent qu’il avait suscité au sein de la communauté internationale, notamment chez les partenaires de La Birmanie au sein de l’ASEAN. Les généraux birmans replongeaient le pays dans l’isolement, ou plus exactement ne se souciaient que de leurs relations avec la Chine et l’Inde et faisaient à nouveau le gros dos à la communauté internationale.

Force est de constater que cette analyse était erronée. En libérant Min Ko Naing et en déclarant très officiellement la poursuite de " la feuille de route ", quelques jours avant la libération des 4000 prisonniers, Le Général Than Shwe, mais aussi la Junte dans son ensemble, cherchent a rassurer la communauté internationale. Rien de fondamental ne serait remis en cause, et le processus de dialogue lui-même sortirait renforcé, Khin Nyunt devenant le parfait bouc émissaire de tous les errements passés. Pour l’heure, cela ne peut que rassurer les grandes chancelleries et renforcer ceux qui y pèsent pour l’attentisme et la prudence, plutôt que pour le renforcement de sanctions.

Pour autant, ces signaux forts n’altèrent en rien le rapport de force en présence à Rangoon et Aung San Suu Kyi est toujours en résidence surveillée, le général Than Shwe, ainsi que le nouveau premier ministre Soe Win étant apparemment personnellement responsables de la tentative d’assassinat dont elle a été victime lors de l attaque de son convoi dans la localité de Depayin le 30 mai 2003.

Le massacre de Depayin fournit d’ailleurs peut être une clé pour donner un sens aux événements actuels en Birmanie. Des rumeurs persistantes font état d'une poursuite de la lutte d'influence parmi les deux autres piliers du  régime, Than Shwe et Maung Aye. Si ce dernier parvenait à éliminer l'autre, alors peut-être serait-il prés a de vrais concessions. Certains prétendent que Maung Aye aurait besoin d'alliées pour un tel coup, et qu'il pourrait choisir les démocrates et la communauté internationale, plutôt qu les minorités ethniques et les chinois.

Mais pour l'heure, ce n est que de la politique fiction. Il faut se féliciter de la libération de Min Ko Naing et espérer celle de U win Tin, mais rester aussi d'une extrême prudence. La chute de Khin Nyunt a véritablement affaibli la Junte, mais l'édifice est encore solide. Seule une liberté pleine et entière accordée à Aung San Suu Kyi donnerait le signal de véritables changements.


Libération de Min Ko Naing
Info Birmanie, 22 novembre 2004

Après l'importante purge orchestrée par la ligne dite “dure” du régime militaire birman, réalisée à grande échelle et avec une maîtrise précise du timing, la situation semblait plus que jamais bloquée. Aussi l'annonce de la  libération progressive de 3937 prisonniers constitue à la fois un élément totalement inattendu et certainement un message politique que la communauté internationale pourrait accepter comme un " signe tangible "vers la réconciliation nationale en Birmanie.

Le retour au domicile pour 21 membres de la NLD, dont trois députés élus en1990, vraisemblablement du journaliste Win Tin, et surtout de Min Ko Naing, plus que celui de centaines de prisonniers de droit commun, oblige les opposants au SPDC à la plus grande prudence dans l'analyse de ce geste.

D’abord, dans un premier temps, cette nouvelle provoque une joie immense et un énorme soulagement. Min Ko Naing est enfin libre, de retour dans son foyer, d'où il n'aurait jamais dû être arraché, à la suite du vaste mouvement populaire en faveur de la démocratie et la liberté, en 1988 et dont il a été incontestablement le leader, soutenu par Madame Aung San Suu Kyi.

Embastillé Le 23 mars 1989, Min Ko Naing est, pour tous les jeunes étudiants engagés dans le combat pacifique pour la démocratie, une des icônes qui prit la tête des premières manifestations en mars 1988 jusqu'à son arrestation.

Il fut en particulier celui que les étudiants, regroupés dans l’ABFSU, choisirent comme Président en septembre 88.

