Edito
par Mael Raynaud
A peine la vague de libérations passée, toute forme d'optimisme a déjà disparu, même chez ceux qui avaient voulu retrouver un
peu d'espoir après le limogeage de Khin Nyunt, dont la signification ne pouvait être autre qu'un durcissement, si c'etait encore possible, du régime.
Aussi spectaculaire fut-il, ce large mouvement de libérations (officiellement 9 248 prisonniers ont été libérés) n'aura été qu'une énième
manœuvre de la junte pour faire redescendre la pression de la communauté internationale.
A une période charnière, entre le tremblement de terre qui a secoué le régime militaire birman (jusqu'à 8 000 fonctionnaires
des services de renseignements liés d'une façon ou d'une autre à l'ancien Premier Ministre auraient subi le même sort que le Lieutenant
Général Khin Nyunt) et le sommet de l'ASEAN au Laos, les "nouveaux" maîtres de Rangoun se devaient de rassurer leurs voisins, qui bien qu'étant
loin d'être de fervents démocrates, s'inquiètent de plus en plus ouvertement de la menace que fait peser sur la région la dictature
birmane et son statut de paria sur la scène mondiale. Et de ce point de vue, le geste fait par la junte a été d'une certaine façon
sous-estimé par les chancelleries et les médias. Libérer Min Ko Naing, du point de vue birman, est beaucoup plus important symboliquement
que la perception occidentale ne l'a envisagé. Imaginons l'un des principaux dirigeants du mouvement de 1989 en Chine être élargi par le PC
chinois: l'équivalent est survenu à Rangoun le mois dernier. Mais outre qu'il est trop tôt pour être certain que l'ensemble des 9 000
prisonniers sont rentré chez eux, seule une infime partie de ceux-ci (une quarantaine selon l'opposition) étaient des prisonniers politiques, ce
qui ôte tout de même beaucoup à la valeur de ces libérations. De plus, de nouvelles arrestations ont cours, comme celle de 13 militants
de la NLD, ce lundi, à Bogalay, dans la division de Mandalay. Surtout, Win Tin, annoncé libéré, est toujours derrière les barreaux.
Autrement dit, si comme c'est tout à fait imaginable, Min Ko Naing restait éloigné de la scène politique, la manœuvre aurait eu
un coût très faible pour la junte.
En effet, la secrétaire générale de la NLD, Aung San Suu Kyi, l'un de ses principaux conseillers, Win Tin, et le numéro 2 du parti,
Tin Oo, sont dans l'incapacité de participer au débat dont la junte ne cesse de répéter qu'il va reprendre dans l'enceinte de la Convention
Nationale, à laquelle de toutes façons la NLD ne participe pas. C'est bien sûr non seulement inacceptable mais extrêmement dangereux,
comme tout ce qui va dans le sens d'une marginalisation de la NLD et de Aung San Suu Kyi. Car rien de crédible ni de légitime ne se fera sans les
forces pro-démocratiques qui ont gagné le statut de représentants du peuple en 1990 et viennent une nouvelle fois de proposer des négociations à la
junte.