Ce syndicat symbolise l’histoire du mouvement contestataire en Birmanie. Lors d’une interview accordée à Info Birmanie en février 2004, le vice secrétaire du comité des affaires étrangères de l’ABFSU, basé sur la frontière birmano-thaï, porte-parole au niveau international des activités de l'organisation, Thar Nyunt Oo, nous confiait :

“L'All Burma Federation of Student Unions est une organisation historique dans l’histoire de la politique birmane. Elle a été créée en 1936 pendant les mouvements anti-coloniaux, par Aung San, fondateur de l’armée birmane et héros national. Les étudiants de l’ABFSU ont lutté pour l’indépendance nationale et prôné la paix et la démocratie en Birmanie. Cependant ils ont été forcé d’agir clandestinement après le coup d’Etat militaire de1962 et l’interdiction de tous les groupes civils en Birmanie. Le régime militaire a disloqué et détruit l’union historique des étudiants et a tué beaucoup d’entre eux. L’ABFSU a guidé pacifiquement les étudiants pour la cause de la démocratie et des droits de l’Homme lors des mouvements pro-démocratiques de 1988. Min Ko Naing, le leader du mouvement de mars à septembre, a été élu président de l’ABFSU lors d’un rassemblement étudiant en septembre 1988. Depuis l’ABFSU se bat pour les droits des étudiants, le droit à l’éducation, la liberté de l’enseignement, et les droits politiques en Birmanie. A cause de cet activisme des milliers d'étudiants ont été arrêtés, torturés, et emprisonnés. Aujourd’hui plus de 800 étudiants sont toujours dans différentes prisons militaires. Mais la plupart des membres de l’ABFSU sont toujours clandestinement en activité à l’intérieur de la Birmanie et l'ABFSU a pris la tete des mouvements étudiants de 1990, 1991, 1994, 1996, 1998, 1999, et 2001”.

Paw Oo Tun, le vrai nom de Min Ko Naing, est né à Rangoon en 1962, l’année de la prise du pouvoir par les militaires. Son surnom Min Ko Naing, se traduit par " celui qui prend le pouvoir aux rois ". Il vient de passer 16 années derrière les barreaux, dans des conditions inhumaines. En dépit des informations très inquiétantes parvenues pendant sa détention, Min Ko Naing semble dans une condition physique correcte. Joint par téléphone à son domicile, il a déclaré pour commenter sa libération surprise : " je me sens comme si je me réveillais d’un cauchemar, et que je viens juste de rouvrir les yeux ".

Dans l’une des rares interviews qu’il ait accordé en 1988, il avait expliqué au journaliste du magasine d'Asia Week : " je ne mourrais jamais. Physiquement, je serai peut-être mort, mais beaucoup d’autres Min Ko Naing viendront me remplacer ".


Min Ko Naing vu par Amnesty International
Voici un extrait d’un portrait de Min Ko Naing par Amnesty International publié en intégralité dans Net Hebdo 59:

Min Ko Naing a commencé à s'intéresser à la politique au milieu des années 80 alors qu’il étudiait la zoologie à l'université de Rangoun. Les syndicats d'étudiants étaient alors illégaux, tout comme aujourd'hui ; cependant, Min Ko Naing et d'autres étudiants ont constitué des groupes d’étude secrets en vue de manifester contre l’aggravation de la situation économique en Birmanie. D'après les personnes qui l’ont connu, Min Ko Naing a fait partie d'une troupe de théâtre qui a participé au concours Than Gyat pendant la fête de l'Eau (Thingyan) ; sa troupe, qui s’appelait Goat-Mouth and Spirit-Eye (gueule de chèvre et œil de l’esprit) montait des pièces et des saynètes satiriques sur le gouvernement et l’absence de démocratie et de liberté.
Min Ko Naing a été gravement torturé et maltraité au début de sa détention et son état de santé s'est en conséquence détérioré. Pendant son interrogatoire, on l'a obligé à rester debout dans l'eau pendant deux semaines jusqu'à ce qu’il s’effondre ; à la suite de quoi son pied gauche est devenu complètement inerte. De tels traitements sont pratique commune. En Birmanie, les prisonniers d'opinion sont systématiquement torturés au début de leur détention, période durant laquelle ils sont souvent interrogés durant des heures et même plusieurs jours de suite par des équipes du Military Intelligence Service (MIS, Service de renseignements de l’armée) qui se relaient.
Pendant la plus grande partie de sa détention, Min Ko Naing a été placé à l'isolement total. En 1993, un membre du Congrès des États-Unis lui a rendu visite dans la prison d'Insein, le principal centre du pays. Il a signalé que Min Ko Naing était en mauvaise santé et semblait désorienté. En novembre 1994, le Rapporteur spécial des Nations unies sur la Birmanie a également été autorisé à le voir en prison pendant un bref moment et il l'a trouvé nerveux et maigre. D'autres informations sur sa santé obtenues par la suite indiquent qu'en dépit d'une amélioration il souffre de tremblements nerveux et que les mauvais traitements qu'il a subis ainsi que son isolement prolongé ont pu avoir des conséquences néfastes sur son état psychologique. On croit qu'il souffre d'un ulcère gastrique.
Alors qu’il aurait dû être libéré en mars 1999, au terme de sa peine d’emprisonnement, Min Ko Naing est toujours incarcéré dans la prison de Sittway, dans l'État d'Arakan. Il y a été transféré de la prison d’Insein située non loin de Rangoun, à une date inconnue. Comme sa famille réside dans cette ville, il lui est devenu extrêmement difficile de lui rendre visite. Les prisonniers comptent sur leur famille pour recevoir une nourriture de base et des médicaments, au cours des visites bimensuelles.
La torture et les mauvais traitements sont devenus monnaie courante en Birmanie. Les formes de torture sont toujours les mêmes, seuls varient les lieux et l’époque. La torture est endémique dans tout le pays et cela fait plus de quarante ans que l’on reçoit des informations concernant cette pratique. Les membres des forces de sécurité continuent d’utiliser la torture pour extorquer des renseignements, punir les prisonniers politiques et les membres des minorités ethniques et pour inspirer la peur à toute personne qui critique le gouvernement