Les dirigeants des pays de l'ASEAN l'ont compris, qui ont failli déroger à nouveau à la règle de non-ingérence dans les affaires
d'un pays membre, en publiant une déclaration commune en fin de sommet, qui devait critiquer assez fortement l'absence de progrès sur le chemin birman
vers la démocratie. Mais, une fois encore, le Premier Ministre Thaïlandais Taksin Shinawatra a sauvé la mise des militaires birmans en s'opposant à une
telle déclaration. Ce qui est de plus en plus incompréhensible. Depuis plus d'un an maintenant, la junte tourne la Thaïlande en ridicule, et
son Premier Ministre perd de plus en plus la face. L'aura que Taksin aurait indéniablement gagné en favorisant une évolution en Birmanie a
fait place a une attitude stérile qui ne fait que donner du répit à la junte. L'Indonésie, après la Malaisie et les Philippines,
vient de faire savoir que la présidence de l'ASEAN par la Birmanie en 2006 ne pourrait qu'être remise en question l'année prochaine lors du
sommet de Kuala-Lumpur, si aucun signe tangible de progrès ne s'etait fait jour à cette date. Signe que la ligne gouvernementale pose problème,
plusieurs sénateurs thaïlandais ont rencontré ces derniers jours des représentants de l'opposition birmane pour discuter d'une stratégie à mettre
en place pour aider à la démocratisation du voisin occidental du royaume. Ils ne sont d'ailleurs pas les seuls parlementaires à se prononcer
en faveur d'un soutien accru aux démocrates birmans. En Australie, le Parlement vient de voter une motion demandant au gouvernement de soutenir la demande
de la NLD qu'une réunion se tienne au conseil de sécurité des Nations Unies pour aborder le problème birman. Les députés
néerlandais ont de leur coté voté un texte appelant leur gouvernement à se prononcer en faveur du durcissement des sanctions économiques
contre la Birmanie. Plus largement, Koffi Annan, l'OIT, l'Allemagne, l'Italie, la Grande Bretagne et bien sur les Etats-Unis ont vertement dénoncé les rebuffades
de la junte. En France, une quinzaine importante s'est ouverte lundi, dans les locaux du CCFD, lors d'une soirée dont nous reparlerons dans le prochain
numéro de Net Hebdo, et dont le point culminant sera la remise de la citoyenneté d'honneur de la Ville de Paris par Bertrand Delanoë. Elle se
terminera par le jugement, le 17 décembre, dans le procès intenté contre Total par d'anciens travailleurs forcés birmans. La justice
doit en effet se prononcer sur les suites à donner à cette plainte, après plus de deux ans d'enquête.
Aung San Suu Kyi faite vendredi citoyenne d'honneur de la ville de Paris
Source: AFP, 8 ndécembre 2004
L'opposante birmane Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la Paix 1991, sera faite vendredi citoyenne d'honneur de la ville de Paris, avec remise symbolique du titre
au Dr U Sein Win, Premier ministre du gouvernement de coalition nationale, en exil, a annoncé la mairie.
Mme Suu Kyi, 59 ans, à la tête de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), est en butte depuis des années aux brimades du gouvernement
de son pays. Rangoon vient d'annoncer une prolongation d'un an de son assignation à résidence dans sa maison, où le téléphone
est coupé et où elle ne peut recevoir que quelques très rares visiteurs.
Au total, Mme Suu Kyi a passé neuf ans confinée dans sa maison, en trois périodes.
Le Conseil de Paris avait voté en juin une proposition des Verts de la faire citoyenne d'honneur de la ville.
Cette cérémonie se déroulera le jour du 56ème anniversaire de la Déclaration des droits de l'Homme, et du 13ème anniversaire
de la remise de son prix Nobel de la paix à ses enfants.
La Chine signe un accord de défense frontalier avec la Birmanie
Source: SDA-ATS, 5 décembre 2004
La Chine a signé un accord sur l'instauration d'un mécanisme de dialogue militaire avec la Birmanie. Les deux pays souhaitent un meilleur contrôle
de leur frontière commune longue de 2200 km, a rapporté l'agence Chinenouvelle depuis Rangoun.
Un mémorandum pour renforcer la coopération entre les armées des deux pays lelong de la frontière a été signée
par le chef d'état-major adjoint de l'Armée populaire de libération (APL), le général Ge Zhenfeng, et le chef d'état-major
de l'armée birmane Thura Shwe Mann, a précisé l'agence officielle chinoise.
L'accord doit permettre de "renforcer la lutte contre le crime transnational comme la contrebande et le trafic de drogue dans les régions frontalières",selon
l'agence Chine nouvelle. Selon Pékin, la quasi-totalité de l'héroïne importée en Chine provient de Birmanie. Les autorités
chinoises ont lancé depuis l'été une campagne contre ce fléau en partie responsable de la propagation du sida dans le pays le plus
peuplé du monde.
Du côté birman comme du côté chinois, la région frontalière est montagneuseet peuplée de nombreuses minorités
ethniques. La Chine est depuis 1989 l'un des principaux soutiens de la junte birmane. Pékin a des intérêts stratégiques en Birmanie,
qui offre à sa marine un accès à l'océan Indien. Le commerce bilatéral, en pleine expansion, s'est élevé à plus
d'un milliard de dollars en 2003, selon les chiffres birmans. En dehors du bois, la Chine est intéressée par les ressources de la Birmanie en hydrocarbures,
nécessaires pour alimenter la forte croissance économique chinoise.
La Chine avait déjà conclu des accords de défense du même type pour gérer ses frontières avec la Russie et la Mongolie,
a ajouté Chine nouvelle.
Rangoun accueille un sommet bouddhiste sur fond de polémique
Source: AFP, 8 décembre 2004
La Birmanie, "pays des mille pagodes", accueille à partir de jeudi le 4e sommet mondial bouddhiste que le régime militaire a maintenu malgré l'annonce
du boycottage d'une organisation-clé après une purge au sommet de l'Etat.
Le régime birman, très isolé, souhaite célébrer en grande pompe ce "nouvel événement de l'histoire du bouddhisme" et
redorer un blason encore terni par l'annonce de la prolongation pour un an de l'assignation à résidence de l'opposante et Nobel de la paix Aung San
Suu Kyi.
La Birmanie, pays de forte spiritualité et du bouddhisme theravada comme ses voisins thaïlandais, laotien, cambodgien et srilankais, a invité des
dignitaires de 37 pays au sommet et attendait 2.500 délégués de tous les continents. Mais une polémique avec le principal parrain de
ces sommets bouddhistes devrait nettement faire baisser le nombre de participants et de pays représentés à l'événement que Rangoun
aurait voulu grandiose.
Le sommet, prévu jusqu'à samedi, a essuyé le retrait de son principal promoteur, la branche japonaise Nenbutsushu, après le limogeage
en octobre du Premier ministre Khin Nyunt pour corruption. L'organisation nippone a indiqué craindre que la mise à l'écart du seul haut
responsable birman qui était disposé à un dialogue avec l'opposition démocratique ne provoque des troubles et que les délégations
ne soient en danger.
Nenbutsushu --qui organise l'événement une fois tous les deux ans-- a expliqué que de nombreux pays avaient annoncé qu'ils ne participeraient
pas au sommet après son retrait. La junte birmane a fait savoir qu'il n'était pas question d'annuler la rencontre mondiale après l'annonce
de la défection de l'organisation japonaise, "une secte de troisième classe qui a utilisé ses ressources financières pour organiser
des sommets bouddhistes pour sa seule promotion", a expliqué le quotidien officiel New Light of Myanmar. Des appels au boycottage ont aussi été lancés,
comme celui de l'Association d'assistance aux prisonniers politiques (AAPP), basée en Thaïlande, qui a fait valoir les persécutions de
moines par l'actuelle junte militaire et l'emprisonnement de quelque 300 d'entre eux dans les geôles de Birmanie.
Mais en dépit des vents contraires, Rangoun a mis un point d'honneur à réussir "son" sommet. Le gouvernement a fait construire un nouveau centre de convention
et édifié ou rénové des dizaines de temples pour le sommet, dont les préparatifs "élaborés" ont fait l'objet d'un battage médiatique.Les
donations ont apparemment afflué parmi la population à 90% bouddhiste et très pieuse du pays. L'ambition officielle de la rencontre est de "propager le bouddhisme
dans le monde et renforcer la coopération et la solidarité des communautés bouddhistes, (..) de réduire les tensions et les conflits". "C'est le mélange
de la politique et de la religion qui nous dérange, tout est organisé par l'Etat birman donc il y aura forcément de la propagande", a déclaré un diplomate à Rangoun.
Le Premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra va donner un coup de pouce inespéré au sommet, en prononçant un discours à l'ouverture et sera l'un
des rares dignitaires étrangers présents, avec son homologue laotien Boungnang Vorachit.