Min Ko Naing en 1988
Source: The Irrawaddy, 20 novembre 2004  


Le 16 mars 1988, environ 3 000 étudiants écoutèrent "un jeune homme mince à la peau foncée, aux cheveux bouclés et portant une fine moustache et barbe qui prononçait des discours anti-gouvernementaux à la résidence universitaire de Taung Ngu située dans le campus de RASU ", rappelle un activiste en vue. " Il s’agissait de Min Ko Naing ".

Min Ko Naing appelait les étudiants à se prononcer contre les mauvais traitements du gouvernement. Il leur rappela également l’histoire des mouvements étudiants en Birmanie, et du rôle qu’ils ont joué dans la politique nationale, que le gouvernement militaire a essayé de minimiser, en particulier  dans l’enseignement. Ce fut le premier discours public de Min Ko Naing.

Les étudiants marchèrent ensuite vers le Convocation Hall où Min Ko Naing et les autres leaders étudiants continuèrent à prononcer leurs discours. Il a parlé à son auditoire du destin des premiers mouvements étudiants qui avaient défié le régime actuel : " Nos frères dans le passé se sont sacrifiés pour renverser cette dictature militaire, mais leurs demandes ont seulement rencontré violence, balles et meurtres ".

Quand les discours prirent fin, les étudiants quittèrent le campus du RASU pour rejoindre une petite manifestation au RIT (deux grandes écoles à Rangoun, ndt). Ils se sont vite trouvés sur Prome Road face à une barricade faite de fils barbelés et tenue par une douzaine de soldats.
 
Tenant tête à cette démonstration de force, Min Ko Naing demanda aux étudiants de chanter des hymnes et saluts nationaux en référence aux héros de l’indépendance de la Birmanie, dont le général Aung San, fondateur de l’armée birmane. Puis, ils crièrent " Les soldats du peuple sont nos soldats ".

Min Ko Naing et deux autres étudiants allèrent ensuite négocier avec l’officier responsable du détachement. Soulignant l’importance d’établir de bonnes relations entre l’armée et le peuple, il lui demanda de les laisser passer. L’officier refusa en insistant sur le fait qu’il devait suivre les ordres de ses supérieurs, mais les mots de Min Ko Naing semblaient avoir eu
quelque effet. En effet, après l’avoir écouté, les soldats abaissèrent leurs fusils et la tension baissa.

Cependant, une centaine de policiers anti-émeute se lancèrent soudainement par l’arrière et, sans prévenir, commencèrent à frapper les étudiants. Certains ont essayé d’échapper à leurs attaquants en s’enfuyant par le lac Inya, où beaucoup se sont noyés. Ceux qui ne sont pas parvenus à s’échapper ont été sévèrement battus et ont été amenés à la prison de Insein. 

Après ces événements, le gouvernement ferma les universités et les lycées. Min Ko Naing et les étudiants activistes qui le suivaient se cachèrent afin de poursuivre leurs activités. Quand les universités et les lycées ont été rouverts en juin, les activistes étudiants commencèrent immédiatement à distribuer des tracts antigouvernementaux appelant les étudiants de se joindre au mouvement. Les nouvelles des étudiants ayant été torturés à la prison d'Insein ont été diffusées dans tout le pays, ce qui n’empêcha pas sur les campus les protestations de gagner en intensité et le mouvement étudiant en audience.

Le 12 juin 1988, un attroupement d’étudiants se forma sur le campus du RASU pour regarder des copies d’un poster dessiné par Min Ko Naing qui représentait une fille en train de se faire battre par des soldats près du lac Inya. La légende au dessous du dessin disait :
" n’oubliez pas le 16 mars. Si nous restons soumis et si nous échouons à nous soulever maintenant, le pays sera gouverné dans le futur par des lois encore plus répressives. ". Quelques étudiants décidèrent d’appeler à la libération des activistes étudiants et à la réintégration des étudiants qui avaient été exclus des universités pour des raisons politiques. En moins d’une semaine, le gouvernement ferma à nouveau toutes les universités et les collèges.

A la surprise générale, Ne Win quitta le pouvoir dans le mois. Un de ses fidèles, le Général Sein Lwin, lui succéda comme président de la Birmanie, et des étudiants furent libérés. Cependant, comme Sein Lwin n’était profondément pas apprécié par le peuple, de nouvelles manifestations bloquèrent la capitale ainsi que les villes de province. Au lendemain de la libération d’étudiants, soit le 8 juillet, Min Ko
Naing et ses fidèles publièrent une déclaration disant " Nous ne nous laisserons pas amadouer par la libération de nos compagnons. Nous continuerons la lutte. ". C’est à ce moment que Paw U Tun commença à être connu sous le nom de Min Ko Naing, " celui qui défait les rois ".

Cette déclaration a été importante pour une autre raison. Elle a en effet été signée par la Fédération des syndicats étudiants de Birmanie (ABFSU), une organisation qui a joué un rôle important dans la lutte contre l’autorité coloniale. Beaucoup de ses premiers leaders ont été reconnus plus tard comme les héros de l’indépendance et sont devenus des hommes d’Etat. Mais, quand le général Ne Win a pris le
pouvoir en 1962, il a brutalement réprimé l’organisation et a détruit l’union historique des étudiants. La réapparition de l’ABFSU a été
indéniablement perçue comme un formidable défi au gouvernement de Ne Win.

8-8-88

L’ABFSU a publié dans les semaines suivantes une série de déclarations, toutes signées par Min Ko Naing. La plus importante déclaration fut celle qui appela à une grève générale le 8 août, date qui est toujours perçue comme le départ du mouvement pro-démocratique du 8/8/88.

Le 8 août 1988, en dépit d’une présence importante de troupes armées et d’une série d’intimidations et de menaces, des milliers de personnes sont descendues dans la rue. Les manifestations anti-gouvernementales ont eu lieu simultanément dans toutes les villes et
villages du pays.

A Rangoon, travailleurs, moines et étudiants marchèrent vers le centre ville afin de rejoindre les manifestants. Dans l’après-midi, une large foule a été invitée à écouter Min Ko Naing en face de l’ambassade américaine.

“Nous, le peuple de Birmanie, avons vécu pendant 26 ans sans dignité humaine et sous un régime autoritaire. Nous devons mettre fin à ce pouvoir dictatorial. Seul le pouvoir du peuple pourra abattre ses lois répressives ", déclara-t-il à la foule.

Il conclut son discours en disant “Si nous voulons jouir des mêmes droits que les autres peuples des autres pays, nous devons être suffisamment disciplinés, unis et brave pour renverser les dictateurs. Exprimons nos souffrances et nos demandes. Rien ne pourra nous arrêter dans la construction de la paix et de la justice dans notre pays.

Ce soir là, l’armée ouvrit le feu sur les manifestants rassemblés en face de la Mairie de Rangoon. Une centaine de personnes tombèrent sous les balles. Les mêmes ordres furent donnés dans toutes les provinces, où une autre centaine de personnes furent tuées.

La violence continua le jour suivant, quand des gens venant des alentours de Rangoon convergèrent pour former une gigantesque foule d’hommes appelant au changement. Une nouvelle fois, les soldats ouvrirent le feu tuant des centaines de manifestants pacifiques.