La Birmanie compte, selon des chiffres officiels, 400.000 moines --qui se consacrent essentiellement à l'étude et à l'enseignement-- dans
neuf ordres différents, tous sous la tutelle de l'Etat. Les moines birmans ont joué un rôle important, aux côtés des étudiants,
dans les manifestations de masse prodémocratiques réprimées dans le sang en 1988 par la junte.
Rangoun ouvre en grande pompe un sommet bouddhiste controversé
Source: AFP, 9 décembre 2004
Les autorités birmanes ont ouvert en grande pompe jeudi un sommet bouddhiste mondial, bien décidées à en obtenir des retombées
positives en dépit de la défection de l'un des parrains de la rencontre et d'appels au boycottage.
Le régime militaire était visiblement soucieux d'utiliser au maximum la rare occasion offerte à un pays isolé sur la scène internationale
par la réunion de plus d'un millier de délégués d'une vingtaine de pays à Rangoun, sa capitale,
propre et sûre comme jamais.
Elles ont même exceptionnellement ouvert les portes du pays à la presse étrangère.
De hauts dignitaires bouddhistes, quelque 500 moines et un millier de délégués birmans et étrangers se sont retrouvés pour trois
jours dans un imposant centre rénové à grands frais.
Les gradins étaient colorés des robes grises de moines de Corée du Sud, orange du ceux du Cambodge, brique foncée de ceux d'Inde ou
de Mongolie, safran de ceux de Thaïlande ou rose pâle des nonnes birmanes. Seuls quelques moines de pays occidentaux étaient présents.
Lors d'un cérémonial réglé à la minute, entre incantations prononcées ensemble par les délégués
tous pieds nus, les enseignements du Bouddha et surtout les mots "amour", "compassion" ou "paix" sont revenus dans tous les discours.
Dans un silence imposant, le numéro un de la junte, le généralissme Than Shwe, dont les apparitions en public sont peu fréquentes,
est venu quelques minutes s'incliner devant les hauts dignitaires bouddhistes et saluer les rares hauts responsables étrangers honorant le sommet birman
de leur présence.
Le Premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra avait fait le déplacement, un geste jugé par les analystes comme un beau cadeau de Bangkok à la
junte.
Il a déclaré lors d'un discours que la Birmanie s'imposait comme le pays "le plus approprié pour la tenue du sommet mondial bouddhisme", apparemment
en référence à la polémique qui a entouré l'organisation de la rencontre.
Le sommet de trois jours a essuyé le retrait de son principal promoteur, la branche japonaise Nenbutsushu, après le limogeage en octobre du Premier
ministre Khin Nyunt pour corruption.
Cette organisation a dit craindre que ce remaniement n'entraîne une instabilité préjudiciable au sommet.
Des organisations de défense des droits de l'Homme ont aussi lancé des appels au boycottage alors que la junte détient toujours quelque 1.300
prisonniers politiques.
Mais la Birmanie a fait du maintien du sommet une affaire de prestige. Elle a invité des dignitaires de 37 pays et attendait 2.500 délégués.
Aucun chiffre précis n'a été communiqué sur la participation réelle mais l'objectif n'avait visiblement pas été atteint.
Néanmoins, ce sommet "leur permet de montrer une bonne image d'eux, de ce pays du bouddhisme, de la compassion", a estimé un diplomate, "ils peuvent
dire: 'regardez on a réuni tous nos amis autour de nous'".
"Le sommet va répandre la patience, le pardon, et la gentillesse aimante", a déclaré le nouveau Premier ministre birman Soe Win, qui a remplacé Khin Nyunt
et qui passe pour un "dur" peu enclin au dialogue avec l'opposition.
Interrogés sur leur sentiment à participer à une rencontre prêchant amour et compassion dans l'un des pays coupable des pires violations
des droits de l'Homme au monde, la plupart des délégués optaient pour la prudence.
"Nous ne voulons pas parler de politique ici", a déclaré à l'AFP Jay Shree, déléguée indienne venue de Bombay, "on ne connaît pas la
situation de ce pays".
"Je vois (la politique et la religion) comme des questions séparées", expliquait une déléguée néérlandaise, "nous ne savons pas exactement
ce qui se passe" en Birmanie.