Le 23 août, Min Ko Naing parla devant un large auditoire devant l’hôpital général de Rangoon, lieu de récentes tueries. Il fut rejoint par Moe Thee Zun et Tin Oo, ancien ministre de la défense et aujourd’hui leader de l’opposition qui deviendrait plus tard le président de la NLD. Une nouvelle fois, Min Ko Naing appela le peuple à être fort :

“L’histoire du monde démontre que le peuple, avec un esprit fort, l’unité, le courage et la discipline peut renverser des gouvernements autoritaires. Nous croyons au pouvoir du peuple. Sans votre participation, nous n’arriverons à rien. "

Le 26 août, Min Ko Naing et les autres activistes s’arrangèrent pour que les étudiants de Rangoon puissent entendre le premier discours public de Aung San Suu Kyi. Plusieurs centaines de milliers de personnes se rendirent à la Pagode de Shwedagon, temple sacré le plus connu de Birmanie, pour l’écouter.

Le 28 août, le premier congrès des étudiants de Birmanie depuis 26 ans eut lieu au campus  du RASU. Un millier d’étudiants, anciens hommes politiques et étudiants activistes des années 1960 vinrent pour célébrer l’établissement officiel de l’ABFSU avec Min
Ko Naing comme leader du mouvement. Les principaux meneurs, dont Aung San Suu Kyi, firent parvenir des messages de félicitation.

Au cours de la conférence, Min Ko Niang lut un de ses poèmes intitulé " Foi ", dans lequel il promis qu’il serait fidèle et engagé dans la lutte du peuple qu’il percevait comme un combat pour la vérité. Il prêta serment  en déclarant que pour le respect des personnes ayant trouvé la mort, il devait continuer la lutte jusqu’à ce que la démocratie et les droits de l’homme soient restaurés. Quand il eut terminé, la
foule applaudit avec enthousiasme.

A ce moment, les systèmes de transport et de communication firent arrêtés, et le MIS essaya de créer l’anarchie en libérant des criminels. Les différents groupes pro-démocratiques qui avaient commencé à former des foyers organisés autour des immeubles gouvernementaux, tels que les stations de police, les écoles et les universités, s’en occupèrent d’une manière très ordonnée. Ils distribuaient du riz à toute personne qui en avait besoin et donnaient une petite somme de monnaie aux pauvres et aux prisonniers libérés pour éviter les pillages. Quand la foule se rassemblait pour se venger des pilleurs ou suspecter des traîtres, les membres de l’ABFSU parvenaient à chaque fois à calmer la situation et à disperser la foule. L’ABFSU réorganisa les communications et le transport et encouragea le peuple à former ensemble des équipes d’autodéfense avec les moines et les personnes respectables.

Arrestation par le SLORC

Le 4 septembre, Min Ko Naing rencontra un homme du Congrès américain, Stephen J. Solars, qui était en visite en Birmanie dans le but de rencontrer les principaux leaders politiques afin d’évaluer la situation. Min Ko Naing parla à Solarz de l’absence de réponse de la part des militaires aux demandes du peuple en faveur de l’établissement d’un gouvernement intérimaire. Surtout, il ajouta que la situation
serait ou non explosive en fonction de la réaction des militaires.

Le 18 septembre, le SLORC se forma suite à un nouveau bain de sang. Un couvre-feu fut décrété et la réunion de plus de cinq personnes fut déclarée illégale. Cependant, la junte promit qu’elle resterait au pouvoir jusqu’à l’organisation et la tenue d’élections multipartites.

Min Ko Naing n’osa pas se montrer en public pendant plusieurs mois. Puis, en décembre 1988, Daw Khin Kyi, la mère de Aung San Suu Kyi, décéda et environ 200 000 personnes se rassemblèrent pour un dernier hommage. En dépit de la solennité digne de cet événement, des camions militaires apparurent sur la Prome Road pour bloquer la procession qui suivait le cercueil de Daw Khin Kyi. Puis, Min Ko Naing apparut soudainement au milieu de la foule et appela les troupes à laisser passer la procession. Finalement, les troupes se retirèrent.

Le dernier discourse public de Min Ko Naing fut donné exactement un an après le premier, le 16 mars 1989. des milliers de personnes se rassemblèrent près de la maison de Aung San Suu Kyi afin de célébrer le premier anniversaire du massacre des étudiants qui a déclenché
les manifestations dans tout le pays. Min Ko Naing critiqua le général Ne Win et la junte pour ce massacre et pour toutes les évènements survenus au cours de l’année 1988.

Le 23 mars 1989, Min Ko Naing fut arrêté alors que la sécurité dans tout Rangoon avait été durcie par anticipation des manifestations marquant le jour des forces armées le 27 mars. C’était un important signal envoyé aux autres leaders, celui que personne n’était
à l’abri d’être arrêté et emprisonné. Les jours suivants, Aung San Suu Kyi et quelques autres personnes furent également arrêtées.

Min Ko Naing était inculpé sous la section 5 de la loi sur les conditions d’urgence pour avoir prononcé des discours contre le gouvernement et appelé au soulèvement. Pour cela, il a été condamné à 20 ans de prison dans un confinement total. Pendant que les
autres prisonniers politiques reçurent des amnisties, étaient autorisés à être en cellules communes et à être visités régulièrement par leurs familles, Min Ko Naing fut gardé en isolement et n’obtint aucune réduction de peine.

En prison

Il n’y a aucun doute sur le fait que Min Ko Naing a été maltraité en prison. Cela a été confirmé par des rapports sur la torture, mais selon l’ancien enquêteur de l’ONU sur les droits de l’homme, Yozo Yokota, qui a été autorisé à rencontrer Min Ko Naing en 1995 à la
suite de plusieurs requêtes, le leader étudiant était nerveux et mince mais autrement en bonne santé. Une précédente visite effectuée par un homme du Congrès américain, Bill Richarson, en février 1994, a également été encourageante. D’après le parlementaire, il transmit un simple message à ses amis : " Ne capitulez pas ! ". L’année suivante, le prisonnier Win Htein, l’assistant personnel de Aung San Suu Kyi, rapporta quand il a été libéré que l’esprit de combat de Min Ko Naing était resté fort.


Le célèbre journaliste Win Tin attend sa libération
Source: Reporters Sans Frontières, 19 novembre 2004    

Le 19 novembre 2004, le nom de Win Tin, l'un des opposants et journalistes  les plus connus de Birmanie, est apparu sur une liste
de prisonniers devant être libérés. Plusieurs sources ont annoncé sa remise en liberté, mais, pour l'instant, selon les informations recueillies par Reporters sans frontières et la Burma Media Association (BMA), Win Tin n'a pas encore quitté la prison d'Insein, à Rangoon.

La libération de Win Tin marquerait la fin d'un long calvaire pour le journaliste et ses proches. Elle constituerait une note d'espoir pour l'ensemble des prisonniers politiques qui sont encore retenus dans les geôles birmanes. Reporters sans frontières et BMA demandent aux
autorités birmanes de mettre fin à la détention de Win Tin dans les plus brefs délais.

Win Tin, 74 ans, a été condamné à une peine totale de 20 ans d'emprisonnement, notamment pour avoir adressé au rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme en Birmanie un document contenant des informations sur les conditions de détention et les mauvais traitements infligés dans la prison d'Insein.

C'est dans cette prison que le journaliste séjourne depuis le 4 juillet 1989. Il souffre de divers problèmes de santé, notamment
cardiaques, qui l'ont parfois obligé à quitter momentanément la prison pour être soigné à l'hôpital.

Ancien rédacteur en chef du quotidien Hanthawathi, et vice-président de l'Association des écrivains de Birmanie, Win Tin est également membre de la direction de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), parti de l'opposante Aung San Suu Kyi. Il est le dernier cadre de ce parti à être encore incarcéré à la suite d'une vague de répression en juin et juillet 1989.

Selon certaines sources de Reporters sans frontières, les autorités seraient actuellement hésitantes à libérer le journaliste. Pour
d'autres, la libération de Win Tin serait au contraire retardée par son propre refus de signer un papier dans lequel il s'engage à ne plus jamais faire de politique.

Le 18 novembre, la junte militaire birmane a annoncé la libération de près de 4 000 personnes emprisonnées suite à des "irrégularités " commises par l'organe de renseignements que dirigeait l'ancien Premier ministre, le général Khin Nyunt.

Il y a plus de 15 ans, Reporters sans frontières mettait en place le " parrainage " et appelait les médias internationaux à
soutenir un journaliste emprisonné. Plus de 200 rédactions dans le monde soutiennent ainsi un confrère en demandant régulièrement sa libération aux autorités concernées et en médiatisant sa situation pour que son cas ne tombe pas dans l'oubli.

Win Tin est ainsi soutenu par : Agencia Cover, Amiens Métropole, Agriculture horizon, ARTE, Asociación de la Prensa de Cádiz, Azur
FM, Bel RTL, BFM, Cadena Ser ,Club de la presse de Nîmes- La semaine de Nîmes, Dernières Nouvelles d'Alsace, El Correo Español/El Pueblo Vasco, Enjeux Internationaux, France 3 Sud Languedoc-Roussillon, Humanisme, DESS de journalisme de l'Institut Français de Presse, L'Humanité, Le Courrier Picard, Le Journal du Dimanche, Le Monde, Le Peuple, La Rotonde, Le Soir, Le Soir Magazine, Le Vif/L'Express, Radio Contact/Contact Inter, , Maire de France, Perfiles, Mairie de Romans - Romans Magazine, RTBF, RTL - TVI, Télérama, Tiempo, TV3 Catalunya, Varios, Vers l'avenir, Photographie.com


Rangoun fait un geste vers ses opposants et ses voisins asiatiques
Source: AFP, 21 novembre 2004    

La libération inattendue par la Birmanie de près de 4.000 détenus, dont un prisonnier politique de premier plan, a été interprétée par certains analystes comme un geste destiné à ses voisins asiatiques mais probablement aussi à la consommation interne.

Depuis jeudi, un mouvement de libérations inédit ces derniers années a vu sortir de prison au moins trois députés élus et une vingtaine de militants de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) ainsi qu'une figure emblématique du combat pro-démocratique, Min Ko Naing, leader du mouvement estudiantin de 1988 réprimé dans le sang.

"C"est un geste d'ouverture vers la communauté internationale qui s'est raidie de plus en plus", estimait un diplomate joint à Rangoun, en référence aux réactions négatives après le limogeage mi-octobre du Premier ministre Khin Nyunt.

Seul haut dirigeant apparemment prêt à un dialogue avec l'opposition, il a été abruptement écarté et remplacé par un "dur", le général Soe Win.

Ces libérations sont probablement plus destinées à satisfaire les voisins asiatiques de la Birmanie que l'Onu, Washington ou Londres, qui décidément ne parlent pas la même langue que Rangoun et ont d'ailleurs estimé qu'ils ne seraient satisfaits que par la libération de la dirigeante de la LND Aung San Suu Kyi, toujours en résidence surveillée.

Ces libérations de détenus interviennent juste avant le sommet les 29-30 novembre de l'Association des Nations d'Asie du Sud-Est (Asean) à Vientiane.

Les élargissements "sont clairement une réponse à la pression régionale sur le régime, en particulier de la Chine et de l'Indonésie, qui ont discrètement fait part aux généraux (birmans) de leur préoccupation après la disgrâce de Khin Nyunt", estime Debbie Stothard, du groupe Altsean Burma basé à Bangkok.

Le ministre des Affaires étrangères indonésien Hassan Wirayuda a été le premier responsable étranger à se rendre à Rangoun après le limogeage de Khin Nyunt, le 12 novembre, et a dû y faire passer un message.

De plus, la Birmanie doit accueillir le sommet de l'Asean en 2006 au nom du principe de rotation et personne n'imagine que sa présidence puisse se dérouler sans heurt si le mouton noir de l'Asean --dont la rigidité est un sujet d'embarras croissant pour se partenaires-- ne fait aucune concession sur les droits de l'Homme.

Déja de nombreux appels ont été lancés à l'étranger par des groupes de pression pour que Rangoun soit privé de cette présidence.

Mais ce sont aussi probablement des considérations de politique intérieure qui ont poussé les généraux birmans à vider, très partiellement, leurs prisons.

Le régime militaire doit reconvoquer en janvier les délégués d'une assemblée constituante, la "convention nationale", boycottée par la LND qui a estimé que les dés étaient pipés. Etape première d'une "feuille de route" pour une démocratisation à la birmane, cette convention ne compte plus, pour tenir, que sur les minorités ethniques.

Or celles-ci seraient de plus en plus réticentes à participer aux travaux après le départ de Khin Nyunt, celui qui avait, au fil des ans, négocié des cessez-le-feu avec 17 groupes ethniques armés et obtenu leur confiance.

"Ils n'ont plus beaucoup de cartes en main pour avoir une convention qui tienne encore la route", remarque le diplomate. "S'ils veulent un semblant de convention, ils ont une carte à jouer avec l'opposition", en y associant, d'une manière ou d'une autre, la LND.

Le principal parti d'opposition s'est d'ailleurs réjoui des libérations de prisonniers et dit "impatient" de reprendre le dialogue de réconciliation rompu avec la junte après l'arrestation de Mme Suu Kyi, en 2003.

Le numéro un, le généralissime Than Shwe, aura aussi peut-être voulu tout simplement redorer son blason à peu de frais, puisque sa bête noire Aung San Suu Kyi reste neutralisée chez elle.

"Ils ont été assiégés, ils doivent faire quelque chose pour regagner un peu de terrain et alléger la pression interne et exterieure", dit Mme Stothard.


Les libérations de détenus apparemment suspendues
Source: AFP, 22 novembre 2004  

Le mouvement de libération de près de 4.000 prisonniers amorcé à la surprise générale par la junte birmane à la fin de la semaine
écoulée a apparemment cessé lundi, sans qu'aucune explication officielle n'ait été fournie.

Par ailleurs des rumeurs circulaient sur une levée imminente de l'assignation à résidence de la dirigeante de l'opposition Aung San Suu Kyi mais celle-ci était toujours confinée chez elle lundi à Rangoun.

Des proches de dissidents emprisonnés ont passé des heures à attendre la libération des leurs devant les portes des prisons, en vain. Aucun élargissement ne semblait avoir eu lieu dimanche non plus.

Seuls quelques centaines parmi 3.937 détenus dont la junte avait annoncé l'élargissement ont en fait été libérés depuis la fin de la semaine dernière.

La LND ne pouvait toujours pas faire état de la libération de Win Tin, l'écrivain et journaliste très connu de 74 ans dont on avait cru qu'il avait recouvré la liberté vendredi, après 15 ans de prison. Un proche lui a rendu visite dimanche à la prison d'Insein, à Rangoun.

Un député de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) qui aurait dû être libéré, a été informé de l'extension de 60 jours de son incarcération, a indiqué sa femme à l'AFP.

Than Nyein, 66 ans, beau-frère du général Khin Nyunt, Premier ministre limogé brutalement en octobre, a été informé de la prolongation d'une peine de sept ans qu'il a déjà purgée, a indiqué son épouse.

"Je suis très inquiète pour son moral, il a déjà fait une grève de la faim récemment et a été hospitalisé", a expliqué Khin Aye, qui lui a rendu visite en prison lundi.

Le mari d'une députée de la LND, Mme May Win Myint, 55 ans, attendait toujours la libération de son épouse, incarcérée en 1997 pour avoir essayé de procéder à une réforme des mouvements de la jeunesse du parti, en dépit des interdictions officielles.

Après l'annonce de la libération de sa femme, Win Myint a attendu deux jours devant la prison sans la voir sortir.

"J'ai décidé de juste attendre à la maison et j'espère qu'elle apparaîtra à la porte un de ses jours", a-t-il confié à l'AFP, en larmes.

Les correspondants birmans des media étrangers ont fait le guet lundi devant la résidence de Mme Suu Kyi alors que des rumeurs circulaient sur la libération de la lauréate du prix Nobel de la paix.

Toutefois le niveau habituel de sécurité est resté en place sur l'avenue de l'Université où elle réside et qui restait partiellement interdite à la circulation, a constaté le correspondant de l'AFP.

Des analystes doutaient que cette libération soit à l'ordre du jour. Mme Suu Kyi a toujours dit qu'elle n'accepterait d'être libre qu'une fois que tous les prisonniers politiques auraient été relâchés.

La secrétaire générale de la LND avait été arrêtée en mai 2003 puis assignée à résidence en septembre. Aucune pression internationale en faveur de sa libération n'a fait céder la junte jusqu'à présent.

La LND avait estimé que l'élargissement de prisonniers --dont une petite minorité de politiques-- annoncée jeudi par la junte devrait prendre une semaine voire plus, en raison des lourdeurs bureaucratiques.

Parmi les libérés, figurent des détenus qui avaient purgé leur peine depuis des mois, voire des années, et étaient maintenus en prison par décision administrative, ce qui est fréquent en Birmanie.

Au moins trois députés élus et une vingtaine de militants de la LND ainsi qu'une figure emblématique du combat pro-démocratique, Min Ko Naing, leader du mouvement estudiantin de 1988 réprimé dans le sang, ont été libérés.

A Kuala Lumpur le Malaisien Razali Ismail, envoyé spécial du secrétaire général de l'Onu en Birmanie, s'est toutefois félicité lundi du "nombre important, tout à fait exceptionnel" de libérations.

Les autorités n'ont pas donné les identités des détenus libérables et ont simplement expliqué que ceux-ci avaient été emprisonnés à tort par un organe des renseignements militaires aujourd'hui démantelé.


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